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LA NOTION PHILOSOPHIQUE DE PERSONNE

Publié le 22/02/2012

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Caractériser ma personnalité, c'est répondre à la question : «Qui suis-je?» La caractérologie, la psychanalyse s'efforcent de donner à cette réponse, nous l'avons vu, une valeur scientifique. Mais il y a une autre question, celle-là d'ordre strictement philosophique : «Quel est ce je qui est?» Ici il ne s'agit pas de faire l'analyse du contenu du moi, mais il s'agit de définir pourquoi je suis une personne. Chacun de nous se reconnaît comme un sujet, se pose en s'opposant aux objets du monde extérieur. Chacun de nous dit «Je» en parlant de lui-même. Chacun de nous se reconnaît comme personne par opposition aux choses. Nous allons traiter à présent de la personne sous cet angle, c'est-à-dire non en tant que contenu déterminé (objet de la psychologie) mais en tant qu'unité formelle.

« isolée, fermée sur soi mais peut constituer avec les autres personnes conscientes une communauté. Il peut sembler alors que l'unité de la personne ne soit pas un simple donné biologique, mais qu'il intervienne à sasource une construction volontaire sollicitée par des valeurs autour desquelles s'organiserait l'unité du moi.

Cesvaleurs, d'où peuvent-elles venir? Peut-être — par l'intermédiaire de l'éducation — viennent-elles de la société quinous oblige à unifier nos attitudes, à donner de la cohérence à notre vie. CONDITIONS SOCIALES DE L'UNITÉ PERSONNELLE Le sentiment de l'unité du moi, le sentiment d'être une personne, est acquis progressivement par l'enfant dans sesrelations avec autrui.

C'est à la fois par l'imitation et par l'opposition (attitudes qui sont deux façons de réagir à laprésence d'autrui) que l'enfant prend conscience de lui-même.

D'abord, il parle de lui à la troisième personne, commefont les autres (Bébé promener, Bébé dodo).

Puis vers trois ans, il apprend à dire je, surtout en s'opposant auxvolontés de l'entourage qui le comprend mal ou fait obstacle à ses caprices.

(C'est la «crise» de la troisième année).Ces attitudes d'imitation et d'opposition se retrouvent tout au long du développement de l'enfant (par exemple,l'écolier prend conscience de son individualité, en classe et pendant les jeux, par la coopération et l'expérience de lasolidarité, tandis que l'adolescent éprouve l'originalité irréductible de son «moi» dans les conflits qui l'opposent à sonentourage). La société n'est pas moins présente à la source du sentiment du moi chez l'adulte.

L'idée de responsabilité parlaquelle je me reconnais aujourd'hui l'auteur de mes actes d'hier est pour une grande part d'origine sociale.

Dansresponsabilité il y a répondre, et pour répondre il ne faut pas être tout seul, il faut que les autres nous aient posédes questions, nous aient demandé d'assumer une tâche.

La société ne cesse de nous obliger à nous surveillernous-mêmes, car nous sommes entourés de témoins qui nous observent, elle nous force d'être attentifs à nos actessur lesquels l'attention d'autrui se dirige.

La mémoire elle-même (sans laquelle il n'y aurait pas de continuitépersonnelle à travers le temps) serait liée, selon Pierre Janet, à la conduite du récit, qui est une conduite d'originesociale (les autres nous demandent de rendre compte de ce que nous avons fait).

Il est remarquable que le seulsouvenir que je ne risque jamais d'oublier (parce qu'on me le demande à tout propos) n'est pas l'objet d'uneexpérience intime, mais je le reçois directement de la société.

Ce «souvenir», c'est ma date de naissance.

(L'oublide la date de naissance est pour le psychiatre un élément du diagnostic de troubles graves de la personnalité.) A lalimite je pourrai dire : mon identité c'est ma carte d'identité, mon livret militaire, etc.

Mauss a montré l'importancedu nom dans le sentiment de la personne, en ses belles analyses sociologiques sur les Esquimaux.

Tous lesEsquimaux qui portent le même nom se considèrent, paraît-il, comme à peu près interchangeables ; d'autre part,chacun d'eux possède un nom d'hiver et un nom d'été correspondant à des occupations sociales très différentes etils disent volontiers qu'ils ne sont pas « le même homme » en hiver et en été. Les sociologues ont montré par ailleurs que dans les sociétés primitives la notion de personne existe à peine.

Lesfonctions des individus ne sont pas assez différenciées pour que ceux-ci se singularisent dans le groupe (parexemple, l'individu acceptera sans aucune difficulté de se suicider pour des nécessités rituelles).

L'évolution dessociétés archaïques individualise quelques personnes, les chefs, dans le groupe.

Dans chaque tribu ceux-ci prennentconscience de l'importance de leur rôle et de leur valeur propre en de curieuses cérémonies appelées potlatch (ils'agit d'une compétition de dons entre les rivaux.

C'est à qui offrira les cadeaux les plus somptueux pour se faireattribuer le premier rang). Dans notre langue, le mot personne désigne d'abord une fonction sociale.

Au XIIIe siècle, la «personne» de laparoisse c'est le curé de la paroisse (le terme anglais parson possède encore cette signification), autrement dit legrand personnage de la paroisse.

C'est seulement au terme d'une évolution sociale que nous nous reconnaissonstous comme personnes.

Durkheim expliquait cette évolution par la division du travail social qui individualise le rôle dechacun dans la production.

Et nous avons déjà souligné l'importance de la Révolution française qui, en donnant àtous des droits égaux qui n'appartenaient qu'à quelques-uns, en monnayant les privilèges de quelques-uns en droitsuniversels, a littéralement créé des personnes.

Aujourd'hui nous nous appelons tous «Monsieur», nous sommes tousélecteurs, nous sommes tous des « personnages ». En ce sens l'unité du moi serait cherchée dans l'unité du rôle social, dans l'unité du personnage.

L'étymologie du motpersonne est ici bien révélatrice.

«Personne» vient du latin «persona » qui signifie masque.

Les acteurs des piècesantiques portaient un masque qui, figé dans son expression immobile pendant toute la durée de la représentation,soulignait l'unité du caractère.

Nous aussi nous jouons un rôle dans la société.

Et — surtout lorsque ce rôle estéminent — nous ne le distinguons pas de nous-mêmes.

Nous sommes le docteur, le colonel ; non seulement sur noscartes de visite, mais dans notre existence entière, nos titres nous accompagnent, font partie de nous-mêmes.

PaulValéry écrit : «Dans toute carrière publique, une fois que l'on a construit son personnage et que le bruit qu'il faitrevient à son auteur et lui enseigne qui il paraît, celui-ci joue son personnage ou plutôt son personnage le joue etne le lâche plus D'ailleurs, si les vicissitudes de l'existence nous arrachent notre masque, nous dépossèdent de notrerôle social, il peut arriver que nous ne nous reconnaissions plus nous-mêmes, que nous nous sentions tout près dene plus être une personne, de ne plus exister.

C'est ce qui arrive, dans la pièce de Shakespeare, au roi Richard II.Dépossédé de son trône, il cesse de jouer dans l'esprit des autres son rôle royal, et ne se reconnaît plus lui-même.Comme l'écrit Lemonnier, dans son très beau livre sur Shakespeare : « Dès que sa puissance absolue est mise enquestion, Richard II...

n'a plus conscience d'être le même homme...

Afin de se retrouver, il appelle ses nobles autourde lui, il leur raconte son histoire, comme les aventures de quelqu'un d'autre...

Dépossédé de son rôle, il doute...

desa propre réalité et pousse ses doutes si loin qu'il demande un miroir pour se regarder...

En demandant le miroir,. »

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