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L'oeuvre d'art est-elle nécessairement belle ?

Publié le 07/02/2004

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Une telle conception permet de rendre compte d'une grande quantité d'oeuvres d'art antérieures. L'élaboration interne sur laquelle insiste Kant correspond, par exemple, aux diverses règles formelles progressivement mises au point dans les domaines artistiques pour garantir en effet que l'oeuvre produise un effet d'ensemble (formes des poèmes, règles de la perspective, application du nombre d'or, structures des compositions musicales, etc.). On peut toutefois se demander si elle permet aussi de saisir la spécificité des oeuvres postérieures, en particulier de celles qui composent ce qu'il est habituel de nommer art « moderne » (depuis Manet) ou « contemporain » (tel qu'il est produit depuis vingt-cinq ans).Avant même de répondre, il importe de rappeler que, selon Kant, le beau n'est pas la seule valeur esthétique. Une place doit être faite à ce qu'il nomme le « sublime », dont la version « mathématique » (ou de la grandeur) se constate dans les oeuvres (notamment architecturales) dont les dimensions sont particulièrement impressionnantes (pyramides d'Égypte, colonnade de Saint-Pierre de Rome). Ce sublime n'est pas une simple variante de la beauté, puisqu'il produit sur le spectateur un effet pratiquement opposé : alors que la beauté « plaît », le sublime est plutôt du côté du « déplaisir », il «rabroue ». D'où l'on peut déjà déduire que, même pour l'esthétique classique, une oeuvre d'art peut être autre chose que « belle ».[II. L'ébranlement de ces critères]C'est cependant l'évolution même des oeuvres d'art (c'est-à-dire de celles que l'on reconnaît comme telles et de leur définition) qui oblige à remettre en cause la présence nécessaire, en elles, d'une beauté.

« [III.

L'oeuvre authentique produit une « beauté » inattendue] Relativement à une telle situation et aux productions modernes ou contemporaines, le public est dérouté : là où ilattendait de la beauté, on lui propose autre chose.

C'est qu'il conçoit l'oeuvre d'art en référence à des modèles «classiques », et qu'il déduit de ces derniers ce que « devraient » être, en quelque sorte par définition intemporelle,l'oeuvre d'art elle-même et la beauté.

Cet écart entre le public et les oeuvres se constate dans tous les domaines,qu'il s'agisse des arts visuels, de la musique ou de la littérature.

On peut, comme le faisait Dubuffet, mettre enaccusation l'enseignement, qui habituerait le public à ne réagir que relativement à des oeuvres anciennes, etinitialement réalisées pour une « élite ».

On peut aussi mettre en cause l'étroitesse des idées d'oeuvre ou de beautéainsi déduites d'une histoire de l'art souvent mal connue, et trop aisément résumée en quelques principes ne tenantguère compte des différences qui existent, par exemple, entre l'art grec et l'art gothique, ou entre ce dernier etl'architecture de Versailles...Trop souvent, l'art « ancien » n'est respecté et influent qu'en raison de son « ancienneté ».

Sa « beauté » est alorsadmirée pour de fausses raisons (savoir-faire technique, « imitation » du visible) dont Hegel a montré qu'elles nesont pas réellement constitutives d'une oeuvre d'art.

On oublie volontiers que Le Cid, Hernani ou la peintureimpressionniste, avant de devenir des objets d'admiration presque obligatoire, ont été fortement discutés et ontproduit de sérieux débats.

On oublie, complémentairement, qu'entre ce que nomment « beauté » un clerc du MoyenÂge, un Chinois du ive siècle, un Européen du xviiie siècle et un Dogon de la même époque, les écarts sontconsidérables.

Car les oeuvres sont liées originellement aux cultures où elles apparaissent, et notre façon de lesintégrer dans un « musée imaginaire » gomme leurs différences.L'oeuvre d'art authentique ne se contente pas d'exploiter une formule déjà admise, et pas davantage de vouloirréinstaurer un genre défunt (on aboutit alors aux tragédies de Voltaire) : les artistes du passé, dont on croit pouvoirdéduire une idée de ce que doit être une beauté an-historique, ont d'abord été des inventeurs, c'est-à-dire desproducteurs d'oeuvres dans lesquelles une beauté inédite était proposée.

C'est précisément parce qu'elle étaitsurprenante qu'on ne pouvait pas toujours la reconnaître immédiatement.

L'art moderne se déploie dans la suite detelles démarches, mais ses modifications sont de plus en plus rapides, en fonction d'une sorte d'accélération del'histoire de l'art, qui est elle-même la conséquence de la rapidité avec laquelle se diffusent désormais lesinformations sur les oeuvres en cours. [Conclusion] Que désigne aujourd'hui le concept de beauté ? Certainement plus un ensemble de qualités définies a priori etprogrammant la production artistique.

Si l'on tient à maintenir le terme, on doit admettre que son contenu n'en finitpas de se modifier, et qu'il est donc particulièrement instable, et relatif aux propositions artistiques qui sesuccèdent.

Car les oeuvres d'art n'en finissent pas de montrer que tout concept clos de beauté est inopérant etinjustifiable.. »

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