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Peut-on avoir le droit de mentir ?

Publié le 09/04/2004

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Car il nuit toujours à autrui : même si ce n'est pas à un autre homme, c'est à l'humanité en général, puisqu'il disqualifie la source du droit. Si l'illusion est la réalisation hallucinée d'un désir, on comprend qu'elle puisse aider à vivre : une espérance illusoire ne vaut-elle pas mieux qu'une vérité désespérante ? Plus : n'existe-t-il pas des vérités nuisibles ? Ces interrogations posent un problème moral: n'y a-t-il pas des circonstances qui légitiment le droit de mentir ? En répondant à cette question, Kant s'oppose au philosophe français Benjamin Constant. La position de Benjamin Constant est la suivante : il serait absurde d'affirmer que la vérité est toujours moralement exigible. Le mensonge est légitime quand il vise à éviter de nuire à autrui (« nul homme n'a droit à la vérité qui nuit à autrui «).La réponse de Kant est la suivante :1. Il vaut mieux parler ici de véracité que de vérité : la question n'est pas de savoir si on doit dire la vérité mais si on doit dire ce que l'on croit être la vérité. Je puis me tromper ; mais puis-je tromper ?

L’une des toutes premières choses que l’on apprend aux petits enfants est qu’il ne faut pas mentir. « C’est mal de mentir «, dit-on. Autrement dit, dés son plus jeune âge, la morale a retiré à l’homme le droit de mentir, ou encore elle lui a retiré la liberté, bien qu’il se l’approprie, souvent de dire ce qui n’est pas, ce qui ne correspond pas à la vérité. Ainsi le droit consiste à disposer d’une liberté, comme c’est le cas dans le droit d’expression. On sait que la morale, (comme la justice), réprouve le mensonge. Mais on sait aussi qu’elle se tient au rang des principes les plus généraux de l’action humaine, et qu’il y a souvent un large écart entre le principe et son application, entre la théorie et la pratique. Cet écart est si important qu’il pourrait inciter à reconnaître aux hommes dans certaines occasions particulières un droit de mentir. Mais peut-on avoir le droit de mentir ? Qui pourrait détenir un tel droit ? Au-delà de ces questions, l’enjeu consiste à articuler le principe universel de morale aux particularités des situations. Doit-on toujours respecter un principe moral, même lorsque celui-ci devient impraticable ou invivable ? Par-delà, la vérité est-elle la plus importante de toutes les valeurs humaines, celle devant laquelle toutes les autres valeurs doivent se plier, voire se sacrifier ? La problématique commune à ces différentes interrogations est la suivante : Y a-t-il des limites au devoir de dire le vrai et quelles sont-elles ? La vérité est-elle toujours moralement exigible ? Dans cette optique, nous commencerons par analyser le devoir moral de vérité avant de lui opposer certaines objections et de le nuancer puis de faire apparaître des domaines où vérité et morale ne sont pas des normes suprêmes à respecter.  

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« Si l'illusion est la réalisation hallucinée d'un désir, on comprend qu'elle puisse aider à vivre : une espérance illusoirene vaut-elle pas mieux qu'une vérité désespérante ? Plus : n'existe-t-il pas des vérités nuisibles ? Ces interrogationsposent un problème moral: n'y a-t-il pas des circonstances qui légitiment le droit de mentir ? En répondant à cettequestion, Kant s'oppose au philosophe français Benjamin Constant. La position de Benjamin Constant est la suivante : il serait absurde d'affirmer que la vérité est toujours moralementexigible.

Le mensonge est légitime quand il vise à éviter de nuire à autrui (« nul homme n'a droit à la vérité qui nuit àautrui »).La réponse de Kant est la suivante :1.

Il vaut mieux parler ici de véracité que de vérité : la question n'est pas de savoir si on doit dire la vérité mais sion doit dire ce que l'on croit être la vérité.

Je puis me tromper ; mais puis-je tromper ? 2.

Or la véracité est un devoir universel, car elle est source du droit : ériger en principe la possibilité d'une faussedéclaration ou d'une fausse promesse ruinerait les engagements et les contrats réciproques entre les hommes. 3.

Le mensonge nuit donc toujours : sinon à un particulier, au moins à l'humanité en général.

Il faut bien comprendreici que pour Kant, les conséquences particulières d'une vérité dite relèvent du fait, et sont toujours, en bien commeen mal, imprévisibles et contingentes.

On ne saurait donc s'en autoriser pour une justification morale du mensonge.Celle-ci est, dans l'ordre du droit, impossible. A) Moralité du devoir et responsabilité. La morale du devoir ordonne simplement : fais ce que tu dois, et, de son point de vue, on doit faire son devoir sans se préoccuper de ce que les autres sont susceptibles de faire.

Advienne que pourra ! or, le fait que lemal puisse résulter du bien et le bien du mal est une réalité.

On peut se demander, dès lors, si l'homme deconviction, qui agit toujours par devoir indépendamment des circonstances, n'est pas irresponsable et s'il ne fautpas subordonner toute règle morale à la considération des conséquences de son application.

L'homme deresponsabilité ne réfléchit-il pas, avant de prendre une décision, au bien ou au mal qu'il pourrait produire ? Supposons que des assassins me demandent si mon ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans ma maison et queje ne puisse éviter de répondre par oui ou par non.

Dois-je me soumettre inconditionnellement à l'interdiction dementir ? Ce cas invoqué par Benjamin Constant semble ruiner toute prétention à poser des principes supposés valoirtoujours et partout.

Au rigorisme kantien s'opposerait l'impossibilité d'ériger le devoir de véracité en principeinconditionné, sous peine de favoriser les assassins.

Une petite entorse au devoir de véracité ne se justifie-t-ellepas relativement à la fin poursuivie ? Mieux, n'avons-nous pas, en pareil cas, des raisons morales de mentir ? Nefaut-il donc pas admettre qu'il n'y a pas une seule et unique source de valeur morale, mais plusieurs ? Ne faut-il pasdistinguer deux positions morales : l'une que l'on peut qualifier de « déontologique » (respect des règles), l'autre de « conséquentialiste » (considérer le plus grand bien comme motif de nos décisions) ? B) La fin ne justifie pas les moyens. A Constant qui affirme un droit naturel de mentir par humanité, Kant répond que la véracité dans des déclarations qu'on ne peut éviter « est un devoir formel de l'homme à l'égard de chacun, quelle que soit l'importance du dommage qui peut en résulter pour lui ou pour un autre » (« Sur un prétendu droit de mentir »).

L'homme qui ment fait en sorte qu'aucune déclaration n'ait de crédit.

Ainsi il porte atteinte à la finalité interne de communicabilité et fait perdre à tous les droits, qui sont fondés sur des contrats, leurforce.

Même si le mensonge ne nuit pas à un homme particulier, il nuit à l'humanité en général.

A quoi il fautajouter qu'on ne peut jamais prévoir les conséquences de ses actes. Supposons, par exemple, que mon ami, voyant les assassins diriger leurs pas vers la maison, décide de s'enfuir à mon insu.

En affirmant qu'il est sorti alors que je le crois à l'intérieur de la maison, j'exprime lecontraire de ce que je pense, mais je dis la vérité ce qui est.

Mon mensonge « bienveillant » peut ainsi mettre les assassins sur les traces de mon ami et être cause de sa mort.

Mais suis-je vraimentresponsable ? le meurtre de cet homme n'est-il pas la faute des meurtriers ? Le fait que l'accomplissement d'un devoir en entraîne des conséquences désastreuses n'est-il pas imputable à quelqu'un d'autre ? Le « conséquentialiste » objectera qu'on ne peut pas toujours rester « les mains propres », qu'il y a des circonstances extraordinaires où nous sommes certains que le respect d'une exigence « déontologique » aurait de graves conséquences.

On peut admettre cette objection et soutenir qu'en pareil cas nous pouvonsêtre forcés à agir autrement que mus par cette exigence.

Mais faut-il pour autant accorder une valeurmorale à un tel acte ? autrement dit, peut-on affirmer qu'il peut être moral de mentir, voire de tuer , Si je tueun homme pour en sauver dix, puis-je pour autant affirmer que le meurtre peut avoir une valeur morale ?N'aurais-je pas, en pareil cas, conscience d'avoir transgressé la loi morale ? N'éprouverais-je pas quelque partdu remords, en me demandant, par exemple, si je n'aurais pas pu éviter un tel acte ? car, au fond, ne faut-il pas reconnaître, avec Kant , que toute morale qui prétend justifier les moyens au nom des fins, en vient à anéantie ce qui, dans ces fins, peut justifier les moyens ? le devoir reste le devoir .. »

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