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Peut-on affirmer, avec Spinoza, que la sagesse est une méditation de la vie, non de la mort ?

Publié le 10/02/2004

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spinoza
Telle se présente la démonstration de la thèse : le sage ne médite pas sur le négatif de la mort, mais bien sur le positif de la vie dont il saisit le caractère universel, par opposition à la mort, qui renvoie seulement au particulier. La pensée de la mort est inséparable d'une vision, non seulement négative, mais aussi égoïste des choses, privilégiant le moi particulier, au lieu de se diriger vers l'universel, vers la vérité de l'esprit qui ordonne le monde.Il n'est donc nulle raison de méditer sur la mort. Il semble bien que la sagesse puisse répudier de son champ réflexif le contenu existentiel de la mort.2. La critique de la thèse. L'antithèseLa thèse précédente n'est ni sans grandeurs ni sans mérites. Elle donne à voir un type de méditation entièrement centré sur l'Être universel, éliminant totalement le négatif et la réflexion sur la tristesse et la mort. Le sage est celui qui communie avec Dieu - compris simplement comme la totalité de la nature et des choses - qui s'ouvre donc tout entier à la pensée de la Vie universelle. Il médite sur l'Esprit conçu comme l'Universel et ne peut donc se placer du point de vue de la particularité.
Philosopher c'est, disait Gratry, « chercher l'essentiel inaperçu «, rompre par l'effort de réflexion avec l'attitude naturelle de dispersion et de divertissement qui nous fait prisonniers du futile et de l'accessoire. Seulement où est l'essentiel et où est l'accessoire ? L'essentiel est-il cette vie que nous laissons échapper sans la goûter profondément ni l'utiliser pleinement ou bien l'essentiel est-il la mort à laquelle nous pensons d'ordinaire si peu ? La lucidité philosophique sera-t-elle méditation de la mort, ou au contraire dédain de la mort et pleine conscience de la vie ? Spinoza opte nettement pour la seconde alternative : « La philosophie est une méditation de la vie, non de la mort «. Qu'en faut-il penser ?

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« agir en fonction de cet effort d'intellection.Que désigne, maintenant, le mot de méditation ? La méditation est proche de la réflexion, donc de l'acte par lequell'esprit se penche en lui-même et s'étudie.

Mais ce ne sont pas des opérations identiques.

La méditation fait jaillirdes problèmes un élément très général, humain, quasi universel.

Le terme de méditation a même parfois uneconnotation quasi religieuse : l'universel atteint par cette approche, n'est-ce pas Dieu (conçu comme élémentimmanent ou transcendant à l'univers) ? Par la méditation, l'homme participe à l'universel, il méprise la contingence,la particularité, il saisit la plénitude même de la vie de l'esprit.Mais pourquoi la sagesse, c'est-à-dire l'activité de la raison qui me permet d'agir pratiquement et d'unifier monexistence, serait-elle une méditation de la vie, et non point de la mort? Notons d'emblée que l'idée de la mort ne sedonne nullement à moi dans l'évidence de la réflexion.

La mort est, en effet, une irréalité.

Comment la définirons-nous? Comme décès, fin de la vie? Nous savons bien qu'ils ne représentent pas vraiment l'idée profonde de mort.

Lephénomène biologique en tant que tel me renvoie au mystère de la mort.

Ici, nous butons contre une réalitéimpénétrable.

La mort est en effet un objet devant lequel glisse, impuissante, ma pensée.

Si je cesse de me tournervers l'idée biologique de la mort pour tenter d'appréhender son contenu propre, je trouve alors un rien qui échappetotalement à ma pensée.

La mort est donc une pure irréalité ! Je puis, à la rigueur, penser la mort de l'Autre, nonpoint la mienne.

L'idée de la mort est donc irréelle, négative, partielle.

Pourquoi méditerions-nous sur une idéeconfuse et irréelle ? En d'autres termes, la méditation de la mort ne débouche que sur un rien, un nihil.

La sagessene peut donc être une méditation de la mort.Ajoutons que l'idée de la mort est liée à une tristesse.

Par conséquent, en tant que tristesse, elle réduit notrepuissance d'agir, notre épanouissement, notre « explosion vitale ».

Dès lors, ne faut-il pas exclure de notreméditation ce qui porte atteinte à notre effort naturel pour vivre et se conserver, à notre dynamisme au sens le plusriche et le plus positif du terme?Ainsi, la sagesse ne semble pas être une méditation sur la mort, mais bien sur la vie.

Qu'est-ce en effet que la vie ?Elle représente cette force par laquelle toutes les choses persévèrent dans leur être, ce dynamisme de l'existence,ce « souffle » immanent à toute la structure du réel.

Alors que la mort est négative, irréelle, impénétrable, la vie,c'est l'être sous son aspect dynamique.

Alors que la méditation de la mort est liée à la tristesse, celle de la viedébouche sur la joie, car il y a de la joie à appréhender le dynamisme même de l'esprit.

Ce qui semble essentiel àl'homme qui tente de vivre de façon rationnelle, c'est la réflexion sur l'élément actif de notre être.Telle se présente la démonstration de la thèse : le sage ne médite pas sur le négatif de la mort, mais bien sur lepositif de la vie dont il saisit le caractère universel, par opposition à la mort, qui renvoie seulement au particulier.

Lapensée de la mort est inséparable d'une vision, non seulement négative, mais aussi égoïste des choses, privilégiantle moi particulier, au lieu de se diriger vers l'universel, vers la vérité de l'esprit qui ordonne le monde.Il n'est donc nulle raison de méditer sur la mort.

Il semble bien que la sagesse puisse répudier de son champ réflexifle contenu existentiel de la mort. 2.

La critique de la thèse.

L'antithèse La thèse précédente n'est ni sans grandeurs ni sans mérites.

Elle donne à voir un type de méditation entièrementcentré sur l'Être universel, éliminant totalement le négatif et la réflexion sur la tristesse et la mort.

Le sage est celuiqui communie avec Dieu — compris simplement comme la totalité de la nature et des choses — qui s'ouvre donctout entier à la pensée de la Vie universelle.

Il médite sur l'Esprit conçu comme l'Universel et ne peut donc se placerdu point de vue de la particularité.

La mort ne peut, en effet, concerner que l'aspect particulier de notre moi,puisque l'universel demeure.

Or, le sage ne se préoccupe pas du particulier, hic et nunc, ici et maintenant.

Notons labeauté d'une conception qui méprise la contingence et la particularité, c'est-à-dire ce qui meurt, et qui considèreque la vie authentiquement humaine est celle qui est Esprit !Mais ce type de pensée est, par là même, affecté de cécité à l'égard de tout ce qui concerne l'individualitéhumaine.

A vrai dire, il se place du point de vue de Dieu, du point de vue de la Substance suprême, et non du pointde vue de l'individualité.

Certes, si je me situe dans la perspective de la Substance éternelle, ma mort — à moiindividu subjectif — n'est qu'un accident qui laisse intact et immaculé le tout de l'Esprit.

Mais, précisément, je nesuis pas seulement un accident de la Substance, un mode de l'Esprit éternel, je suis aussi, et avant tout, uneindividualité engagée dans l'existence, un moi particulier, un projet incarné dans le monde et non point un mode del'Être.

Je meurs, c'est ce je fini qui m'intéresse !Dès lors, pour celui qui s'attache avant tout au projet particulier de l'homme engagé dans sa propre aventureindividuelle, la liquidation ontologique de la mort semble dépourvue de sens.

La sagesse ne saurait donc être une méditation de la vie à l'exclusion de la mort.

La mort n'est pas seulement ce négatif dont parle Spinoza.

Pourl'homme engagé dans le temps et la durée, elle recèle peut-être une signification bien précise.

La mort n'est-elle pasune réalité s'inscrivant dans notre expérience temporelle, dans notre mouvement même de transcendance ? Loind'être le pur négatif de Spinoza, loin d'être seulement le moment terminal et le décès (thèse du sens commun), ellesemble bien pouvoir être décelée au coeur même de notre être, et dans l'ossature de notre individualité.

Le grandpoète Rainer Maria Rilke a exprimé cette présence perpétuelle de la mort, compagne de l'homme dès sa naissance.Elle est une forme qui structure notre vie et l'accompagne : « Car nous ne sommes que l'écorce, que la feuille, maisle fruit qui est au centre de tout, c'est la grande mort que chacun porte en soi » (R.

M.

Rilke, Le livre de la pauvretéet de la mort).Ainsi, pour celui qui refuse une ontologie de type spinoziste, ontologie éliminant toute pensée concrète de la mort etdu négatif, la méditation de la mort semble s'imposer, dans la mesure où elle représente une structure inscrite dansle fil de notre vie.

A la limite, voici la sagesse reprenant, pour le philosophe soucieux d'existence concrète, sasignification (antique) de méditation de la mort.

Sans la mort, il serait, à la limite, difficile ou même impossible dephilosopher, puisque la mort est innée à la vie dès la naissance.

Comment ne pas réfléchir sur l'ossature même denotre existence ? Le sage est celui qui est conscient de sa propre finitude et de sa mort.

La mort est la forme même. »

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