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Pascal: La raison peut-elle faire l'économie de la croyance ?

Publié le 11/03/2005

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pascal
Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le coeur ; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement qui n'y a point part essaye de les combattre. [...] Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvements, nombres, [est] aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du coeur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours. (Le coeur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit le double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies.) Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au coeur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, qu'il serait ridicule que le coeur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir. Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison, qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude, comme s'il n'y avait que la raison capable de nous instruire. Plût à Dieu que nous n'en eussions, au contraire, jamais besoin, et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment ! Mais la nature nous a refusé ce bien ; elle ne nous a, au contraire, donné que très peu de connaissances de cette sorte ; toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement. Et c'est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du coeur sont bien heureux, et bien légitimement persuadés. Mais ceux qui ne l'ont pas, nous ne pouvons la [leur] donner que par raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de coeur, sans quoi la foi n'est qu'humaine, et inutile pour le salut.

QUESTIONNAIRE INDICATIF    • Par quoi, selon Pascal, sont connus « les premiers principes «?  • Que sont « ces premiers principes «?  • Différences, selon Pascal, entre « les principes « et « les propositions «?  — Par quoi sont appréhendés « les principes «?  — Par quoi sont appréhendées « les propositions « ?  — Les différences sont-elles, si l'on peut dire, de « méthodologie « ou d'ordre de « certitude « ?  • Importance de la notation selon laquelle « c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie et qu'elle y fonde tout son discours «?  • En quoi, si l'on suit Pascal, peut-on soutenir — comme lui — que « les pyrrhoniens qui n'ont que cela pour objet, y travaillent « inutilement «?  • Quel est l'enjeu de ce texte ?  • Que pensez-vous du raisonnement développé dans la dernière phrase du texte proposé ?  • Que pensez-vous de l'affirmation de Pascal selon laquelle « le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace «?  • Peut-on « prouver « autrement que « par raison «? (Pascal dit « quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison «.)  • Que pensez-vous de la position et de l'argumentation de Pascal ?  • En quoi ce texte a-t-il un intérêt philosophique ?

pascal

« persuadés.

Mais ceux qui ne l'ont pas, nous ne pouvons la [leur] donner que par raisonnement, en attendant queDieu la leur donne par sentiment de coeur, sans quoi la foi n'est qu'humaine, et inutile pour le salut. QUESTIONNAIRE INDICATIF • Par quoi, selon Pascal, sont connus « les premiers principes »?• Que sont « ces premiers principes »?• Différences, selon Pascal, entre « les principes » et « les propositions »?— Par quoi sont appréhendés « les principes »?— Par quoi sont appréhendées « les propositions » ?— Les différences sont-elles, si l'on peut dire, de « méthodologie » ou d'ordre de « certitude » ?• Importance de la notation selon laquelle « c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que laraison s'appuie et qu'elle y fonde tout son discours »?• En quoi, si l'on suit Pascal, peut-on soutenir — comme lui — que « les pyrrhoniens qui n'ont que cela pour objet, ytravaillent « inutilement »?• Quel est l'enjeu de ce texte ?• Que pensez-vous du raisonnement développé dans la dernière phrase du texte proposé ?• Que pensez-vous de l'affirmation de Pascal selon laquelle « le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace »?• Peut-on « prouver » autrement que « par raison »? (Pascal dit « quelque impuissance où nous soyons de leprouver par raison ».)• Que pensez-vous de la position et de l'argumentation de Pascal ?• En quoi ce texte a-t-il un intérêt philosophique ? Avez-vous compris l'essentiel ? 1 La raison peut-elle tout démontrer?2 Ce qui n'est pas démontré est-il moins certain ?3 Pour quels objets en particulier devons-nous nous contenter d'une croyance ? Réponses: 1 - Non, certaines vérités sont l'objet d'une intuition du coeur et sont connues sans démonstration.2 - Non, le coeur produit aussi des idées certaines.

Il s'agit seulement de certitudes d'un autre ordre.3 - Pour les vérités premières, principes qui sont des axiomes indémontrables, des évidences connues par simpleintuition. La thèse et les étapes de l'argumentation: Énoncée dès les premières phrases, la thèse de Pascal réaffirme la possibilité d'une connaissance et en énonce lesdeux facteurs constitutifs: le coeur, comme saisie immédiate des principes fondamentaux; la raison, comme facultéde connaissance discursive, se déploient à partir de ces principes.L'énoncé de la thèse débouche sur la critique du point de vue sceptique.

Cette critique, présentée explicitement àce niveau du texte, sous-tend en fait l'ensemble de l'argumentation de Pascal.Contre la dérision sceptique, Pascal affirme la valeur de la connaissance des premiers principes.

Ici, la thèsecentrale du texte est explicitement fondée par une affirmation que Pascal ne démontre pas, mais qu'il énonce trèsnettement.La fin du texte développe alors l'idée de la complémentarité des deux modes de connaissance (coeur et raison) etmême leur interdépendance (l'un n'a pas de sens sans l'autre). Quelques remarques pour dégager l'intérêt du texte: L'articulation du raisonnement et de ce qu'on peut appeler l'intuition (définie comme saisie immédiate) dans larecherche de la vérité a pu constituer un problème dans la mesure où l'appréhension immédiate du monde est le plussouvent entachée d'illusion, d'empirisme, de subjectivité.

Trop souvent, l'immédiateté du rapport au monde n'est quela connivence de l'homme avec lui-même, le lieu de toutes sortes de projections affectives qui sont autantd'obstacles à une véritable connaissance (cf..

Bachelard et la critique des « intuitions premières » notamment dansLa Psychanalyse du feu (avant-propos).

Définir des « principes premiers », une saisie immédiate de relations vraies,tout en se dégageant de l'empirisme et de l'anthropomorphisme, ne va pas sans problème.De plus, l'idée d'une connaissance immédiate, permettant à la limite de faire l'économie d'un travail réflexif, asouvent alimenté et conforté l'obscurantisme du principe d'autorité.

Ainsi à l'époque médiévale, l'opposition faite parles théologiens entre la foi et la raison tend à démobiliser par avance toute entreprise de réflexion critique.

Lapreuve en est que la plupart des hommes de science et des philosophes ont dû mener une lutte serrée aux XVI etau XVII ièmes siècles pour imposer la reconnaissance du « principe de raison » et de libre examen dans le domainede l'explication des phénomènes réels (cf.

Copernic, Galilée, Descartes, Pascal, et surtout Spinoza, qui est alléjusqu'à revendiquer la possibilité d'une étude critique des textes sacrés).. »

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