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Percevoir, c'est unifier - Merleau-Ponty

Publié le 07/05/2005

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Percevoir, c'est unifier C'est un lieu commun de dire que nous avons cinq sens et, à première vue, chacun d'eux est comme un monde sans communication avec les autres. La lumière ou les couleurs qui agissent sur l'oeil n'agissent pas sur les oreilles ni sur le toucher. Et cependant on sait depuis longtemps que certains aveugles arrivent à se représenter les couleurs qu'ils ne voient pas par le moyen des sons qu'ils entendent. Par exemple un aveugle disait que le rouge devait être quelque chose comme un coup de trompette. Mais on a longtemps pensé qu'il s'agissait là de phénomènes exceptionnels. En réalité le phénomène est général. Dans l'intoxication par la mescaline', les sons sont régulièrement accompagnés par des taches de couleur dont la nuance, la forme et la hauteur varient avec le timbre, l'intensité et la hauteur des sons. Même les sujets normaux parlent de couleurs chaudes, froides, criardes ou dures, de sons clairs, aigus, éclatants, rugueux ou moelleux, de bruits mous, de parfums pénétrants. Cézanne disait qu'on voit le velouté, la dureté, la mollesse, et même l'odeur des objets. Ma perception n'est donc pas une somme de données visuelles, tactiles, auditives, je perçois d'une manière indivise avec mon être total, je saisis une structure unique de la chose, une unique manière d'exister qui parle à la fois à tous mes sens. MERLEAU-PONTY
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« La perception est une expérience du corps, d'un corps concret, de chair et de sang, d'un corps à lastructure unitaire.

Percevoir, c'est donc être au monde charnellement, et saisir « une unique manièred'exister » qui non seulement « parle à la fois à tous mes sens », mais donne sens à ce monde dans lequel jevis.Les arguments utilisés par Merleau-Ponty sont constitués d'une série d'exemples qui remettent en questionla thèse commune de la perception :– c'est tout d'abord l'exemple pathologique de l'aveugle qui lie les couleurs aux sons qu'il entend.

Merleau-Ponty part d'un cas particulier pour ensuite généraliser : « Mais on a longtemps pensé [...] le phénomène estgénéral » ;– puis il passe aux « sujets normaux » qui emploient des mots pour qualifier des couleurs : elles peuvent être« chaudes [...] criardes », et pour qualifier des sons : « clairs [...] moelleux » ;– enfin, il fait référence au peintre Cézanne qui vivait charnellement les relations entre les cinq sens : sarelation au monde, aux objets, est une relation sensorielle où priment la vue, le toucher et l'odorat. QUESTION 2 a.

Dans la conception commune, chaque sens vit dans un univers particulier, autonome, sans rapport avecles autres, sans communication.

Cela signifie — dans cette conception « lieu commun » — que ce que jevois est indépendant de ce que je touche, de ce que j'entends, etc.

Chaque sens est enfermé dans sonmonde : c'est une vision autistique de la perception.b.

La perception, pour Merleau-Ponty, s'adresse à son « être total », et n'a d'ailleurs de sens que dans leséchanges continuels entre toutes les sensations qui finalement forment « une structure unique ».Percevoir, c'est rendre compte de l'expérience unitaire.

Chaque chose perçue parle « à tous mes sens ».C'est pourquoi je peux parler, c'est-à-dire employer des mots, pour décrire des couleurs qui sont du registrevisuel.

Rimbaud avait donné des couleurs aux voyelles : « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu [...] » («voyelles »). QUESTION 3 (réponse rédigée) Ma perception est-elle une somme de sensations ? Ce texte souligne comment l'être humain s'inscrit dans unmonde intersubjectif : la perception est le « retour aux choses mêmes » qui se réalise dans le jaillissementd'un sens immanent aux choses.

Percevoir, c'est opérer une synthèse vivante et en acte qui m'ouvre aumonde et à autrui.

« Chercher l'essence de la perception, c'est déclarer que la perception est non pasprésumée vraie, mais définie pour nous comme accès à la vérité [...].

Il ne faut donc pas se demander sinous percevons vraiment le monde », écrit Merleau-Ponty, « il faut dire au contraire : le monde est cela quenous percevons ».Merleau-Ponty s'oppose donc à l'empirisme et à l'idéalisme qui posent le monde comme déjà constitué, toutfait, alors que c'est l'acte même de percevoir qui fait l'unité et la réalité du monde.

L'addition des sensationsne peut pas nous mettre en corrélation avec le monde, ne peut pas lui donner sens.

Et qu' .est-ce qu'unmonde dans lequel je ne suis pas en relation ? Avoir conscience, c'est toujours avoir conscience de quelquechose qui naît en même temps que j'en prends conscience.

La conscience est avant tout projet,intentionnalité.

Être conscient, c'est donc être présent au monde.

La conscience est une activité qui donnesens au monde, qui le signifie.

Le sujet pensant est ek-stase — le grec extasis signifie « être hors de soi »—, c'est-à-dire qu'il est sujet d'un monde qu'il pro-jette lui-même.

Si ma perception était une somme desensations, je serais un sujet morcelé, alors que je vis à chaque instant mon unité.Percevoir est donc une opération de synthèse qui actualise en permanence les données perceptivestransmises par les sens, et qui fait communiquer entre elles toutes ces données.

Merleau-Ponty nous donneici une conception ouverte et dynamique de la perception : le inonde se constitue en même temps que nousle percevons. MERLEAU-PONTY (Maurice).

Né à Rochefort-sur-mer en 1908, mort à Paris en 1961.Il fut professeur à l'Université de Lyon, à la Sorbonne, et, à partir de 1952, au Collège de France.

Disciple deHusserl, il fonda avec Sartre Les temps modernes.

Il s'est surtout occupé de philosophie psychologique, et s'estintéressé à l'existentialisme dans ses rapports avec le marxisme. Oeuvres principales : La structure du comportement (1941), Phénoménologie de la perception (1945), Humanisme et terreur (1947), Sens et non-sens (1948), Eloge de la philosophie (1953), Les sciences de l'homme et laphénoménologie (1953), Les aventures de la dialectique (1955), Signes (1961).. »

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