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Qu'est-ce qu'une opinion personnelle ?

Publié le 01/09/2004

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D'autant plus que chaque forme de savoir est limitée par sa nature même : elle ne sait que ce qu'elle peut savoir.On ne peut concevoir une connaissance sans critique, une connaissance qui ne se pose pas des questions sur elle-même. Elle doit s'interroger principalement sur ses origines, sur la rationalité de ses fondements, et sur ses limites. N'est-ce pas la seule façon d'échapper, si on le peut, aux pièges de l'opinion comme à ceux de la connaissance ? Nous sommes menacés par les illusions du dogmatisme naïf, par les facilités du conformisme, par les tentations de l'influence, ou celles de la séduction, voire par les délices de la sujétion et de l'aliénation. Dans l'absolu, nous pouvons penser ce que nous voulons, mais pour cela, faut-il encore savoir ce que nous pensons, pourquoi nous le pensons, et vouloir encore vraiment le penser. dorno : La différence entre l'opinion et la connaissance, c'est-à-dire le fait que la connaissance est une opinion vérifiée, comme l'enseigne la traditionnelle théorie de la connaissance, fut le plus souvent un voeu pieu que les actes effectifs de connaissance ont rarement réalisé ; individuellement et collectivement, les hommes sont contraints d'opérer également avec des opinions qui échappent généralement à leur examen. Mais, tandis que la différence entre l'opinion et la connaissance échappe ainsi même à l'expérience vécue, et en tant qu'affirmation abstraite ne s'en approche jamais, elle perd, du moins subjectivement dans la conscience des hommes, sa substance. Ceux-ci n'ont aucun moyen de se protéger contre le fait qu'ils prennent leurs opinions pour des connaissances et leurs connaissances pour de simples opinions. Si, depuis Héraclite, les philosophes se sont acharnés sur tous ceux, innombrables, qui étaient prisonniers de la simple opinion, au lieu de reconnaître la véritable essence des choses, leur pensée élitiste n'a fait qu'imposer à l'underlying population [populace] le fardeau d'une culpabilité née lors de l'instauration de la société.

Nombre de nos opinions peuvent être des préjugés que nous partageons avec d'autres. Une opinion véritablement personnelle tiendrait compte des motivations qui nous poussent à y adhérer: au-delà des incertitudes du savoir, l'opinion personnelle est la conscience d'un choix subjectif.  

Pour que la philosophie commence, il faut que l'opinion devienne une question pour elle-même. Elle doit s'interroger, s'expliquer, devenir consciente de son propre contenu. Ceci ne peut s'effectuer sans désagrément, sans douleur, puisque cela signifie que l'opinion cesse d'être elle-même, qu'elle accepte de s'effacer. Sans quoi elle reste ignorante de ce qui la constitue, de ses origines, de son fondement. Doit alors se poser à l'opinion la question de la vérité, question qui, au lieu d'un vain jeu de la persuasion ou de la séduction, devient une véritable épreuve. La vérité nous met mal à l'aise, nous tient en échec, nous ébranle dans notre être. Nous souhaiterions presque ne pas penser, mais cette vérité fait partie de nous. Pour que l'opinion cesse d'adhérer infiniment à elle-même, il faut qu'elle cesse d'apparaître dans cette fausse transparence à soi, nommée d'ordinaire « évidence ; ou bien que cette évidence se fasse plus exigeante. N'est-elle pas un problème, dans la mesure où chacun est obligé d'interpréter, à tort ou à raison, ce qu'il voit et entend ? L'opinion doit-elle se confronter à quelques normes rationnelles ? Doit-elle se calquer sur la pensée de philosophes patentés ? La liberté de penser peut-elle faire l'économie de la vérité ? Faut-il se taire pour entendre les autres ? Comment juger de la vérité ? Autant d'épreuves qui donnent à la certitude les fondements sans lesquels l'illusion s'installe et triomphe. Comme l'a montré Platon, il faut faire un effort, une sorte de pari, pour penser la vérité, pour concevoir l'idée d'une vérité qui serait autre chose qu'une simple opinion parmi d'autres. Une telle idée semble naître de deux sources. D'abord, nous sommes toujours contraints de comparer nos idées à celles des autres, si bien qu'on en vient naturellement à se demander s'il n'existerait pas une mesure extérieure aux diverses considérations exprimées, une mesure fiable et connaissable, capable de départager entre ce qui vaut et ce qui ne vaut pas. Ensuite, nulle opinion ne se présente sans s'accompagner d'une adhésion, d'une croyance en celle-ci, et nous ne pouvons éviter de chercher si cette croyance peut trouver hors d'elle-même des appuis ou des confirmations. À moins de considérer que toute adhésion est justifiée d'emblée, en tant que vérité personnelle. On s'accorde en général à définir la vérité comme une concordance ou une conformité : de la pensée avec elle-même, de la pensée avec les choses, du réel avec l'idéal, autant de rapports qui peuvent coïncider ou s'opposer. La problématique de la connaissance, quant à elle, met plus spécialement en jeu le rapport entre l'esprit et les choses. Ce rapport est moins simple qu'il n'y paraît lorsque l'on prend conscience de la diversité des éléments qu'une telle connaissance implique, en particulier des articulations complémentaires ou conflictuelles entre les concepts et les sensations, l'imagination et les sentiments. Nous pouvons aimer, craindre, ou imaginer le réel. Faut-il en tout cela valoriser plus particulièrement l'objectif par rapport au subjectif ? Le réel n'est pas le fondement unique de toute connaissance, ainsi la seule présence des choses ne peut suffire pour définir la connaissance. Ne produisons-nous pas nous-mêmes nos idées ? On peut donc se poser la question critique, celle du critère, grâce auquel on reconnaît la connaissance véritable. Faut-il privilégier son caractère universel et abstrait, ou singulier et concret ? Serait-ce son utilité ou son efficacité pratiques ? Ou est-ce plutôt sa valeur ? Ou encore le rapport harmonieux qui peut s'instaurer entre nos facultés subjectives ? Diverses vérités ou formes de vérité, relativement arbitraires, guident notre existence ; ne sommes-nous pas obligés d'avouer leur fragilité, et de ce fait notre ignorance ? D'autant plus que chaque forme de savoir est limitée par sa nature même : elle ne sait que ce qu'elle peut savoir. On ne peut concevoir une connaissance sans critique, une connaissance qui ne se pose pas des questions sur elle-même. Elle doit s'interroger principalement sur ses origines, sur la rationalité de ses fondements, et sur ses limites. N'est-ce pas la seule façon d'échapper, si on le peut, aux pièges de l'opinion comme à ceux de la connaissance ? Nous sommes menacés par les illusions du dogmatisme naïf, par les facilités du conformisme, par les tentations de l'influence, ou celles de la séduction, voire par les délices de la sujétion et de l'aliénation. Dans l'absolu, nous pouvons penser ce que nous voulons, mais pour cela, faut-il encore savoir ce que nous pensons, pourquoi nous le pensons, et vouloir encore vraiment le penser.

 

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