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Nos paroles nous engagent-elles autant que nos actes ?

Publié le 01/02/2004

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Cette question nous invite à réfléchir à la fois sur le poids que nous accordons à nos paroles, et sur le statut même de la parole parmi les actes humains en général. Les paroles, qui ne transforment pas physiquement le monde, sont-elles des actes à part entière, ou seulement du vent, des sons véhiculant une informant pour un échange intellectuel sans aucune effectivité ?Nous verrons tout d'abord pourquoi nous pouvons considérer que les paroles sont bien légères par rapport aux actes; nous préciserons ensuite ce qui, souvent, donne aux paroles un poids particulier; nous nous demanderons enfin dans quelle mesure l'opposition entre paroles et actes est valables: les paroles ne sont-elles pas des actes à part entière, qui changent le monde au moins autant que les actes ? I. Les paroles s'envolent... Il y a ce qu'on dit et il y a ce qu'on fait Si les paroles sont souvent accueillies avec réticence et sont considérées comme des engagements moins fermes que les actes, c'est qu'effectivement nous annonçons bien souvent des intentions que nous ne concrétisons pas. « On se téléphone et on déjeune, à très bientôt ! » : un tel engagement n'est pas nécessairement hypocrite, mais il est le plus souvent stérile. Notre capacité de discours dépasse très largement notre capacité d'action. Théorie et pratiqueDe plus, le discours se situe toujours partiellement dans l'abstraction nous faisons abstraction de bien des conditions concrètes, et nous parlons en un temps qui n'est pas encore celui du passage à l'acte; l'heure de vérité n'a pas encore sonné. On peut donc dire que nos paroles sont des annonces qui ne valent rien avant le temps de la réalisation.



« Les paroles témoignent de notre être. Enfin, on peut dire que les paroles nous engagent autant que les actes parce qu'elles sont la traduction la plusdirecte de nos intentions, de nos états de conscience.

Il n'est pas nécessaire de faire des promesses pour êtreengagé : pour Sartre, l'engagement est le propre de l'existence en général ; nos paroles nous engagent au sens oùelles participent au processus général par lequel nous construisons notre existence. III.

...

et les paroles sont des actes La compréhension sartrienne de l'engagement nous suggère de modérer l'opposition entre les paroles et les actes :les paroles sont des actes - de discours, mais des actes tout de même. Quand dire, c'est faire Le linguiste Austin a montré que le langage, loin d'avoir comme seule fonction la transmission d'informations, enremplit bien d'autres, dont la fonction performative, qui représente le mieux l'acte d'engagement et qu'il résume parla formule : « quand dire, c'est faire ».

Par exemple, dire « oui » lors de son mariage ou « je le jure » dans le cadred'un procès constitue un acte authentique accompli devant témoins : un mot a changé tout le statut juridique del'individu ainsi que sa situation personnelle et sociale. Les paroles sont triplement actes • Le linguiste et philosophe anglais J.

L.

Austin a souligné que toute parole, tout discours est triplement acte: – Acte locutoire.

Une parole, un discours est d'abord l'exercice de la faculté du langage.

Un discours est un énoncéou un ensemble d'énoncés réellement produit par un locuteur (individuel ou collectif).

Il est dan par lui-même unacte : acte de locution. – Acte illocutoire.

Lorsque je parle (que j'accomplis un acte de locution), j'utilise le discours.

Mais je puis l'utiliser dedifférentes manières, car le discours a de nombreuses fonctions.

Je puis, par exemple, informer, suggérer,promettre, interdire, etc.

Donc en disant quelque chose, j'effectue un acte différent de l'acte locutoire qui est dedire quelque chose.

Austin appelle « illocutoire » cet acte effectué en disant quelque chose. – Acte perlocutoire.

Un discours a le plus souvent certains effets intentionnels ou non, même lointains, soit surautrui, soit sur celui qui parle.

Ainsi lorsque je produis un acte locutoire (et par là-même un acte illocutoire) jeproduis un troisième acte, qu'Austin nomme « perlocutoire ». • Ces trois actes distincts sont illustrés par l'exemple suivant :– Acte locutoire : production de la parole, « Tu ne peux pas faire cela ».– Acte illocutoire la parole « Tu ne peux pas faire cela » manifeste une protestation contre une action.– Acte perlocutoire : la parole (et la protestation) « Tu ne peux pas faire cela » a pour effet de dissuaderl'interlocuteur de réaliser son action. "Nous prendrons donc comme premiers exemples quelques énonciations qui nepeuvent tomber sous aucune catégorie grammaticale reconnue jusqu'ici, hors celle del'« affirmation » ; des énonciations qui ne sont pas, non plus, des non-sens, et qui necontiennent aucun de ces avertisseurs verbaux que les philosophes ont enfin réussi àdétecter, ou croient avoir détectés : mots bizarres comme « bon » ou « tous »auxiliaires suspects comme « devoir » ou « pouvoir » constructions douteuses tellesque la forme hypothétique.

Toutes les énonciations que nous allons voir présenteront,comme par hasard, des verbes bien ordinaires, à la première personne du singulier del'indicatif présent, voix active.

Car on peut trouver des énonciations qui satisfont cesconditions et qui, pourtant, A) ne « décrivent », ne « rapportent », ne constatentabsolument rien, ne sont pas « vraies ou fausses » ; et sont telles quen B)l'énonciation de la phrase est l'exécution d'une action (ou une partie de cetteexécution) qu'on ne saurait, répétons-le, décrire tout bonnement comme étant l'actede dire quelque chose.

(...)Exemples :(E.a) « Oui [je le veux] (c'est-à-dire je prends cette femme comme épouselégitime) » — ce « oui » étant prononcé au cours de la cérémonie du mariage.(E.b) « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth — comme on dit lorsqu'on brise unebouteille contre la coque.(E.c) « Je donne et lègue ma montre à mon frère » — comme on peut le lire dans untestament.(E.d) « Je vous parie six pences qu'il pleuvra demain ».Pour ces exemples, il semble clair qu'énoncer la phrase (dans les circonstancesappropriées, évidemment), ce n'est ni décrire ce qu'il faut bien reconnaître que je suisen train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c'est le faire.

Aucune des. »

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