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UNE OBJECTION DE PLUTARQUE AU PANTHÉISME STOÏCIEN : SI DIEU EST PARTOUT ET FAIT TOUT N'EST-IL PAS RESPONSABLE DES LAIDEURS DU MONDE ET DES PÉCHÉS DES HOMMES ?

Publié le 06/02/2011

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plutarque

Mais le vers dont il fait maintenant l'éloge, non pas une fois, ni deux, ni trois mais mille fois, il sera possible de l'adresser à Chrysippe : « Le plus facile, tu l'as dit, c'est d'accuser les dieux«. D'abord, en effet, dans le premier livre De la Nature, il compare le mouvement éternel à une drogue, dont on tourne et dont on mélange les composants de manière différente, et il dit : « Dans le progrès du gouvernement de l'univers, il est nécessaire, en nous conformant à lui, d'être dans l'état où nous sommes, que nous soyons malades ou mutilés contrairement à notre nature propre, ou que nous soyons devenus grammairiens ou musiciens. « Et peu après : « D'après ce raisonnement, nous dirons la « même chose de la vertu et des vices et en général de nos réussites et de «nos échecs«. Et peu après pour enlever tout doute : « Des événements particuliers, il n'en est aucun, pas même le moindre, qui n'arrive selon la nature universelle et la raison de cette nature «. Que la nature universelle et la raison universelle de cette nature soient le Destin, la Providence et Zeus, c'est ce qu'on sait même aux antipodes ; car ils le répètent partout. Et Chrysippe prétend qu'Homère a dit justement « La volonté de Zeus s'accomplit « en se référant au Destin et à la nature universelle selon laquelle tout est gouverné. Comment alors serait-il vrai à la fois que Dieu n'est pas le complice de notre immoralité, et qu'il n'est nulle chose, fût-ce la moindre, qui n'arrive autrement que selon la nature universelle et sa raison ? Or dans la totalité des événements sont aussi les actes immoraux ; ils sont donc en quelque manière le fait des dieux. Pourtant Épicure s'agite à ce sujet en montrant son habileté, en inventant un moyen de libérer la volonté et de la détacher du mouvement éternel, pour éviter que le vice ne soit pas un sujet de reproche1; mais Chrysippe lui donne toute licence de se déployer puisqu'il s'accomplit non seulement nécessairement selon le destin, mais encore selon la raison divine et l'être parfait. C'est ce que l'on voit encore d'après ce texte : « Puisque la nature universelle s'étend à tout, tout ce qui arrive dans l'univers et dans une quelconque de ses parties devra arriver conformément à cette nature et à sa raison selon une suite qui ne rencontre pas d'obstacle ; puisqu'il n'y a rien en dehors de l'univers pour s'opposer à son gouvernement et que dans nulle de ses parties ne sont possibles un mouvement ou un état qui ne soient conformes à cette nature «. Que sont donc ces états et ces mouvements des parties ? Les états sont évidemment les vices et maladies de l'âme, avarice, amour du plaisir, ambition, lâcheté, injustices ; et les mouvements, ce sont les adultères, les vols, les trahisons, les parricides. Chrysippe est d'opinion que nul d'entre eux, grand ou petit, n'est contraire à la raison de Zeus, à la loi, à la justice, à la providence ; si bien que la transgression de la loi n'est pas contraire à la loi, ni l'acte injuste à la justice, ni la malfaisance à la providence.    (Bibliothèque de la Pléiade : LES STOÏCIENS).

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