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L'oeuvre d'art est -elle une copie conforme de la realite ?

Publié le 24/06/2009

Extrait du document

 

Une œuvre d’art est le produit de cette activité singulière que l’on nomme « art «. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Aujourd’hui, par art nous entendons plutôt une activité créatrice gratuite, mais sérieuse, qui représente dans des œuvres un état de la sensibilité et de la pensée d’une époque, en s’opposant à la fois à la disgrâce qui frappe les activités techniques utilitaires, jugées serviles, et à la futilité des activités ludiques vouées au divertissement. Ni labeur, ni distraction, l’œuvre d’art incarne et suggère un sentiment de la vie.

 

Une copie est la réitération d’un modèle. La copie est en effet ce qui reproduit un modèle de sorte qu’elle puisse se faire passer pour lui, se substituer à lui. Il y a différents degrés d’identification de la copie à son modèle : on parle en effet de copie dégradée (dans ce cas, la copie se présente comme une tentative pour affecter l’air de son modèle, mais cette tentative imparfaite se signale d’abord comme un échec : la copie ne se substitue pas à son modèle) ou de copie conforme. Dans ce dernier cas, la copie est à ce point réussie qu’elle peut parfaitement se substituer à son modèle, qu’elle réitère son apparence en tous points.

En employant le terme de réalité, nous faisons le plus souvent référence à l’ensemble des choses dont nous avons une expérience sensible. En effet, la réalité est ce qui se présente à nous, nous entoure, ce que nous appréhendons au moyen de nos sens et qui constitue l’univers dans lequel nous nous mouvons et vivons notre vie. La réalité est donc, entendue dans le sens de son extension maximale, ce qui constitue le cadre et le contenu de notre expérience.

A première vue, lorsque nous posons la question « l’œuvre d’art est elle une copie conforme de la réalité ? « il semble que nous nous posons davantage une question sur ce que l’œuvre d’art s’efforce d’incarner plutôt que sur ce qu’elle est réellement. En effet, une œuvre d’art nous parait souvent d’autant plus réussie qu’elle représente exactement son modèle. Mais nous verrons au cours de ce travail que l’œuvre d’art ne saurait jamais être pleinement une copie conforme de la réalité, dans la mesure où quand bien même elle fait en sorte de reproduire exactement la forme de son modèle, elle ne laisse jamais de se manifester elle-même comme une pure copie, une réitération de ce qui est déjà et demeurerait quand bien même elle disparaitrait. Puis nous verrons que l’œuvre d’art s’efforce moins, comme résultat du travail de l’artiste, d’être une copie absolument conforme de la réalité qu’une recréation de celle-ci. Enfin, nous verrons que bien plus que copie, conforme ou divergente de ce modèle qu’est la réalité, l’œuvre d’art est avant tout une tentative pour créer une réalité nouvelle, en révolte contre celle qui existe et obéissant à ses lois propres.

La question à laquelle nous tenterons de répondre au cours de ce travail reviendra donc à déterminer si l’œuvre d’art est une réitération parfaite ou déformée de la réalité, ou la création d’une nouvelle réalité indépendante.

 

« Cependant, pour peu qu'il soit bon peintre, s'il peignait un menuisier et le leur montrait de loin, il pourraittromper au moins les enfants et les fous, en leur faisant croire que c'est véritablement un menuisier ».

La République, Livre X, 598b. b.

L'art est intrinsèquement une activité mensongère Sur le fondement de ce que nous venons de montrer, nous dirons que l'œuvre d'art ne saurait être une copieconforme de la réalité, puisqu'elle est au contraire une imitation insatisfaisante de celle-ci, une copie dégradée.

Eneffet, alors que l'idée incarne l'optimum de vérité, l'artefact produit par un travailleur manuel manifeste déjà moinsde vérité que ce modèle, et la copie de l'artefact encore moins de vérité.

Il semble donc qu'il y aurait un totalcontre sens à prétendre qu'une œuvre d'art puisse être une copie conforme de son modèle, dans la mesure oùl'œuvre d'art est intrinsèquement trompeuse.

Si nous prenons l'exemple du Parthénon, nous verrons que les colonnesde ce temple se donnent comme parfaitement égales, d'une verticalité harmonieuse, alors qu'en vérité le sommetdes piliers est plus épais que la base.

Cette tromperie s'explique par la distance du spectateur, qui rend nécessaireune pareille inégalité de la base et du sommet.

A la lumière de cet exemple, nous pouvons dire que l'œuvre d'art nesaurait être une copie conforme de la réalité, puisqu'elle doit ruser avec les sens du spectateur pour faire accroire àcelui-ci qu'elle se confond avec son modèle.

L'œuvre d'art demeure toujours une copie et ne parvient jamais àréitérer la forme de son modèle avec une exactitude suffisante pour s'y substituer.

Alors que la copie conforme està ce point parfaite qu'à la rigueur elle pourrait remplacer son modèle sans que qui que ce soit le remarque, l'œuvred'art reste toujours à quelques degrés de son modèle : elle n'est donc qu'une copie imparfaite, dégradée. II.

Cependant, l'œuvre d'art se veut moins une copie conforme de la réalité qu'une libre adaptationde celle-ci Le regard de l'artiste, un milieu réfractant a. Cependant, nous ne pouvons en rester à cette thèse : il semble en effet que les artistes s'efforcent bien souventde ne pas représenter la réalité, de ne pas chercher à l'imiter, pour au contraire s'efforcer de le transfigurer.

Nouspouvons en effet considérer le regard de l'artiste sur le monde comme un milieu réfractant qui modifie, transfigure ledonné naturel.

Par exemple, quand Gustav Klimt représente une foret, il la représente telle qu'il l'a vue lui-même,identique à la vision singulière qu'il a posée sur elle, et nous la donne à voir ainsi au moyen de ses œuvres qui sontla matérialisation et l'objectivation de ses œuvres.

Le regard de l'artiste transfigure donc la nature en modifiantinsensiblement la représentation que nous en avons et en nous la donnant à voir d'une manière différente, sinonoriginale ou inouïe, qui correspond à celle de l'artiste lui-même.

L'œuvre d'art est donc le produit d'une prise depouvoir par l'artiste sur la matière sensible que lui offre la réalité, et témoigne de la capacité de ce dernier à recréerune réalité qui entretient des rapports évidents avec son modèle, sans toutefois s'efforcer de le représenter sur lemode d'une réitération.

Nous dirons que l'œuvre d'art n'est pas la copie conforme de la réalité, mais la libreadaptation dans une matière sensible (des mots, des sons, des images…) du spectacle de la réalité. L'artiste embellit la nature en proposant une nouvelle manière de la regarder b. D'autre part, nous pouvons dire que l'œuvre d'art transfigure, embellit la réalité plus qu'elle ne la copie avecl'intention de l'imiter en tous points.

L'œuvre d'art propose en effet une nouvelle manière de regarder ce qui nousentoure.

En effet, alors que la nature n'est que rarement un objet de contemplation pour les hommes, qui secontentent de la traverser ou d'entretenir un rapport pratique avec elle, les artistes nous apprennent par leursœuvres à la considérer, d'une part, mais aussi a la considérer chargée de significations nouvelles.

Telle est la thèsede Marcel Proust dans cet extrait de « A la recherche du temps Perdu » : « Et voici que le monde (qui n'a pas été crée une fois, mais aussi souvent qu'un artiste original est survenu) nousapparait entièrement différent de l'ancien, mais parfaitement clair Des femmes passent dans la rue, différentes de. »

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