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Que nous apprend sur l'homme le sentiment de la faute?

Publié le 01/04/2005

Extrait du document

Le sentiment de la faute nous montrerait donc que l'homme est un être moral. Ainsi que l'écrit Kant dans la Critique de la raison pratique : « La loi morale est donnée comme un fait de la Raison dont nous sommes conscients a priori et qui est apodictiquement certain, en supposant même qu'on ne puisse alléguer dans l'expérience aucun exemple où elle ait été exclusivement suivie. » c) D'autre part, cette moralité n'a de sens que si l'homme est capable de liberté. En effet, seule la liberté nous fournit les moyens de nous donner à nous-mêmes notre propre loi. Ainsi, la liberté est ce par quoi nous devenons responsables de nos actes. C'est elle qui nous permet d'échapper aux déterminations naturelles, aux velléités du corps, et qui ainsi nous octroie la possibilité d'agir en vue de l'unique respect. Sans liberté, la loi morale n'aurait aucun sens. La liberté est, ainsi que Kant l'écrit dans la préface de la Critique de la raison pratique : « ratio essendi de la loi morale », ce qui donne sens à la morale. Aussi est-il en droit d'ajouter que : « s'il n'y avait pas de liberté, la loi morale ne saurait nullement être rencontrée en nous. » (Critique de la raison pratique, préface).

Analyse du sujet :

Homme : « Homme « est le nom commun qu’on donne à l’Homo sapiens sapiens. « Sapiens « est un adjectif latin qui signifie « intelligent «, « sage «, « raisonnable «, ou encore « prudent «. Le trait saillant qui définit l’homme semble donc être le fait que c’est un être vivant doué de raison. Cette hypothèse résulte d’une longue tradition philosophique qui a construit le concept d’humanité en opposition à celui d’animalité. Ainsi, on a tendance à considérer que l’homme se distinguerait du reste des créatures vivantes parce qu’il serait capable de pensée, de conscience, de langage et de liberté, alors que les animaux n’en auraient pas la capacité. Cela confèrerait à l’homme une dignité particulière : seul d’entre les créatures à posséder la raison, il serait également le seul à pouvoir se représenter une fin, et à ce titre, il serait en lui-même une fin, c’est-à-dire une personne que l’on devrait respecter, et non pas une simple chose dont on pourrait disposer.

Sentiment : Le sentiment est une connaissance plus ou moins claire et liée au domaine affectif. C’est une connaissance tirée du ressenti, relevant des émotions et qui appartient au domaine des passions. On peut aussi l’utiliser pour désigner une inclination, comme lorsqu’on parle par exemple du « sentiment moral « pour désigner l’inclination à la moralité. Le sentiment, dans la tradition philosophique, est généralement teinté d’une connotation péjorative, car il se rapporte au domaine des passions dont il incarne une des déclinaisons possibles. Or, même si ce n’est pas obligatoire, la philosophie oppose en règle générale les passions à la raison et considère que cette dernière est supérieure aux premières. De la sorte, on a tendance à reléguer le sentiment dans le domaine de l’incertain ou de la faiblesse. Le problème principal du sentiment est de savoir si celui-ci peut constituer un moyen réel de connaissance puisque ce dernier n’est pas tributaire de la seule raison.

Faute : Le terme « faute « désigne un manquement à une règle ou à un devoir, et est le plus souvent employé pour ce qui concerne le devoir moral. La faute prend sens en cela qu’on considère que celui qui la commet aurait pu l’éviter. Elle fait donc intervenir la notion de responsabilité, et par suite, de liberté. En ce sens, elle se distingue de l’échec, qui peut être dû intégralement à des causes extérieures.

Sentiment de la faute : Le sentiment de la faute renvoie généralement à l’idée du remords : la faute est quelque chose qu’on se reproche. On considère habituellement qu’on aurait pu l’éviter et que c’est un mal. Mais le sentiment de la faute peut également être quelque chose qui concerne des individus extérieurs à l’agent : ainsi celui qui commet un crime peut éveiller le sentiment de la faute chez les autres, mais pas forcément en lui-même. Dans un tel cas, le sentiment de la faute met particulièrement en avant l’enjeu sociologique avec lequel il est aux prises.

 

Problématisation :

Le sentiment de la faute semble nous indiquer que l’homme est un être capable de choix : il ressent son échec comme une faute parce qu’il sait qu’il aurait pu faire en sorte que cette action soit couronnée de succès. Plus encore, ce sentiment de faute se rapporte à un sentiment moral, car dans la faute, l’homme ne considère pas seulement qu’il a raté son coup, il ajoute à cela l’idée qu’il a fait quelque chose de mal, là où il aurait pu faire le bien. Le sentiment de la faute semble donc être une sorte de message venant d’ailleurs, un ailleurs qui nous signalerait par là notre manquement au devoir moral. Mais tout le problème consiste donc à savoir si tel est véritablement le cas, ou si le sentiment de la faute n’est à cet égard qu’une illusion.

 

 

« La liberté n'est qu'une illusion de l'orgueil humain.

2. a) La théorie kantienne postule en effet que le sentiment de la faute renvoie à quelque chose de sensé, que cesentiment a une raison d'être.

Mais cela n'est pas assuré.

Il faudrait pour cela que tout ce qui existe ait sa raisond'être, comme si le monde était organisé de manière providentielle.

Rien ne prouve cependant qu'il en soit ainsi.b) La liberté est ainsi prouvée avec Kant de manière tout à fait arbitraire.

En vérité, la liberté est plus un postulatqu'une réalité.

Qu'est-ce qui, finalement, fait la différence entre une action libre et une action sans liberté ? Peut-être n'est-ce qu'un sentiment illusoire : celui d'avoir décidé.

Agir librement, c'est agir tel que le font ces hommes quisont « conscients de leurs actions et inconscients des causes qui les déterminent.

» (Spinoza, Ethique , II, proposition 35, scolie) Mais cela n'est pas de la liberté réelle, ce n'est que l'orgueil humain qui se flatte de se croirelibre.c) Si la liberté n'existe pas, l'édifice kantien s'écroule, car la morale kantienne n'a plus de sens sans la liberté.L'agencement providentiel du monde que posait Kant est donc à revoir.

Transition : Cela ayant été affirmé, il n'en reste pas moins que la critique spinozienne de la liberté ne fait que relancer le problème : comment se fait-il alors qu'il y ait chez l'homme un « sentiment de la faute » ? Le sentiment de la faute comme état morbide de l'être humain.

3. a) L'homme n'étant pas libre, il faut chercher l'origine du sentiment de culpabilité ailleurs que dans les domaines oùrègne la liberté.

Que pouvons-nous concevoir d'autre relativement au sentiment de la faute ? Qu'il est unesouffrance.

On pourrait ainsi soutenir avec Nietzsche que l'homme a inventé la culpabilité pour se faire souffrir.b) Dans l'humanité, nous raconte Nietzsche, s'est maintenue « l'idée que tout dommage trouve quelque part sonéquivalent , qu'il est susceptible d'être compensé, fut-ce même par une douleur que subirait l'auteur du dommage.

» (Généalogie de la morale , deuxième dissertation, paragraphe 4) Ainsi, il y a très longtemps, lorsque quelqu'un avait accompli un méfait, celui qui avait subi ce méfait se voyait octroyer en compensation l'opportunité de faire souffrirl'auteur du dommage.

Le criminel n'était jamais que quelqu'un qui avait contracté une dette envers la société.

On neconsidérait pas qu'il avait, à un quelconque moment, été libre d'en faire autrement.

Avec le développementintellectuel de l'homme et sa socialisation, la morale a entériné cette conception du dédommagement en introduisantchez l'homme l'idée de la faute.

La faute est ainsi une moralisation de la dette.

On change la dette en faute, de tellesorte qu'on fait croire à celui qui a contracté une dette qu'il aurait pu faire autrement.

Ainsi, on le rend honteux deses actes et on fait tout pour lui donner mauvaise conscience.

Par une perfidie redoublée, on le soustrait à lavengeance immédiate et visible de la population et, ce faisant, on favorise le développement du ressentiment ausein de celle-ci, ressentiment qui s'amasse contre le criminel qui ne peut ainsi jamais se racheter ni payer sa dette.Exécutées de cette manière, les punitions « ne purifient pas le criminel, elles ne sont pas des expiations : aucontraire, elles souillent plus que le crime lui-même » (Nietzsche, Aurore , Livre quatrième, aphorisme 236).

Celui qui a subi une punition n'est ainsi pas regardé comme quelqu'un qui a réparé ce qu'il a fait, il est au contraire marqué àtout jamais.

La cruauté qui s'exerce sur lui est ainsi sublimée et rendue encore plus tenace.c) Le sentiment de la faute nous apprend donc que l'homme est un être capable de s'inventer l'illusion de la libertépour se faire souffrir.

L'homme était auparavant un être qui prenait plaisir à faire souffrir et qui se dédommageait enfaisant souffrir.

Il est devenu avec l'apparition de la mauvaise conscience un être qui a honte de lui-même et quiprend plaisir à se faire souffrir lui-même.

Il s'est ainsi inventé un statut qu'il ne possède pas dans le simple but derassasier sa cruauté en la retournant sur lui-même.

Ce paradoxe tragique nous pousse à considérer avec Nietzscheque l'homme est « l'animal malade par excellence » ( Généalogie de la morale , troisième dissertation, paragraphe 13) Voilà peut-être ce que le sentiment de la faute nous apprend sur l'homme : qu'il n'est pas au monde de créature quisoit plus malade et morbide que l'homme.

Conclusion :Dans une première partie, nous avons considéré que le sentiment de la faute nous révélait notre capacité morale etdonc notre liberté.

Suite à cela, nous avons vu que cette liberté était illusion et en avons conclu que la morale nepouvait donc qu'être aussi une illusion.

Enfin, nous avons montré que le sentiment de la faute était une invention del'homme pour accroître sa cruauté, ce qui nous a permis d'en conclure que l'homme était « l'animal malade parexcellence ».. »

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