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La Peste, Lecture analytique de l'incipit : du réalisme au symbolisme

Publié le 11/09/2006

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L’oeuvre commence par un épigraphe (lex) : nm citation d’auteur, en tête d’un livre, d’un chapitre, pour en résumer l’objet ou l’esprit.    « Il est aussi raisonnable de présenter une espèce d’emprisonnement par une autre que de présenter n’importe quelle chose qui existe réellement par quelque chose qui n’existe pas «    Daniel de Foe, (écrivain anglais, auteur de Robin-Son Crusoé, 1719), épigraphe choisi par Camus dans Le Journal de l’année de la peste du même auteur    Sens de cet épigraphe ?:  - il nous renseigne sur le thème de la narration : l’oppression  - il indique au lecteur que le récit qui va suivre est la transcription symbolique d’événements réels    PB : En quoi cet incipit conforme aux attentes met-il en relief l’absurdité de la Condition humaine ?    I. LES CARATERISTIQUES CLASSIQUES DE L’INCIPIT :    L’incipit a trois fonctions :  Faire connaître aux lecteurs le moment, le lieu, les personnages et le sujet de l’action.  = 1. Présentation de l’univers fictionnel    L’incipit fixe également la question du narrateur (interne/ externe) et la question des points de vue.  = 2. Présentation du dispositif narratif    L’incipit instaure un rapport entre le narrateur et le lecteur dont il doit capter l’intention, l’intérêt.  = 3. Fonction captatio benevolentiae    1) La présentation de l’univers fictionnel :    La question du temps : quand ?    - pas de datation précise : 194. : le lecteur ne sait si les événements se sont déroulés en temps de guerre ou après, le roman est situé dans les années 40.  - Evocation des saisons : « les changements de saisons « l 10 « le printemps « l 10 « pendant l’été « l 13 + antithèse « les beaux jours viennent seulement en hiver « l 15/16  - L’évocation des saisons précisent la première phrase « le sujet de cette chronique « : suite de faits consignés dans l’ordre chronologique de leur déroulement  - Elles présentent également la trame temporel du récit : il débute le 16 avril au printemps et se termine un matin d’hiver et l’hiver marquera en effet le retour des beaux jours avec la fin de l’épidémie. (explication de l’antithèse)    La question du lieu : où ?    - ancrage géographique réel : « Oran « « une préfecture française de la côte algérienne « l 4 (où a vécu Camus)  - Description réaliste du lieu : le narrateur précise l’aspect général de la ville par la tapinose « la ville est laide « l 5 et « d’aspect tranquille « l 5, l’activité principale des habitants : le commerce : « ils s’intéressent surtout au commerce « l 22, l’environnement : « un lieu neutre pour tout dire « l 9  - Description d’un lieu léthargique : le narrateur insiste sur la banalité, la monotonie : « on s’y ennuie « (l 20), « on s’y applique à prendre des habitudes « l 21 « le même boulevard « l 28  = Le signe distinctif du lieu semble être son repli sur elle-même.    La question des personnages : qui    - les habitants se caractérisent par l’appât du gain : ils s’intéressent surtout au commerce l 22 « ils s’occupent d’abord (...) des affaires « l 23, « de gagner beaucoup d’argent « l 25/26, « on joue gros jeu «  = description d’une société matérialiste    - existence routinière organisée autour du travail : « le soir, lorsqu’ils sortent du travail « l 27 « ils se retrouvent à heure fixes dans les cafés « « se promènent sur le même boulevard«    - société conformiste : tout semble réglé comme du papier à musique, même les plaisirs sont planifiés : « très raisonnablement ils réservent ses plaisirs pour le samedi soir « l 25, ils sont d’ailleurs médiocres et d’une grande banalité : « ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer « l 24. Société qui semble assez masculine    La question de l’action : quoi ?    - Il n’y a pour ainsi dire pas de verbes d’action  - La composition de l’extrait est descriptive : paragraphe 1 : ancrage spatio-temporel, paragraphe 2 : description d’Oran et de son climat, paragraphe 3 : description des habitants.  - Impression d’immobilisme : le temps semble s’écouler au rythme des saisons  = Le lecteur pressent que cette tranquillité va être perturbée.    2) Présentation du dispositif narratif    - Le récit à venir est une chronique : cette information est donnée d’emblée au lecteur « le sujet de cette chronique « l 1 : nous allons donc lire le récit chronologique d’événements que le narrateur a observés et auxquels il a peut-être participé : se sont produit en 194. «  - Narrateur interne et anonyme : répétition du pronom indéfini « on « l 19 « notre petite ville « « nos concitoyens « l 21    - La question des points de vue : peu de variation, focalisation interne sauf à la fin de l’extrait : externe «le soir lorsqu’ils quittent leur bureau... balcons « l 27/29, omnisciente : les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, les vices des plus âgés ne dépassent pas... «    Prise de distance et regard critique du narrateur :    - le narrateur semble se détacher des habitants « selon leur expression « l 23  - il intervient souvent ironiquement à leur sujet : « ils travaillent beaucoup mais pour s ‘enrichir « l 22  - il se moque de leur partage inégal du temps, moquerie signalée par les modalisateurs et les antiphrases : « Naturellement ils ont du goût pour les joies simples « l 23, « Mais très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir « l 25/26  - il les juge : « les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes « l 31« (antiphrase)    = Témoin privilégié, le narrateur à travers cette description subjective propose un point de vue critique sur Oran et ses habitants.    3) Capter l’intention du lecteur : 3 Fonction captatio benevolentiae :    - L’absence d’action ménage un effet d’attente : le lecteur attend du mouvement, de l’action et aspire avec impatience à sortir de cette monotonie  - Il se demande également quel pourrait être l’élément qui viendra perturber cette immobilisme    - Promesse d’un récit extraordinaire : l’intérêt du lecteur est immédiatement éveillé : « les curieux événements «l le narrateur présente sa chronique comme peu banale : « de l’avis général, ils n’étaient pas à leur place, sortant un peu de l’ordinaire « l 2    - Un suspense cultivé : la curiosité du lecteur est aiguisée par cette « promesse «, d’autant plus que le narrateur s’ingénie à peindre la ville sous son jour le plus ordinaire  - Interrogations également quant à l’identité du narrateur : qui est ce on ?    II. LA FONCTION SYMBOLIQUE DE LA DESCRIPTION D’ORAN    1) Oran comme un symbole universel :  Oran symbolise le monde moderne des années 40 : c’est « la cité « , « une ville ordinaire « l4    - Comme dans n’importe quelle autre ville du monde, les activités et le quotidien sont banals : « on vend sur les marchés « l 12, « on y travaille « « on y aime « « on y meurt « l 18 « on s’y ennuie « l 20 le parallélisme des constructions évoque cette banalité également    - Les plaisirs également sont communs : « ils aiment les femmes, le cinéma et les bains de mer « l 24    - Comme partout ailleurs les années se succèdent au rythme des saisons : le printemps synonyme de renaissance : « qualité de l’air « « les corbeilles de fleurs « l 21, l’été synonyme de chaleur, l’automne et ses giboulées : « le déluge « et enfin l’hiver ici synonyme de « beaux jours « comme souvent dans les villes du Sud.    Elle symbolise la vie collective propre à toute société :  - le jugement porté sur les événements « curieux « est collectif : « de l’avis général « l.2  - les activités se font « ensemble « l 19    Absence d’individualité: prédominance du « ils « et du « on «.  Ce « on « désigne indifféremment les oranais : « on y joue gros jeu « l 31, le narrateur : « on doit l’avouer est laide « l 5 que les deux réunis : « on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos « l 14    Absence de personnage particulier : il n’y a pas de héros identifiable, les oranais sont désignés par « les plus jeunes « l 29 ou « les plus âgés « l 30 qualificatif qui souligne l’écoulement normal de la vie...    2) Les oranais comme symbole de l’humanité :    Les habitants d’Oran représentent le Condition humaine :  - Ils ne se posent pas de questions et vivent une vie banale    - On peut percevoir une crainte de l’imprévu puisque chacun s’attache à « prendre des habitudes « l 21 et que le rythme de la vie est planifié : « ils quittent le bureau, se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard « l 27    - Ils représentent le type de société de consommation qui s’intéresse davantage à l’argent : « nos concitoyens travaillent beaucoup mais toujours pour s’enrichir « l 21,+ à L’AVOIR qu’à L’ETRE = aucune caractérisation psychologique.    Implication progressive du lecteur :    - L’ironie à l’égard des oranais s’adresse également au lecteur et vise à nous faire prendre conscience de nos vices, comme la cupidité , et de la banalité de notre propre existence : « très naturellement ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche « l 25    - L’absence d’individualité et de héros est également là pour nous signifier que les oranais sont comme nous (processus d’identification assez réaliste !)    - Il y a un glissement progressif de l’énonciation : on passe de la récurrence du pronom indéfini « on « aux possessifs « notre « l 19 et « nos « l 21 puis au « ils « 7 occurrences qui désignent les Hommes, l’Humanité donc le lecteur également.  Ici l’énonciation prend la valeur du « nous «  = Nous sommes donc en face d’une caricature de notre propre existence !    3) Omniprésence de l’absurdité de la vie :    Pour Camus la vie est absurde, elle n’a pas de sens puisque quoi que l’on fasse nous sommes tous destinés à mourir et souvent nous subissons notre vie au lieu d’en être les acteurs. A ce sujet voir L’Etranger, personnage narrateur sans visage...    - notre vie est résumée en quatre verbes conjugués au présent de vérité général : « travailler, aimer et mourir « l 18 !!!    - Oran est également définie par la négation de la vie notamment dans le second paragraphe : « sans pigeons, sans arbres, sans jardins « l 8 + faire relever toutes les négatives anaphores et épiphores « sans, ne, ni «    - Le narrateur insiste sur l’aspect contre nature, presque anormal, inconcevable de la ville « Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans « l 7 qui montre notre difficulté à accepter notre propre condition, notre propre mort    - Le narrateur fait également allusion à notre déchéance physique qui est inévitable : « les plus jeunes « « les plus âgés « et rappelle ainsi au lecteur la fuite du temps    - Nombreuses références à la mort : « cendre grise « l 14 « l’ombre « l 14 « on y meurt « l 18 « le soir « l 27 et à l’imagerie chrétienne : « le soleil incendie « l 13 // l’enfer, « la cendre « // La Bible : « tu es né poussière et poussière tu retourneras « « Le déluge «// L’arche de Noé à laquelle Camus, n’adhérait pas.    Conclusion :  Ce texte initial répond aux attentes formelles de l’incipit et sollicite notre réflexion quant au sens symbolique qu’il contient et pose un thème clef de l’oeuvre : l’absurdité de la Condition Humaine.  Chronique d’une épidémie imaginaire, ce roman propose une transfiguration d’une expérience collective du Mal.  Le récit de La Peste peut rappeler la lutte contre le nazisme que les français et Camus connurent pendant l’occupation allemande et rappelle le thème phare de l’Etranger publié en 1942, qui est le combat et la révolte de l’homme perçus par Camus comme la seule issue à l’absurdité de sa condition humaine.    Camus dans ces notes des Carnets écrits en 1943 (publiées en 1964) : « Je veux exprimer au moyen de la peste l’étouffement dont nous avons tous souffert et l’atmosphère de menace et d’exil dans lequel nous avons vécu. J

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« affaires » l 23, « de gagner beaucoup d'argent » l 25/26, « on joue gros jeu »= description d'une société matérialiste - existence routinière organisée autour du travail : « le soir, lorsqu'ils sortent du travail » l 27 « ils se retrouvent à heure fixes dansles cafés » « se promènent sur le même boulevard» - société conformiste : tout semble réglé comme du papier à musique, même les plaisirs sont planifiés : « très raisonnablement ilsréservent ses plaisirs pour le samedi soir » l 25, ils sont d'ailleurs médiocres et d'une grande banalité : « ils aiment les femmes, lecinéma et les bains de mer » l 24.

Société qui semble assez masculine La question de l'action : quoi ? - Il n'y a pour ainsi dire pas de verbes d'action- La composition de l'extrait est descriptive : paragraphe 1 : ancrage spatio-temporel, paragraphe 2 : description d'Oran et deson climat, paragraphe 3 : description des habitants.- Impression d'immobilisme : le temps semble s'écouler au rythme des saisons= Le lecteur pressent que cette tranquillité va être perturbée. 2) Présentation du dispositif narratif - Le récit à venir est une chronique : cette information est donnée d'emblée au lecteur « le sujet de cette chronique » l 1 : nousallons donc lire le récit chronologique d'événements que le narrateur a observés et auxquels il a peut-être participé : se sontproduit en 194.

»- Narrateur interne et anonyme : répétition du pronom indéfini « on » l 19 « notre petite ville » « nos concitoyens » l 21 - La question des points de vue : peu de variation, focalisation interne sauf à la fin de l'extrait : externe «le soir lorsqu'ils quittentleur bureau...

balcons » l 27/29, omnisciente : les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, les vices des plus âgés nedépassent pas...

» Prise de distance et regard critique du narrateur : - le narrateur semble se détacher des habitants « selon leur expression » l 23- il intervient souvent ironiquement à leur sujet : « ils travaillent beaucoup mais pour s ‘enrichir » l 22- il se moque de leur partage inégal du temps, moquerie signalée par les modalisateurs et les antiphrases : « Naturellement ils ontdu goût pour les joies simples » l 23, « Mais très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir » l 25/26- il les juge : « les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes » l 31» (antiphrase) = Témoin privilégié, le narrateur à travers cette description subjective propose un point de vue critique sur Oran et ses habitants. 3) Capter l'intention du lecteur : 3 Fonction captatio benevolentiae : - L'absence d'action ménage un effet d'attente : le lecteur attend du mouvement, de l'action et aspire avec impatience à sortir decette monotonie- Il se demande également quel pourrait être l'élément qui viendra perturber cette immobilisme - Promesse d'un récit extraordinaire : l'intérêt du lecteur est immédiatement éveillé : « les curieux événements »l le narrateurprésente sa chronique comme peu banale : « de l'avis général, ils n'étaient pas à leur place, sortant un peu de l'ordinaire » l 2 - Un suspense cultivé : la curiosité du lecteur est aiguisée par cette « promesse », d'autant plus que le narrateur s'ingénie à peindrela ville sous son jour le plus ordinaire- Interrogations également quant à l'identité du narrateur : qui est ce on ? II.

LA FONCTION SYMBOLIQUE DE LA DESCRIPTION D'ORAN 1) Oran comme un symbole universel :. »

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