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L'objectivité de la science est-elle moralement neutre ?

Publié le 20/03/2004

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Nous en retrouvons la trace dans le terme « d'architecte « qui désigne celui ayant la connaissance du principe (arche) selon lequel des matériaux seront bien assemblés (tuktos). Nous voyons ainsi que la valeur dominante est celle de la qualité d'une opération relativement au but fixé. Nul ne voudrait habiter une demeure dont les murs seraient de guingois ou fuiraient. La vertu du technicien est donc la compétence qu'il acquiert par un apprentissage fait d'exercices répétés. Personne ne naît habile, nous devons le devenir par l'éducation. On aurait tort, d'ailleurs, de limiter cette vérité aux seules opérations de fabrication. L'écolier assimile aussi des démarches intellectuelles afin de réaliser avec aisance des tâches de plus en plus complexes. Que vaudraient des connaissances non ordonnées par une méthode ? Tout ceci montre que la technique est une notion dont l'extension est très large, au point que l'on peut se demander ce qui lui échappe dans l'usage qu'un homme fait de ses facultés. L'ethnologue Marcel Mauss le souligne en répertoriant toutes les techniques du corps.

Il s'agit d'évaluer l'objectivité scientifique au point de vue de la morale. Cela suppose évidemment que l'on ait une idée assez claire et complète de ce qu'il faut entendre par objectivité de la science. Analysez la neutralité de la science vis-à-vis de la morale - ou au contraire son engagement - ne sera possible qu'à partir de données concrètes fournies par l'histoire des connaissances et découvertes scientifiques, ainsi que des cas où un conflit (ou au contraire une alliance) se sont effectivement produits. On évitera de se limiter à l'exemple trop classique du nucléaire et de la bombe atomique.

I) L'amoralisme de la science: objective, la science est moralement neutre.

II) Pourtant, comme pratique, la science ne peut échapper à la morale.

III) Une science immorale et dangereuse ?

« A.

Une morale du salutL'intérêt manifesté par l'ethnologie permet de voir que la technique est, à plusieurs titres, un phénomène culturelfondamental.

Nous en avons une preuve dès les textes les plus anciens.

Le mythe de Prométhée exprime une idéemaîtresse.

L'homme n'a pu survivre que grâce à son habileté et son ingéniosité.

Il est cet être capable d'inventerdes procédés afin d'agir sur son environnement pour l'adapter à ses besoins.

L'intelligence technicienne estopératoire.

Elle transforme le donné naturel.

Henri Focillon souligne l'importance de la main, organe de préhensionaux multiples usages, par lequel l'homme s'empare de son environnement en tuant et en découpant les bêtes, entaillant le bois, en cousant, etc.

Or ceci confère à la technique une portée morale.

Eschyle salue en Prométhée lebienfaiteur de l'humanité.

Il est notre sauveur.

Sans lui, nous vivrions terrés au fond des grottes à l'instar des plusfaibles des animaux.

Tous les arts viennent de lui.

Platon est encore plus tranchant lorsqu'il fait dire à Protagorasque sans le don du feu nous étions condamnés.

La technique est alors pensée comme l'ensemble des moyens parlesquels l'humanité conquiert son autonomie et améliore son cadre de vie.

Elle participe donc au progrès del'humanité en développant les conditions de son bien-être. B.

La TechnophobieNous remarquons cependant que ces considérations sont solidaires de critiques qui suspectent ou même maudissentcette ingéniosité.

Le don de Prométhée est la contrepartie du vol qu'il commit à l'égard des dieux.

Il apparaît doncque la conscience mythique eut la conviction que les avancées techniques impliqueraient toujours un dommage, unelésion.

Ceci se comprend en revenant à la dimension du savoir-faire.

Il s'agit d'être efficace, de réussir.

Cet objectifest parfaitement défendable puisqu'il répond à une nécessité première.

Cependant, l'histoire montre que l'Occidents'est engagé dans une course à la puissance et à la domination qui a fini par provoquer des réflexions critiques,voire franchement pessimistes, sur la valeur morale de notre civilisation.

La technique est dès lors suspectéed'immoralité.

On entend par technophobie, un mélange de crainte et de haine envers les réalisations de la technique.Rousseau compare l'homme à un tyran qui impose à la nature la puissanceinsatiable de son désir.

Il évoque « les montagnes rasées, les rochers brisés,les bâtiments énormes élevés sur la terre » pour déplorer l'ardeurprométhéenne de l'homme.

Le but de son propos est clair.

Il s'agit deconvaincre son lecteur que ces démonstrations de force prouvent notredémesure et ne nous rendent pas heureux.

Tout au contraire, l'homme setyrannise lui-même en s'éloignant d'une vie naturelle.

La technophobie voitdans l'opération transformatrice, une violence, pour ne pas dire un viol, àl'égard de la pureté et de la bonté d'une mère nature.Cette métaphore, pour séduisante qu'elle soit, mérite cependant d'êtreinterrogée.

Elle personnifie une réalité dont il est aisé de montrer que sesmanifestations ne sont pas forcément bienveillantes.

La déplorationantitechnique tourne vite au propos moralisateur.

Kant souligne ainsi que lanature n'a pas été généreuse envers nous puisqu'elle nous a exposé auxanimaux et aux climats difficiles.

Son analyse l'amène à soutenir que cetteingratitude est le signe qu'elle destinait l'homme à développer ses facultés ense cultivant.

L'habileté technicienne est donc expressive d'une morale del'effort.

L'amoureux de la nature le vérifie lui-même à sa façon, car il appréciesurtout les situations dont la technique lui permet de jouir.

Paul Valéry lerésume spirituellement en disant qu'un tel homme aime surtout se promenerdans les champs. 3.

Le sens du procès A.

Technique et destinLa remarque de Valéry indique que la technique contribue, de façon parfois inaperçue, à notre bien-être.

II restetoutefois une difficulté relative à l'idée de progrès.

Le procès intenté à la technique est ancien.

On en trouve latrace dès l'Antiquité.

Eschyle célèbre Prométhée mais condamne le roi des Perses pour avoir bâti un pont sur la MerNoire.

La volonté de puissance du souverain, qui voulait par ce biais conquérir la Grèce, a été châtiée.

L'ingéniositéhumaine permet à l'homme de repousser indéfiniment ses limites.

Il ne se contente pas de faire mais il sait refaire envariant.

Bergson y voit la première démarche de l'intelligence.

Or cette faculté peut, par ses succès mêmes, nousaveugler sur la valeur des buts que nous poursuivons.

Heidegger le sou-ligne en distinguant la technique anciennede la technique moderne.

Celle-ci ne produit pas en ayant pour modèle les processus naturels mais travaille à «arraisonner » la nature avec l'aide de la science.

Heidegger oppose ainsi le pont qui laisse passer l'eau tout enpermettant de la franchir, à la centrale qui l'emprisonne pour sommer le fleuve de nous livrer la force de son débit.Son analyse présente l'intérêt d'inscrire la technique dans un cadre plus vaste.

Par delà les constatations de fait surle développement inédit des appareils et des machines, Heidegger déclare que « l'essence de la technique n'est riende technique.

» Cette affirmation paradoxale signifie que l'extension des moyens de communication et de dominationexprime une vision métaphysique du monde.

L'homme se définit comme le seul être pensant et traite la naturecomme un objet dont il entend disposer à sa guise.

Tout devient un fonds exploitable pour une volonté se prenantelle-même pour fin.

Nous voulons pour vouloir, pour nous prouver que rien ne saurait résister à notre désir d'être le «seigneur de la terre ».

La technique est une dimension de notre destin. B.

Une morale de la responsabilité. »

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