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Que pensez-vous de l'âme des bêtes?

Publié le 20/02/2004

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C. Développement. - Citer brièvement et avec le plus de précision possible, les faits sur lesquels on s'appuie. Éviter le danger, imminent dans cette dissertation, de conter des anecdotes et de faire de la littérature à propos de l'esprit des bêtes; ne pas composer des scènes, des tableaux de genre; oublier, s'il se peut, qu'on connaît les fables de La Fontaine. Ne pas donner dans le genre sentimental, surtout ne pas raconter l'histoire du chien qui va mourir sur la tombe de son maître. Être simple, sobre, précis. Enfin, interpréter les faits en toute liberté, et, ainsi que le comporte la question, dire ce que l'on pense, en le fondant sur ce que l'on sait. DOCUMENT   Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ceux qui les examinent que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles, ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en mêmes façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant de la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée. Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul.

« et par ressorts, ainsi qu'une horloge laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est que notre jugementne nous l'enseigne.

Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissenten cela comme des horloges... (Introduction) Ce texte reprend, sous une forme plus ramassée, ce que Descartes avait dit du langage dans la Cinquièmepartie du Discours de la Méthode.

Il nous donne l'occasion de préciser la nature du langage selon Descartes, derappeler comment le fait du langage permet au philosophe d'admettre l'existence d'autres âmes que la siennepropre, de distinguer radicalement l'homme de tous les animaux, de refuser de prolonger la thèse de l'animal-machine par celle d'un homme-machine (qui sera au XVIIIe siècle la thèse de La Mettrie), le langage privilègede l'homme étant précisément le signe auquel nous reconnaissons que nous sommes une substance pensanteet pas seulement un automate. L'homme-machine dérive de l'animal-machine de Descartes mais La Mettrie entend pousser le mécanismecartésien jusqu'au maximum de ses conséquences logiques: tout ce que la métaphysique cartésienne attribuaità l'âme (pensées, ides innées) peut être expliqué matériellement.

Tout en l'homme n'est que mécanisme et ilrevient à la science d'en rendre compte. (Explication et commentaire) ...

Il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer...

qu'il y a en notre corps une âme qui a despensées, excepté les paroles.Dans la deuxième Méditation, le philosophe se saisit dans l'acte même de douter de l'évidence de sa propreexistence comme substance pensante.

Mais qu'est-ce qui me prouve que d'autres âmes que la mienne existentaussi? « Que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectresou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts? Mais je juge que ce sont de vrais hommes.» (2ièmeMéditation.) A la vérité, les actes accomplis par ces corps habillés pourraient être produits par les ressorts d'unautomate (une machine qui se remue de soi-même).

La complexité même de ces actes pourrait être expliquéepar des enchaînements de réflexes, selon le schéma stimulus-réaction indéfiniment répété.

Mais on ne sauraitimaginer une machine qui parle, entendez par là non pas qui émette des sons, mais qui disposeintentionnellement des signes dans des arrangements sans cesse nouveaux pour répondre à de nouvellessituations. Descartes avait insisté sur ce point dans la Cinquième partie du Discours de la Méthode : « Jamais desmachines ne pourraient user de paroles ni d'autres signes en les composant comme nous faisons pour déclareraux autres nos pensées. Car on peut bien concevoir qu'une machine soit tellement faite qu'elle profère des paroles et même qu'elle enprofère quelques-unes à propos des actions corporelles qui causeront quelques changements en ses organes ;comme si on la touche en quelque endroit qu'elle demande ce qu'on veut lui dire, si en un autre qu'elle criequ'on lui fait mal et choses semblables; mais non pas qu'elle les arrange diversement pour répondre au sens detout ce qui se dira en sa présence.

» Une machine préalablement programmée peut répondre à un stimulusdonné par une réaction déterminée.

Mais seul le langage humain peut inventer un nouvel arrangement de motsapproprié à une situation nouvelle.

Le corps parlant est donc habité par une âme, par une raison qui est « uninstrument universel qui peut servir à toutes sortes de rencontres» tandis que des organes mécaniques « ontbesoin de quelques particulières dispositions pour chaque action particulière ».Cordemoy, disciple de Descartes, dans son Discours physique de la Parole (1666) développera ce thèmecartésien : aucune explication mécanique ne saurait rendre compte de la cohérence d'un discours ajusté à unesituation inédite.

C'est ce pouvoir d'innover qui est la preuve irrécusable de la nature non mécanique dulangage : « Les Paroles que j'entends proférer à des Corps faits comme le mien n'ont presque jamais la mesmesuite...

Parler n'est pas répéter les mesmes paroles dont on a eu l'oreille frappée mais...

c'est en proférerd'autres à propos de celles-là.

» Le langage est donc, pouvons-nous conclure, « le seul signe certain d'unepensée latente dans le corps » (lettres de Descartes à Morus, 5-2-1649).Je dis les paroles ou autres signes parce que les muets se servent de signes.Le langage n'est pas la faculté d'émettre des sons, mais de faire correspondre des signes (quelconques) à despensées.

Descartes l'avait dit dans le Discours de la Méthode « Les pies et les perroquets peuvent proférer desparoles ainsi que nous et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c'est-à-dire en témoignant qu'ils pensentce qu'ils disent, au lieu que les hommes qui étant sourds et muets sont privés des organes qui servent auxautres pour parler, ont coutume d'inventer d'eux-mêmes quelques signes par lesquels il se font entendre.

» Laparole humaine n'est que l'utilisation intelligente, à titre de signes, des sons émis par les organes vocaux.

Et ily a d'autres signes possibles que les sons de la voix.

Pour citer un cas limite, encore plus probant que l'exemplecartésien du sourd-muet, rappelons qu'Hélène Keller, sourde, muette, aveugle a pu s'initier au langage enconstituant en signes des données exclusivement tactiles.

On lui mettait la main sous le robinet en dessinantsur l'autre main avec une aiguille les lettres qui composent le mot « water ».

Le jour où elle a compris qu'il yavait un rapport de symbole entre les deux impressions, celle de l'eau et celle de l'aiguille qui la piquait selonune certaine forme, elle possédait le secret du langage.

Le langage est une activité symbolique, artificielle del'intelligence qui peut s'exercer par des organes quelconques.

Notons que le larynx, le voile du palais, la langue. »

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