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Peut-on apprendre à penser ?

Publié le 08/01/2004

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Leibniz écrit : « Il est manifeste que si l'on pouvait trouver des caractères ou signes propres à exprimer toutes nos pensées, aussi nettement et exactement que l'arithmétique exprime les nombres, on pourrait faire en toutes les matières en tant qu'elles sont sujettes au raisonnement tout ce qu'on peut faire en arithmétique et en géométrie ». On le constate donc l'expression « apprendre à penser » est le lieu d'une controverse dans l'histoire de la philosophie entre Descartes et Leibniz, pour qui la définition même du mot « méthode » relativement à cet « apprendre à penser » est tendu entre l'apprentissage technique et la conversion de l'esprit. Cette tension de l'apprentissage dans ce « dialogue » entre Descartes et Leibniz soulève donc la question de savoir si l' « apprendre à penser » renvoie à une histoire ou à un développement. On comprend désormais la signification des attaques de Hegel contre le calculemus leibnizien, contre l'extériorité du calcul en général, et la nécessité, pour apprendre à penser de ne réduire en aucun cas le penser à un art de bien raisonner, à une limitation par un être extérieur auquel la pensée s'appliquerait. Ce que Hegel critique donc dans la conception leibnizienne de l'apprendre à penser, c'est qu'elle ne présente du « penser » qu'une conception technicienne, l'objet d'un véritable « apprendre » se confirmant lui-même en tant que tel par son inscription dans une « histoire », voire dans un progrès. Pour Hegel, inscrire l'apprendre à penser dans une histoire ne peut se faire qu'au prix d'une « dérivation » de l'acte de penser dans l'acte de connaître ou de raisonner. Or, l'acte d'apprendre se confond en quelque sorte avec le penser lui-même, ou plutôt apprendre est le processus même de la pensée en devenir. Si bien qu'on ne peut séparer l'acte de pensée et l'acte d'apprendre comme si ce dernier précédait la pensée en tant que telle. Si l'apprendre à penser ne renvoie pas à une histoire, c'est qu'il est plutôt de l'ordre d'un développement : il ne s'agit pas seulement dans l'apprendre à penser d'appliquer à une représentation la forme d'un savoir ou d'un jugement, mais de manifester ce qui rend raison de tout jugement, et qui est toujours déjà là, d'aucun temps ni d'aucune époque. Soit un exemple : efforçons-nous de penser la liberté, c'est-à-dire de dépasser les diverses représentations ou les divers jugements que nous pourrions en former.

« demandé.

Ce code vous coûtera 1,80 euros). Contrairement à l'opinion, pour qui ces deux verbes « apprendre » et « penser » sont incompatibles, la philosophie,tout au long de son histoire, revendique la sauvegarde du « métier » de penser.

Ainsi Hegel dans l'introduction à sonEncyclopédie, renoue avec Platon pour marquer l'importance du métier en philosophie dénonce une double illusiondans le refus d'un « apprendre à penser » : « On accorde, écrit-il, que pour confectionner un soulier, il faut l'avoirappris et s'être exercé, bien que chaque homme disposant d'un pied, en possède la mesure et grâce à des mains,l'habileté naturelle pour ce métier.

Ce n'est qu'en philosophie, pense-t-on, que des études et des efforts ne sontpas indispensables.

» Dès lors, on peut légitimement se poser la question : apprend-on à penser ? Ne faut-il pasradicaliser le paradoxe propre à cette question ? S'il n'y a de véritable apprendre que l'apprendre à penser, car on nepense que des pensées et non des imaginations ou des représentations intellectuelles, alors apprendre, n'est-ce pasvéritablement développer par soi-même ce qui est en soi-même, et non être soumis à l'instruction d'un maître, ou àla contrainte d'une opinion ? Quand on demande à un l'homme de la rue s'il faut apprendre à penser, on entend dans la majeure partie des casque cela est inutile car la pensée est une chose innée dont l'homme est naturellement accompagné dès sanaissance.

Cependant cette opinion est aux premiers abords contestable car elle n'envisage la pensée que commeun tout qui n'est pas susceptible de distinctions.

Or, il est nécessaire de distinguer deux sortes de pensée : lapensée en tant que sensation ou sentiment, et la pensée en tant que réflexion.

C'est principalement la penséeréfléchie, qui constitue la pensée au sens strict, que nous allons traiter.

En effet, la pensée, sensation ou émotion,semble être innée et ne pas s'apprendre à proprement parler, même si toute sensation est toujours relativementconstruite.

Pour cela, prenons l'exemple le plus anodin du bébé : il a spontanément un sentiment de bien-être ou demalaise ; il semble sujet à certaines émotions telles la gaieté, qu'il exprime par le rire ; quand on l'éloigne de samère, il pleure car il se sent mal à l'aise.

Cette pensée sensation n'est pas spécifique à l'homme, elle est commune àlui et à l'animal.

En revanche, la pensée réflexion est propre à l'homme (opposition à l'animal).

La pensée réflexionest la faculté intellectuelle ayant pour objet la connaissance : le fait de penser implique la production d'idées, dejugements.

La pensée, c'est l'activité de l'esprit qui nous permet de comprendre.La question qui se pose est de savoir si l'homme, à l'origine (dans toute sa première enfance), est réellement démunid'une telle pensée.

Or les études menées sur le développement de l'intelligence chez l'enfant, on pensera aupsychologue Jean Piaget, ont prouvé que la pensée abstraite de l'homme adulte constituait l'aboutissement d'unprocessus d'acquisition s'effectuant en cinq étapes : la pensée sensori-motrice (jusqu'à l'âge de deux ans) oùl'enfant acquiert l'idée de la permanence des objets - la pensée pré-opératoire (de deux à quatre ans) où l'enfantutilise le langage, mais où il ne sépare pas son moi du monde extérieur, où il n'a pas conscience de lui - la penséeintuitive (de quatre à sept ans) où l'enfant voit le monde de manière purement pragmatique et à travers ses qualités- les pensées des opérations concrètes (de sept à onze ans) où l'enfant est capable d'abstraire et de penserlogiquement.

Il apparaît donc que la pensée, du moins conceptuelle, n'est pas innée, mais qu'elle est le fruit d'undéveloppement progressif.On peut cependant se demander si ce développement est ou non un apprentissage, c'est-à-dire si le passage d'unstade de la pensée à l'autre se fait de manière naturelle et spontanée, ou s'il dépend d'une éducation.

Il serait alorsfructueux d'analyser le cas des enfants sauvages, et de mettre en parallèle leur développement avec celui d'unenfant dit normal. L'enfant sauvage est un enfants qui dès sa naissance, ou peu après, a été abandonné à lui-même dans la nature etparfois adopté et élevé par des bêtes sauvages, par exemple des loups.

Au 19eme siècle, un enfant sauvaged'environ 10 ans a été découvert dans l'Aveyron et observé par le médecin J.

Itard.

Il se montrait indifférent à toutet incapable d'une attention soutenue.

Il était dépourvu de mémoire, de jugement et avait une intelligence trèsbornée, à tem point qu'il ne pensait pas à monter sur une chaise pour atteindre un aliment qu'on élevait hors de saportée.

L'existence de cet enfant sauvage se réduisait à une vie totalement animale.

Cependant, un enfant dumême âge, normalement élevé parmi et par ses semblables, à un comportement totalement différent.

Nous pouvonsdonc en conclure que l'éducation au sens large joue un rôle capital dans le développement de l'être humain et de sapensée.

En effet l'éducation ne se limite pas à l'éducation scolaire, elle commence par l'éducation familiale, et mêmepar la simple relation interindividuelle : c'est la rencontre avec autrui qui permet de développer et d'enrichir lapensée d'un être.

L'acquisition du langage, qui permet la communication et le dialogue avec l'autre joue un rôlecapital.Ainsi, l'enfant ne devient d'une certaine manière que ce qu'on le fait être : un être pensant chez qui l'éducationéveille en lui son être en lui enseignant à penser.

Mais paradoxalement enseigner à penser ne conduit-il pas àempêcher de penser, ou du moins selon une certaine limite ? La pensée ne serait-elle pas parfaitement libre ?L'éducation ne mènerait-elle pas à un certain conditionnement ? De la sorte, en apprenant à penser l'enfant apprendégalement des pensées : ses idées ne sont donc pas a lui, mais celles qu'on lui a inculquées.

L'enfant reçoit ainsipar son éducation des idées et des concepts qui se combinent dans son esprit et constitueront sa pensée.

Il y auradonc, en fonction des éducations différentes, des pensées et des modes de pensée différents.

La pensée asiatique,par exemple, différera de la pensée française, et, à l'intérieur d'une même civilisation, la pensée différera d'uneclasse ou d'un groupe social à un autre.

Imaginons deux ouvriers à qui on fournirait des matériaux et des outils pourconstruire un objet de leur choix : chacun d'eux ne construira pas forcément le même objet, en raison desdifférentes pensées, idées et matériaux qu'on leur a fournis.

En principe, chacun se sert de sa pensée comme ill'entend, toutefois, il se trouve limité par son éducation : il se servira de son outil, donc de sa pensée, comme on luiaura appris à s'en servir.

C'est là le conditionnement de l'esprit.

Ce conditionnement peut revêtir des formesspectaculaires.

Prenons l'exemple du nazisme : à travers la propagande gouvernementale, la population allemandedans sa nouvelle majorité fut conditionnée en sorte qu'elle « pensât » en conformité avec les orientations. »

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