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Peut-on avoir confiance en sa conscience ?

Publié le 09/12/2005

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conscience
Un principe de jugementComme l'indique le langage courant, être conscient de quelque chose signifie que nous en avons une connaissance. Scientia veut dire savoir et le préfixe cum ajoute l'idée d'une relation au sein d'une communauté. Le marxisme parle d'une « conscience de classe » pour définir la pensée partagée par tous les membres d'un même groupe socio-économique. Dans la tradition chrétienne, où ce terme s'est élaboré, ce registre correspond à la vie privée de chaque individu. Le secret est ce savoir que l'on ne partage qu'avec soi et que nul ne doit tenter de forcer. Les luttes pour la tolérance mettent ainsi en avant la valeur sacrée du for intérieur, ce lieu intime entre tous, dans lequel l'individu se ressource pour délibérer dans les moments cruciaux. Victor Hugo en a donné une image saisissante dans Les Misérables en parlant de « tempête sous un crâne ». Jean Valjean hésite toute la nuit pour savoir s'il ira à Arras se dénoncer et sauver un homme que la justice prend pour lui. Hugo décrit la vie intérieure comme un abîme sans fond, un infini que chacun porte en soi. Que dois-je faire ?

La conscience est une notion à plusieurs dimensions. Elle concerne, d'une façon générale, le fait de savoir. Son premier sens signifie d'ailleurs être averti. La résonance morale de ce verbe est essentielle et ne nous surprend pas. Nous invoquons notre conscience comme un principe de jugement capable de trancher dans différentes situations. Elle est alors comparée à une lumière qui guide en montrant la voie à prendre. Ce pouvoir est même devenu un droit subjectif à travers l'idée de la liberté de conscience. Ainsi, demander si nous devons nous méfier des avis rendus au nom cette autorité est une question troublante. Elle insinue le doute dans un domaine qui paraît préservé. Cette question ne manque toutefois pas de raisons. L'expérience montre que la sincérité ne met pas forcément à l'abri de l'illusion. Il faut expliquer ce phénomène, sans oublier de réfléchir aux leçons à en tirer. La méfiance doit-elle entraîner le rejet ? S'agirait-il de perdre la conscience pour se trouver ? Quel autre principe pourrait s'y substituer ?

conscience

« Le cas de l'ivresse est frappant mais sa portée est plus générale.

Chacun de nous est opaque à lui-même.

Pourquoine le voyons-nous pas aisément ? Freud répond à cette question en soulignant la puissance du narcissisme.

Le moiest conduit à se valoriser excessivement afin que notre identité personnelle se constitue.

Ce phénomène condamnela conscience à n'être qu'une activité dérivée, seconde, dont la critique est requise pour parvenir à la lucidité.

Unephrase célèbre de Freud affirme que le « moi n'est pas maître dans sa propre maison.

» La connaissance de soidemande que l'on reconnaisse le rôle fondamental des représentations inconscientes mais notre amour-propre s'yoppose.

Freud le compare à un monarque qui s'imagine être informé de tout ce qui se passe dans son pays sur la foides rapports de ses proches conseillers.

Cette métaphore politique est éclairante.

Le moi se prend pour un roi, ils'imagine commander souverainement quand il ne fait qu'accompagner des directions de pensée dont l'origine luiéchappe.

L'étude de l'hystérie prouve que le sujet est en proie à des idées qui le mettent en conflit avec le réel etdont il n'a pas la maîtrise.

La réalité des symptômes oblige à rabaisser notre orgueil et à reconnaître que l'identité dechacun est le produit d'une histoire s'enracinant dans un passé lointain.

Ainsi, la conscience de soi est le premierobstacle à vaincre pour parvenir à se connaître.

Elle ne serait qu'une émanation de notre narcissisme primitif. [Transition] Les analyses freudiennes ouvrent un champ de réflexion que les sciences sociales travaillent aussi à leur façon.

Ilsemble bien que nous devions aller vers une destitution radicale des prétentions de la conscience. 3.

Conscience et réflexion A.

Faut-il destituer la conscience individuelle ? Marx affirme que « ce n'est pas la conscience qui détermine la vie mais la viequi détermine la conscience ».

Cela signifie que notre individualité n'est envérité que le produit des relations sociales et économiques dans lesquellesnous avons grandi et qui nous ont formés.

Nous n'existons qu'en société etnous sommes toujours marqués par les moeurs de notre époque.

Lesociologue Émile Durkheim parle de « faits sociaux » pour désigner leshabitudes collectives qui imprègnent les consciences individuelles et dontelles ne s'aperçoivent pas plus que du poids de l'air.

Ainsi, notre vie intérieuren'est pas un refuge inviolable mais le résultat d'un processus d'intériorisationdes valeurs transmises par l'éducation et le monde ambiant.

Un autresociologue, Pierre Bourdieu, reproche violemment aux philosophes de laconscience, comme Sartre, de maintenir un voile d'illusion sur la réalité desconditionnements sociaux.

L'appel à la conscience de soi serait ainsi lameilleure façon de bloquer la possibilité d'une libération réelle.

Laméconnaissance des mécanismes institutionnels engendrant des inégalités estd'autant plus forte que l'on n'en souffre pas.

Un individu diplômé tend à croireque sa réussite ne dépend pas de facteurs qui dépassent son cas unique.Bourdieu vise particulièrement les intellectuels qu'il accuse d'ignorer lesconditions objectives de l'exercice de leur métier.

Même si leur bonne foi n'estpas feinte, cette sincérité devient le masque dont l'apparence moraleempêche de connaître la vérité. A l'origine, la conscience ne se porte que sur l'environnement immédiat.

Elle est conscience que la nature est unepuissance hostile et redoutable, qu'il faut discipliner si l'on veut y survivre.

Elle produit en même temps les premièresreligions de la nature, vénérant ce qui la dépasse.

Très tôt, elle se fait sociale, pressentant la nécessité d'entrer enrapport avec d'autres consciences afin d'organiser le travail.

La conscience sociale est donc primitive : j'ai besoindes autres pour vivre biologiquement.

Avec le développement de la vie sociale et économique, des échanges, dessatisfactions, des besoins, la conscience s'affine dans la perception d'elle-même, d'autrui et de la nature.

La divisionsociale du travail va introduire dans son progrès des différences de plus en plus importantes entre les consciences.Les classes vouées au travail matériel restent en rapport étroit avec la nature et ses nécessités, tandis que lesclasses possédantes et propriétaires pourront développer librement les activités de la culture dans le loisir.

Laculture de l'esprit n'a donc pu apparaître qu'à la suite de cette division du travail, où l'existence matérielle des unsest garantie par l'exploitation de la force de travail physique des autres. B.

Pour une philosophie de la réflexion La leçon de la sociologie et de la psychanalyse est claire : il ne faut pas se fier à la conscience qu'un individu a deson histoire personnelle ou de son statut.

La technique freudienne de l'interprétation est un décodage qui faitapparaître un sens caché.

La conscience saisit les premières manifestations de nos pensés mais celles-ci présententla vérité dans une forme méconnaissable.

Connaître c'est déchiffrer.Cette théorisation signe-t-elle la fin de tout crédit à donner à notre conscience ? Une étude plus attentive montreque la situation est plus complexe.

Dans l'ouvrage qu'il consacre à Freud, Paul Ricoeur prend acte de la portée de lapsychanalyse mais invite à distinguer conscience immédiate et conscience médiate. Le narcissisme mène à la méfiance systématique à l'égard de nos premières représentations mais cette critiqueouvre la voie à une discipline de la réflexion.

La conscience immédiate est déboutée de ses prétentions à dire la. »

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