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Peut-il y avoir un jugement sans croyance ?

Publié le 01/03/2004

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Or chaque fois que j'admets comme vraie une chose que je ne connais pas assez bien, je prends le risque de tenir pour vraie une chose fausse, puisque, ne la connaissant pas bien, j'ignore si en réalité elle est vraie ou fausse. Explication. Mais qu'est-ce que bien connaître ? C'est connaître distinctement. Ce mot, qui d'ordinaire s'emploie pour qualifier une perception, indique que bien connaître quelque chose, c'est en saisir les éléments les uns à part des autres et sans en laisser de côté. Connaître distinctement, c'est avoir à l'esprit tous ce que compte une chose sur laquelle on peut avoir à se prononcer. Lorsque ce savoir n'est pas distinct, je peux très bien librement me prononcer, mais alors avec le risque de me tromper. Il n'est en effet jamais nécessaire à notre volonté, à notre pouvoir d'affirmer ou de nier une chose d'attendre que nous aillions atteint la connaissance la plus distincte possible avant de trancher. Puisque cet acte est libre, il peut intervenir à n'importe quel moment. Et donc sans qu'il soit parfaitement sûr.

« Le jugement est une croyance La pensée empiriste anglaise distinguera avec insistance vérités logiques et propositions induites de l'expérience.

Hume analyse ainsi ce qui sépare relations d'idées et relations de faits : sil'opération « 2+2=4 » n'exige nul recours à l'expérience, l'affirmation « le soleil se lèvera demain » ne peut être proférée queparce que j'ai l'expérience quotidienne de la levée du soleil.

Laproposition contraire n'est ici nullement contradictoire sur le planlogique, comme le serait « 2+2+5 ».

C'est un recours aux faits, non le jeu d'une opération purement rationnelle, qui établit la vérité.

Qu'enest-il alors de son universalité ? Comment prouver qu'il n'y aura pasun matin où le jour ne se lèvera pas ? Questions qui ont pour effet defragiliser la valeur rationnelle des propositions scientifiques.

A côtédes sciences de pure raison, les plus nombreuses sont relatives à desfaits.

Celles-ci, parce qu'elles ne relèvent pas de la pure logique, nepeuvent pas être démontrées : « Le contraire d'un fait quelconque est toujours possible, car il n'implique pas contradiction et l'esprit le conçoit aussi facilement et aussi directement que s'il concordait pleinement avec la réalité. » Hume montre donc que l'induction ne conduit pas à une opération intuitive : le moyen terme sous-entendu ( cela se passera toujours comme cela s'est passé ) n'est pas une évidence logique.

Il faut que l'esprit induisant que « le pain m'ayant nourri hier il me nourrira demain » fasse un saut ne relevant pas de la logique.

Or l'induction est indispensable dès qu'on a affaire à des relations de faits.

Aussi les vérités empiriques ne sont-elles nullement nécessaires : outrequ'il peut y avoir des inférences fausses, parce ce qu'on n'a pas encore rencontré le contre-exemple quiles démentira, il n'existe aucun moyen de démontrer absolument, par la pure logique, que la conclusiond'une induction est nécessairement vraie.

Du point de vue de la logique, elle ne lest pas.

Si l'on s'en tenaitlà, il faudrait en conclure que les sciences de faits, même si elles sont provisoirement acceptables,demeurent en partie incertaines.

Elles reposent, au mieux, sur de hautes probabilités. Supposons avec Russell , une dinde consciencieusement inductiviste amenée un beau jour dans une ferme d'élevage.

Le premier jour, on la nourrit à 9 heures du matin.

Rigoureuse, elle note l'énoncéd'observation : « Tel jour X, j'ai été nourrie à 9 heures ».

Le second, idem...

Comme elle est scrupuleuse, elle fait varier les conditions expérimentales : qu'il neige ou qu'il fasse beau, que ce soit un homme ouune femme, on lui donne toujours à manger à 9 heures.

Elle se croit donc autorisée pour finir à énoncerle principe général : « On me donnera toujours à manger à 9 heures du matin ».

Le lendemain est le jour de Noël, et à 8 heures on lui coupe la tête. Logiquement, tous nos raisonnements inductifs sont exposés au même risque que celui de la pauvredinde, même si psychologiquement il n'en va pas de même, si nous avons souvent beaucoup de mal à nouspersuader de l'absence d'assurance de tels raisonnements et s'ils emportent avec eux une très fortecroyance.

En aucun cas ce n'est une certitude.

Rien ne me garantit que le prochain corbeau sera noir,que mon eau bouillira demain à 100° ou que le soleil se lèvera à nouveau.

Hume fut le premier à soulignerfortement qu'il n'y a aucune nécessité logique à ne pas concevoir le contraire , alors que dans unedéduction, en revanche, la conclusion est la conséquence nécessaire des prémisses. N'y a-t-il donc aucun moyen de soustraire l'induction à cette incertitude ? L'induction suppose unerègle : que les mêmes causes produisent les mêmes effets ou que le cours de la nature est uniforme,mais cette règle n'est que postulée.

Comment pourrait-on l'établir ? Le seul moyen possible prouver lavaleur du raisonnement inductif nous est donné dans un syllogisme du type : (a) Le cours de la nature est uniforme. (b) Or j'ai toujours constaté que tel objet a été accompagné de tel effet ou de telle propriété.. »

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