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L'oeuvre d'art instruit-elle ?

Publié le 29/01/2004

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L'oeuvre d'art serait alors une espèce d'intermédiaire, de relais, d'un ensemble de connaissances dont pourrait bénéficier spontanément le spectateur. Pour autant, on a tendance à appréhender une oeuvre d'art moins du point de vue de la connaissance, démarche intellectuelle et rationnelle, que de celui de l'émotion : l'oeuvre d'art semble nous toucher, nous émouvoir avant de nous transmettre une information.     Il convient donc de s'interroger sur la fonction que la nature de l'oeuvre d'art lui permet d'assurer : considérée en elle-même est-elle en mesure de nous instruire, de nous enseigner quelque chose? Si oui, quelle est la nature de cet enseignement, sur quoi porte-t-il? Doit-on reléguer l'oeuvre d'art à un vecteur de connaissances d'ordre rationnel ou doit-on alors reconsidérer le type d'instruction qu'elle véhicule, en  soulevant par ailleurs la question de la passivité du spectateur ?     Immédiatement, il apparaît qu'instruction et oeuvre d'art se présentent comme étrangères l'une à l'autre : l'oeuvre d'art n'a pas pour fonction d'instruire le spectateur ; elle est là pour l'émouvoir, le toucher. Cependant, si l'oeuvre d'art ne saurait nous instruire au même titre qu'un ouvrage spécialisé (un livre d'histoire/ roman historique par exemple), doit-on pour autant lui renier toute possibilité de nous éclairer sur le monde, de nous en proposer une nouvelle vision ? Enfin, nous analyserons comment cette possibilité offerte par l'oeuvre d'art implique de ne pas en rester à la dimension passive et extérieure du spectateur vis-à-vis de l'oeuvre. I L'oeuvre d'art n'instruit pas : elle ne parle pas à l'intellect mais s'adresse aux sens     La réaction immédiate et spontanée d'un spectateur face à  une oeuvre d'art, quelque soit la forme envisagée, semble être prioritairement celle d'un jugement de goût qui apprécie, d'un point de vue purement subjectif l'oeuvre envisagée : on aime ou  on n'aime pas, l'oeuvre nous plaît ou non, nous touche ou pas. Cette expérience qui procure (ou non) une émotion esthétique relève essentiellement de la sensibilité : d'une part parce que ce sont nos sens (l'oeil, la vue principalement mais aussi le goût si on inclut l'art culinaire) qui sont convoqués et d'autre part parce que l'oeuvre va éveiller en nous un sentiment, une émotion (on dira qu'on est sensible à telle ou telle toile par exemple).

« d'ordre historique ou psychologique par exemple dans le roman). Pour autant l'œuvre d'art entretient un certain rapport avec le réel.

Sans même parler d'imitation fidèle de lanature, l'œuvre d'art renvoie toujours en dernière instance à des éléments du réel, ne serait-ce, pour prendre unexemple extrême, les couleurs.

À partir de là, ne peut-on pas considérer qu'elle donne quelque chose à voir, d'unemanière particulière et propre à chaque art, de ce réel ? Ne serait-on pas alors autorisé à parler d'une instructionpar l'œuvre d'art ? II.

L'œuvre d'art donne à voir quelque chose du réel : elle nous instruit de manière inédite Dans des bien des cas mais essentiellement dans les arts dits figuratifs, la référence au réel est explicite commeen témoignent le mouvement réaliste en peinture d'un Courbet ou encore le réalisme socialiste russe.

Sans seproclamer explicitement « art engagé », ce mouvement rejoint par certains aspects la démarche de l'art engagé :Millet, Courbet comme Zola ont à cœur d'intégrer à l'art des éléments traditionnellement exclus : les classes socialesdéfavorisées comme les paysans (Millet : Les Glaneuses, 1857) ou les ouvriers.

Selon une perspective différente,nous pouvons pareillement penser à la grande tradition picturale de la fresque historique, aux vitraux des églises quireprésentent de manière simple, pour les illettrés, les scènes de la vie du Christ.

Nous pouvons donc admettre quel'œuvre d'art nous rend sensibles à certains aspects du réel que nous aurions sans cela négligés.

En ce sens,l'œuvre d'art peut effectivement nous instruire : les comédies de Beaumarchais mettent en lumière les rapportssociaux de domination entre maîtres et valets ; par l'humour et la dérision, elles rendent perceptibles auxspectateurs l'inanité de cet état de fait.

Elles éclairent les contemporains sur leur condition et renseignent lespectateur du XXI ième siècle sur cette période historique.

D'une manière moins directe, l'œuvre d'art ouvre au spectateur des perspectives sur le monde : l'artiste proposeune vision du monde subjective, personnelle qui peut éveiller chez le spectateur curiosité et intérêt.

Plusfondamentalement, l'art peut se présenter comme ce par quoi la vérité de l'Etre va se révéler.

Heidegger considère ainsi que la vérité a été voilée, au fil de l'histoire de la métaphysique, et queseul l'œuvre d'art permet son dévoilement.

Repartant de l'idée selon laquellel'œuvre d'art est une chose qui est plus qu'une chose, elle est aussi unsymbole, une allégorie.

L'œuvre d'art permet ainsi à l'homme de s'instruire etd'en revenir à la vérité de chaque chose, à la vérité de l'être (Chemins qui nemènent nulle part).

Reprenons le célèbre exemple développé par Heidegger,celui des souliers de Van Gogh : « Nous n'avons rien fait que nous mettre enprésence du tableau de Van Gogh, c'est lui qui a parlé.

La proximité del'œuvre nous a soudain transporté ailleurs que là où nous avons coutumed'être.

L'œuvre d'art nous a fait savoir ce qu'est en vérité la paire de souliers».

L'œuvre révèle la vérité du produit qui n'apparaît pas car elle est voiléesous son usage.

« La toile de Van Gogh est l'ouverture de ce que le produit,la paire de souliers de paysan est en vérité....

C'est l'avènement de la véritéqui est à l'œuvre.

».

Et de façon plus générale : « L'essence de l'art seraitdonc : le se mettre en œuvre de la vérité de l'étant ».

Il ne faut surtout pascomprendre que l'art imite le réel et montre la vérité des choses.

L'art n'estpas représentatif.

Il n'est pas un discours qui dirait une réalité.

Il révèle l'êtredes choses, l'être de leur façon d'être en tant que produit dans le cas deschaussures.

Cette idée de révélation se retrouve chez Hegel : l'Esprit (du monde, del'homme) a pour vocation fondamentale son extériorisation le reprise réflexivede cette extériorisation.

L'art est l'une des modalités grâce à laquelle cetteextériorisation est rendue possible.

L'Esprit conquiert son effectivité à travers l'art.

L'art est un savoir de l'esprit,non pas le savoir d'un objet (qui serait un savoir de l'entendement) mais un savoir que l'esprit a de lui-même.

(Cfaussi : Bergson ou Kandinsky) L'œuvre d'art peut donc nous instruire.

La question devient alors celle de savoir quelle est la position adoptée parle spectateur.

Est-il simplement passif ou au contraire cette capacité qu'a l'œuvre d'art de nous instruire impliquenécessairement de la part du spectateur une attention particulière ? III.

S'instruire par l'œuvre d'art ? La possibilité que nous offre l'oeuvre d'art de nous instruire semble indissociable d'une certaine posture duspectateur.

Que l'on considère simplement le spectateur au théâtre ou le lecteur : un minimum d'attention est requis, neserait-ce que pour « suivre » le déroulement des évènements.

Cependant, on peut de la sorte simplement en resterà une lecture superficielle, en opposition avec l'idée d'une instruction.

Surgit alors la nécessité pour le spectateurd'adopter une posture plus active.

L'essentiel de ce que peut nous apporter une œuvre d'art suppose alors uneattention aux détails, une compréhension plus fine de l'œuvre.

Une lecture superficielle de l'Education Sentimentaleinterdit de saisir pleinement le regard critique porté par Flaubert sur les évènements historiques de 1930-1948.Reprenons l'idée hégélienne selon laquelle l'Esprit conquiert son effectivité à travers l'art : l'Esprit assume par là lamatérialité qui est la sienne.

C'est un moment nécessaire, il y a une nécessité d'en passer par la représentation. »

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