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Peut-on apprendre à penser ?

Publié le 09/04/2004

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Pour Descartes l'art de penser se renvoie à l'esprit et aux parcelles innées de raison que chaque homme possède naturellement. Descartes propose un discours de la méthode et fait donc une place à l'art du raisonnement droit, mais la méthode qu'il préconise est en rapport avec la méthode originaire et fondatrice : celle de la conversion de l'esprit et du doute volontaire. La méthode ne rend que plus « apte « celui qui a le don d'inventer : elle nous perfectionne, mais elle n'est pas améliorable. Dans le Discours de la méthode, Descartes écrit : « Ainsi mon dessein n'est pas d'enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison, mais de faire voir en quelle sorte j'ai tâché de conduire la mienne. « Il n'y a donc pas de procédés communicables pour aboutir à l'invention. Pour Leibniz au contraire de Descartes, la méthode doit être une technique. Apprendre consiste à faire un inventaire exact de toutes les connaissances acquises mais dispersées et mal rangées. Au lieu de confier la méthode au hasard, comme le fait Descartes, il faut formaliser l'ordre des raisons par des signes concrets que chacun pourra combiner selon certaines règles d'où la possibilité d'apprendre à inventer. Alors que la méthode de Descartes se veut un art d'inventer, l'art combinatoire leibnizien veut une clef de l'art d'inventer. Leibniz écrit : « Il est manifeste que si l'on pouvait trouver des caractères ou signes propres à exprimer toutes nos pensées, aussi nettement et exactement que l'arithmétique exprime les nombres, on pourrait faire en toutes les matières en tant qu'elles sont sujettes au raisonnement tout ce qu'on peut faire en arithmétique et en géométrie «.

  • I- les obstacles de la pensée libre

   * les préjugés, les opinions toutes faites, qui pré conditionnent l'exercice de la pensée. Descartes insiste sur le rôle des préjugés durant l'enfance de chaque individu. Platon dénonce l'ensemble de croyances qu'une société tient pour vraies sans examen critique préalable:"doxa"  * l'idéologie (pensée théorique qui est l'expression de faits sociaux ou économiques).  * les passions  * l'inconscient  * les illusions, l'imagination  * la langue qui conditionne la pensée.

  •  II- Les éléments qui la libèrent

   * la philosophie: méthode socratique, le doute cartésien.  * l'esprit scientifique qui refuse l'irrationnel et tout ce qui est familier.  * l'expérience qui nous expose à des influences diverses, ce qui nous permet de comparer les idées, les modes de pensée...  * l'analyse psychanalytique qui nous permet de mieux comprendre notre inconscient.  * la société à laquelle nous appartenons (dictature, démocratie...)

  •  III- Peut-on apprendre à penser? (synthèse)

   * Si penser est une activité comment définir ce qui se réalise, comment définir un mouvement sans l'immobiliser, sans parler d'autre chose que de lui, de la trace qu'il a laissé, de sa fin ou de son produit?  * Si les pensées viennent quand elles veulent, comment apprendre une activité dont une grande partie nous échappe?  * S'agit-il d'apprendre un savoir ou d'effectuer un apprentissage sans maître puisqu'on ne peut penser que par soi même?  * Si penser c'est se tourner vers l'intelligible et se détourner du visible, comment cette conversion pourrait-elle s'effectuer sans une violence exercée par un maître, qui laisse le disciple au seuil de la pensée? (cf Platon et l'allégorie de la caverne)  * S'exercer aux mathématiques est-ce seulement exercer l'agilité de son esprit, prendre l'habitude de se détourner du sensible, simple préparation, propédeutique?

« Contrairement à l'opinion, pour qui ces deux verbes « apprendre » et « penser » sont incompatibles, la philosophie,tout au long de son histoire, revendique la sauvegarde du « métier » de penser.

Ainsi Hegel dans l'introduction à sonEncyclopédie, renoue avec Platon pour marquer l'importance du métier en philosophie dénonce une double illusiondans le refus d'un « apprendre à penser » : « On accorde, écrit-il, que pour confectionner un soulier, il faut l'avoirappris et s'être exercé, bien que chaque homme disposant d'un pied, en possède la mesure et grâce à des mains,l'habileté naturelle pour ce métier.

Ce n'est qu'en philosophie, pense-t-on, que des études et des efforts ne sontpas indispensables.

» Dès lors, on peut légitimement se poser la question : apprend-on à penser ? Ne faut-il pasradicaliser le paradoxe propre à cette question ? S'il n'y a de véritable apprendre que l'apprendre à penser, car on nepense que des pensées et non des imaginations ou des représentations intellectuelles, alors apprendre, n'est-ce pasvéritablement développer par soi-même ce qui est en soi-même, et non être soumis à l'instruction d'un maître, ou àla contrainte d'une opinion ? Quand on demande à un l'homme de la rue s'il faut apprendre à penser, on entend dans la majeure partie des casque cela est inutile car la pensée est une chose innée dont l'homme est naturellement accompagné dès sanaissance.

Cependant cette opinion est aux premiers abords contestable car elle n'envisage la pensée que commeun tout qui n'est pas susceptible de distinctions.

Or, il est nécessaire de distinguer deux sortes de pensée : lapensée en tant que sensation ou sentiment, et la pensée en tant que réflexion.

C'est principalement la penséeréfléchie, qui constitue la pensée au sens strict, que nous allons traiter.

En effet, la pensée, sensation ou émotion,semble être innée et ne pas s'apprendre à proprement parler, même si toute sensation est toujours relativementconstruite.

Pour cela, prenons l'exemple le plus anodin du bébé : il a spontanément un sentiment de bien-être ou demalaise ; il semble sujet à certaines émotions telles la gaieté, qu'il exprime par le rire ; quand on l'éloigne de samère, il pleure car il se sent mal à l'aise.

Cette pensée sensation n'est pas spécifique à l'homme, elle est commune àlui et à l'animal.

En revanche, la pensée réflexion est propre à l'homme (opposition à l'animal).

La pensée réflexionest la faculté intellectuelle ayant pour objet la connaissance : le fait de penser implique la production d'idées, dejugements.

La pensée, c'est l'activité de l'esprit qui nous permet de comprendre.La question qui se pose est de savoir si l'homme, à l'origine (dans toute sa première enfance), est réellement démunid'une telle pensée.

Or les études menées sur le développement de l'intelligence chez l'enfant, on pensera aupsychologue Jean Piaget, ont prouvé que la pensée abstraite de l'homme adulte constituait l'aboutissement d'unprocessus d'acquisition s'effectuant en cinq étapes : la pensée sensori-motrice (jusqu'à l'âge de deux ans) oùl'enfant acquiert l'idée de la permanence des objets - la pensée pré-opératoire (de deux à quatre ans) où l'enfantutilise le langage, mais où il ne sépare pas son moi du monde extérieur, où il n'a pas conscience de lui - la penséeintuitive (de quatre à sept ans) où l'enfant voit le monde de manière purement pragmatique et à travers ses qualités- les pensées des opérations concrètes (de sept à onze ans) où l'enfant est capable d'abstraire et de penserlogiquement.

Il apparaît donc que la pensée, du moins conceptuelle, n'est pas innée, mais qu'elle est le fruit d'undéveloppement progressif.On peut cependant se demander si ce développement est ou non un apprentissage, c'est-à-dire si le passage d'unstade de la pensée à l'autre se fait de manière naturelle et spontanée, ou s'il dépend d'une éducation.

Il serait alorsfructueux d'analyser le cas des enfants sauvages, et de mettre en parallèle leur développement avec celui d'unenfant dit normal. L'enfant sauvage est un enfants qui dès sa naissance, ou peu après, a été abandonné à lui-même dans la nature etparfois adopté et élevé par des bêtes sauvages, par exemple des loups.

Au 19eme siècle, un enfant sauvaged'environ 10 ans a été découvert dans l'Aveyron et observé par le médecin J.

Itard.

Il se montrait indifférent à toutet incapable d'une attention soutenue.

Il était dépourvu de mémoire, de jugement et avait une intelligence trèsbornée, à tem point qu'il ne pensait pas à monter sur une chaise pour atteindre un aliment qu'on élevait hors de saportée.

L'existence de cet enfant sauvage se réduisait à une vie totalement animale.

Cependant, un enfant dumême âge, normalement élevé parmi et par ses semblables, à un comportement totalement différent.

Nous pouvonsdonc en conclure que l'éducation au sens large joue un rôle capital dans le développement de l'être humain et de sapensée.

En effet l'éducation ne se limite pas à l'éducation scolaire, elle commence par l'éducation familiale, et mêmepar la simple relation interindividuelle : c'est la rencontre avec autrui qui permet de développer et d'enrichir lapensée d'un être.

L'acquisition du langage, qui permet la communication et le dialogue avec l'autre joue un rôlecapital.Ainsi, l'enfant ne devient d'une certaine manière que ce qu'on le fait être : un être pensant chez qui l'éducationéveille en lui son être en lui enseignant à penser.

Mais paradoxalement enseigner à penser ne conduit-il pas àempêcher de penser, ou du moins selon une certaine limite ? La pensée ne serait-elle pas parfaitement libre ?L'éducation ne mènerait-elle pas à un certain conditionnement ? De la sorte, en apprenant à penser l'enfant apprendégalement des pensées : ses idées ne sont donc pas a lui, mais celles qu'on lui a inculquées.

L'enfant reçoit ainsipar son éducation des idées et des concepts qui se combinent dans son esprit et constitueront sa pensée.

Il y auradonc, en fonction des éducations différentes, des pensées et des modes de pensée différents.

La pensée asiatique,par exemple, différera de la pensée française, et, à l'intérieur d'une même civilisation, la pensée différera d'uneclasse ou d'un groupe social à un autre.

Imaginons deux ouvriers à qui on fournirait des matériaux et des outils pourconstruire un objet de leur choix : chacun d'eux ne construira pas forcément le même objet, en raison desdifférentes pensées, idées et matériaux qu'on leur a fournis.

En principe, chacun se sert de sa pensée comme ill'entend, toutefois, il se trouve limité par son éducation : il se servira de son outil, donc de sa pensée, comme on luiaura appris à s'en servir.

C'est là le conditionnement de l'esprit.

Ce conditionnement peut revêtir des formesspectaculaires.

Prenons l'exemple du nazisme : à travers la propagande gouvernementale, la population allemandedans sa nouvelle majorité fut conditionnée en sorte qu'elle « pensât » en conformité avec les orientationsidéologiques, notamment antisémites, du régime hitlérien.

On peut affirmer qu'on « apprend » réellement à « penser».. »

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