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LE PANTHÉISME N'EST-IL QU'UN ATHÉISME DÉGUISÉ ?

Publié le 11/01/2004

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Deus sive natura. Par cette formule, Spinoza affirme l'idée d'une substance infinie. Dieu s'identifie avec la nature et n'est donc pas un créateur ontologiquement séparé du monde.  Spinoza s'oppose à l'idée d'un Dieu anthropomorphe, agissant selon des fins. On en a conclu (à tort) à l'athéisme de Spinoza. En réalité, il est panthéiste. Toute philosophie de l'immanence incline au panthéisme. L'idéalisme absolu des postkantiens pour lequel la matière n'est qu'image de nos esprits, eux-mêmes reflets de l'Esprit, ne manque pas d'y aboutir. Pour Hegel tout ce qui est rationnel est réel, tout ce qui est réel est rationnel : Dieu ne saurait donc être un juge transcendant, extérieur et supérieur à l'Histoire. Il est immanent à l'Histoire.

 

Panthéisme

Terme créé en 1705 par Toland. Théorie selon laquelle Dieu et le monde ne font qu'un.

Dans la philosophie de Plotin ou de Spinoza, le panthéisme désigne tout ce qui est est en Dieu ou en procède.

Il définit aussi, notamment chez Diderot, la conception d'un Dieu immanent au monde lui-même.

Cette conception s'oppose aux religions monothéistes selon lesquelles Dieu est radicalement transcendant.

 

« et à la théologie thomiste. Dans le Court Traité (Première partie, chap.

8), cette ancienne distinction est reprise dans un sensnouveau, qui ne variera pas dans l'Ethique.La Nature naturante est la Substance, c'est-à-dire ses Attributs infinis.

Parmi eux sont la Pensée etl'Étendue.La Nature naturée comprend tous les modes, depuis ceux qui découlent immédiatement des Attributs(l'Entendement infini, le mouvement et le repos) jusqu'aux plus limités, vague image nocturne ou grain desable (voir Ethique, I, P.

29, Sc.). Ou, tout au contraire, le monde seul est réel ; auquel cas Dieu n'est plus qu'un mot pour désigner toutes choses,une simple étiquette, et le naturalisme panthéiste n'est alors qu'un athéisme déguisé.Du moins pouvons-nous dire que le panthéisme n'est pas nécessairement un athéisme ; le panthéisme idéalisteparaît profondément mystique.

Nous ne saurions oublier qu'il inspire effectivement la plupart des religions orientales ;si nous nous référons aux fondements du brahmanisme par exemple nous verrons que les Upanishads contiennent unpanthéisme nettement formulé : le moi-substance, l'atman est ici identifié à l'absolu lui-même, le brahman, qui estimmanent à toutes choses, s'il n'est pas épuisé par elles.

Le salut pour l'âme consiste à comprendre en quelquesorte sa propre irréalité, à déchirer le voile de Maya, à reconnaître le caractère illusoire de ses joies et de sesdouleurs, à saisir que le «Brahman » est l'unique réalité.

Ainsi, quiconque connaît son identité avec Brahmanéchappe aux épreuves de la métempsychose, à la roue des transmigrations.

Ce panthéisme asiatique où Dieu seulexiste vraiment tandis que le monde n'est qu'un rêve semble donc tout le contraire d'un athéisme et devrait plusproprement se nommer « acosmisme ».Quant au spinozisme, si l'on en croit Delbos, il tend « plutôt à élever la nature jusqu'à Dieu qu'à abaisser Dieu jusqu'àla nature » ; il est profondément religieux car il demande à l'âme une conversion : il s'agit de nous détacher de notreindividualité, infime parcelle de la Nature, sans cesse menacée par les forces extérieures.

Le seul moyen de parvenirà la plénitude de l'existence et à la joie inaltérable est de nous placer au point de vue de Dieu même, c'est-à-dire aupoint de vue de la totalité.

Par l'intellect, nous coïncidons avec la divine nécessité des choses : « Dans la mesure oùnous comprenons les causes de la tristesse, elle cesse d'être une passion, c'est-à-dire qu'elle cesse d'être tristesse,et par conséquent dans la mesure où nous comprenons que Dieu est cause de tristesse nous éprouvons de la joie ».Cette doctrine, qui nous promet la joie parfaite si nous savons nous unir d'un « amour intellectuel » avec le principedes choses, ne saurait être identifiée par là à un athéisme.

Détachement, conversion, adoration : pour êtrestrictement rationaliste, l'itinéraire spinoziste n'en est pas moins profondément mystique. Le théisme lui-même qui reconnaît la transcendance de Dieu et le distingue du monde, quand il se veut autre chosequ'une conception théorique, quand il se saisit comme authentiquement religieux se rapproche du panthéisme.

Lethéiste Descartes — qui ne cherche qu'à expliquer le monde — est beaucoup moins religieux que le panthéisteSpinoza qui vise avant tout le salut.En revanche Leibniz dans sa doctrine de l'harmonie préétablie et surtout le pieux Malebranche, prêtre oratorien, parsa théorie des causes occasionnelles, se rapprochent du panthéisme ; pour Malebranche Dieu est la seule causeréelle ; tout dans l'univers confesse sa présence et la connaissance n'est que « vision en Dieu ».

De nos jours lapensée rigoureuse et mystique d'un Teilhard de Chardin, sans être à proprement parler panthéiste, sait reconnaîtredans les processus de la nature la présence agissante de Dieu.

« Tout ce qui arrive, déclare-t-il, est adorable.

»Teilhard s'efforce de réconcilier non seulement la science et la religion mais la nature et l'esprit qu'un spiritualismetrop desséché tendait à séparer.

Prolongeant dans une vision grandiose le progrès en spiritualisation que l'Évolutiondessine, Teilhard entrevoit l'époque où la créature rejoindra le créateur : l'humanité ne sera plus qu'un corpsmystique de personnes s'aimant les unes les autres et cette unité enfin conquise sera le reflet de l'Unité Divine elle-même.

La « tentation panthéiste » apparaît ici bien plutôt comme prolongement de la ferveur religieuse que commeconcession à l'athéisme.Cependant le dieu des panthéistes, qu'il soit nature ou Esprit universel, ne répond nullement, sur un point qui restefondamental.

à ce que l'âme du croyant attend de son Dieu.

En effet le dieu panthéiste n'est pas une personne ; onne saurait l'invoquer ou le prier ; sans doute peut-on l'adorer, mais comme le note M.

Lachièze-Rey, ail n'y a pas etil ne peut pas y avoir de réponse», l'homme étant destiné à « communier seulement avec une puissanceimpersonnelle ».

Spinoza, dans la cinquième partie de l'Éthique, démontre d'ailleurs le théorème XIX : "il estimpossible que celui qui aime Dieu désire que Dieu l'aime à son tour".

Dans une métaphysique panthéiste où les êtresindividuels proviennent de la pulvérisation d'une Unité primordiale, l'amour ne peut être que le désir nostalgique del'unité perdue.

L'amour pour un individu serait enracinement dans le particulier.

Si la vie religieuse est un dialogueentre le croyant et son dieu, dans le panthéisme la vie religieuse est impossible.

Le panthéiste demeure solitaire àquelque moment que ce soit de son itinéraire.

Il passe seulement de l'isolement individuel à la plénitude de lasubstance, mais cette plénitude est encore une solitude.D'autre part l'unité de Dieu et du monde soulève de graves difficultés.

Le panthéisme ne nous impose-t-il pas dediviniser toutes les laideurs et tout le mal de l'Univers ? On connaît les sarcasmes de Bayle contre le spinozisme : «Dieu modifié en Allemands a tué Dieu modifié en mille Turcs.

Dieu se hait lui-même, il se persécute, il se tue, il semange, il s'envoie sur l'échafaud ».

Bayle passe volontiers pour un plaisantin mais le grave Malebranche ne parle pasautrement du spinozisme : « Si l'on croit que l'Être infiniment parfait est l'Univers, est l'assemblage de tout ce quiest, quel monstre, Ariste, quelle épouvantable et ridicule chimère ! Un Dieu nécessairement haï, blasphémé, un Dieunécessairement ou malheureux ou insensible dans le plus grand nombre de ses parties, un Dieu se punissant ou sevengeant lui-même, en un mot un être infiniment parfait composé néanmoins de tous les désordres de l'univers »...Sans doute peut-on éviter cette difficulté en tirant Spinoza à l'idéalisme, à la manière de Brunschvicg, en disant quel'univers matériel et fini, n'est qu'une apparence née de l'imagination humaine et de ses auxiliaires, nombre, temps,. »

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