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L'objectivité de la science suppose-t-elle un déterminisme universel ?

Publié le 10/02/2004

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— Thèse : l'objectivité scientifique présuppose le déterminisme scientifique. Ceci découle de l'analyse initiale des concepts d'objectivité scientifique et de déterminisme universel. — Antithèse : le déterminisme universel n'existe pas. Il n'y a peut-être même pas de déterminisme. Ceci résulte des recherches scientifiques modernes elles-mêmes. — Synthèse : l'univers est partiellement causal et partiellement ouvert, c'est-à-dire que la création libre y est possible.

« concret à l'abstrait.

L'objectivité scientifique, comme Bachelard l'a montré en des analyses devenues classiques, n'est jamais adhésion immédiate à un objet concret, mais, bien au contraire,mise à distance des pensées naissant de la première observation.

Mesure etmathématisation permettent de construire un objet hautement scientifique etces démarches sont aux antipodes de l'adhésion première à l'objet(empirique).

Dès lors toute objectivité scientifique dément le premier contactavec l'objet.

Loin de se borner aux faits limités à une constatation, la scienceobjective opère une rationalisation.

Ainsi peut-on, avec Bachelard, prendrel'exemple du phénomène de la rosée.

« Si la rosée tombait du ciel ou si ellesortait des plantes, elle ne susciterait qu'une bien courte problématique.

Lephénomène de la rosée est rationalisé par la loi fondamentale de l'hygrométrieliant la tension de vapeur à la température.

Appuyé sur la rationalité d'unetelle loi, on peut, sans contestation possible, résoudre le problème de la rosée» (Bachelard, Le rationalisme appliqué, PUF, 1949).Ainsi, parler d'objectivité, c'est parler de mathématisation et aussi de loisscientifiques, c'est-à-dire de rapports mathématiquement exprimables entredes phénomènes.

Or, tout se passe comme si, en un premier mouvement, ladémarche scientifique objective avait aperçu, dans la légalité elle-même, leprincipe du déterminisme.

La recherche de l'objectivité, démarche abstraite,fait appel au concept de loi.

Mais le principe de la loi semble porter en lui-même, au coeur de son fonctionnement interne, le déterminisme absolu etuniversel, dont Laplace nous a laissé une formulation célèbre.

Le présupposé de toute démarche objective apparaît alors comme la prévisibilité absolue.

Sans cette dernière, nulle constructionthéorique valable permettant de s'évader de l'immédiateté illusoire.

En somme, le déterminisme universel serait leprincipe de base qui commanderait toute la démarche scientifique.

Si la science est une organisation objective, elleobéit à des lois et il s'ensuit que tout est déterminé et prévisible.La démarche objective de la science semble donc inséparable des lois scientifiques et de l'ordre souverain des loisde la nature.

Le déterminisme, envisagé sous cette forme, est universel, absolu, impeccable et irrévocable.

Nous nepouvons le concevoir dans sa plénitude, mais un démon, capable d'observer l'ensemble de l'univers à un instantdonné, pourrait reconstituer tous les événements passés et prédire tous les événements futurs. 2.

Antithèse a) Objectivité et relations d'incertitude Néanmoins, il semble possible de réexaminer les concepts d'objectivité scientifique et de déterminisme pour tenterd'appréhender le problème posé sous un jour nouveau.L'objectivité scientifique, disions-nous, c'est la ruptureavec l'objet immédiat, le refus des pensées qui naissent de la première observation.

Cette approche objective estrationnelle, elle est guidée par la mathématique, elle se dirige vers la loi, tentant d'appréhender l'ordre des choses.Or, la réflexion moderne, creusant cette notion d'objectivité scientifique, s'est aperçue que, précisément, la rupturede plus en plus complète avec l'objet immédiat, avec les représentations concrètes, nous conduisait très loin dudéterminisme absolu de Laplace.

En d'autres termes, l'objectivité signifie le refus de l'évidence première et sensible,refus qui conduit bien loin de la prévisibilité.

Ce mouvement est tout à fait net dans la sphère de la microphysique.Dans ce domaine, toute représentation concrète de la réalité est absolument abandonnée.

« L'objectivité » enmicrophysique, c'est au fond la pénétration et l'approche dans une sphère de plus en plus « idéale » (l'atome existe-t-il vraiment ?).

Or, en même temps qu'il abandonne les représentations concrètes en microphysique, le savants'engage dans la simple régularité statistique, comme en témoignent les relations d'incertitude d'Heisenberg (1927).Ces relations d'incertitude sonnèrent le glas du déterminisme absolu.

Elles conduisent à montrer qu'à l'échelleatomique la mesure de la position interdit toute détermination précise de la vitesse des particules.

Donc, il n'est paspossible de prévoir rigoureusement un phénomène.Ainsi, au niveau microphysique, l'approche « objective » nous conduit vers des particules qui ne peuvent plus êtreconsidérées comme des objets élémentaires clairement définissables.

Ces particules se brouillent et s'indéterminent.Désintégrées, elles ne relèvent plus que de simples régularités statistiques.

Exit le déterminisme universel deLaplace! b) Vers l'indéterminisme? Mais les recherches épistémologiques contemporaines vont encore beaucoup plus loin.

Ainsi soulignent-elles quel'approche objective, même en physique classique, ne présuppose pas davantage le déterminisme.

Les travaux dePopper témoignent de cette évolution de pensée.

Loin de réserver à la microphysique et à la mécanique quantique le« privilège » de l'indétermination, loin d'évoquer cette sphère de la mécanique quantique comme le lieu d'uneexception éventuelle au déterminisme, Popper montre que l'objectivité scientifique est toujours compatible avecl'indéterminisme, quelle que soit la sphère envisagée.

Ainsi Popper souligne-t-il que le déterminisme laplacien n'estpas fondé et, qui plus est, qu'il n'est requis ni par la physique « classique », ni par la physique contemporaine.A la limite, l'objectivité de la science ne semble donc nullement présupposer le déterminisme universel.

Tout sepasse, apparemment, comme si le déterminisme était rejeté dans les oubliettes de l'histoire et de la pensée.. »

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