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Peut-on constituer une morale indépendante, pour ses principes et pour ses fins, de toute croyance et de tout postulat métaphysique

Publié le 25/01/2004

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morale

Toute morale est donc normative : par définition, elle indique ce qui doit être, comment il faut agir. Mais tout ensemble de règles de conduite n'est pas une morale constituée. Pour qu'une morale puisse être considérée comme constituée, ses éléments doivent former un tout cohérent dont les diverses parties se tiennent ensemble (cum stant) et qui repose sur une base solide. Pour cela elle doit répondre, dans ses détails et dans son ensemble, à tous les « pourquoi « qui peuvent être posés. Mais « pourquoi « a deux significations principales, correspondant aux deux grands principes directeurs de la connaissance rationnelle : « à cause de quoi « ? et « en vue de quoi « ? En répondant à la première de ces questions, le moraliste détermine les principes de la morale; en répondant à la seconde, il fixe ses fins. Il faut entendre ici par « principes « les données premières posées à la base du système dont elles justifient toutes les propositions sans avoir! besoin elles-mêmes d'être justifiées. Comme principes de la morale, voici les principaux qui ont été proposés : 1° la nature libre et raisonnable de l'homme, qui entraîne une dignité dont la sauvegarde mérite les plus grands sacrifices; 2° la société, être moral immense qui vaut bien le dévouement des pauvres individus que nous sommes; 3° enfin, Dieu, conçu soit comme le souverain maître de toutes choses, ayant le droit d'imposer ses volontés, soit comme la Raison souveraine, norme absolue de toutes les raisons et de toute activité raisonnable. En parlant des fins de la morale, on veut désigner le but auquel doit viser l'agent moral.

morale

« II.

Réponse à la question.

— A.

On ne saurait mettre en doute la possibilité de mener une vie morale indépendamment de croyances bien nettes et de thèses métaphysiques explicites.

Ils sont nombreux ceux qui ont lesens du bien et du devoir et vivent fort honnêtement sans professer aucune religion et sans s'être même posé lesproblèmes qui font l'objet des discussions métaphysiques.Mais des existences de ce genre ne sont moralement bonnes que par participation inconsciente à un système moralfondé sur des thèses métaphysiques ou religieuses.

Les honnêtes gens sans doctrine sont portés par le courantspirituel du milieu dans lequel ils baignent; par là ils se rattachent à une riche tradition doctrinale et religieuse, del'influence de laquelle ils ne peuvent prendre conscience, précisément parce qu'ils en ont plus intimement assimilé lesprincipes fondamentaux.

Qu'on les interroge sur les raisons de leur fidélité aux injonctions de leur conscience, et ilsen viendront à énoncer quelque proposition qui, dépassant le donné de l'expérience, exprimera soit une croyance,soit une thèse métaphysique.Si on rencontrait quelqu'un pour qui la morale est affaire de sentiment, étant posé en principe qu'un sentiment ne sediscute pas et n'a pas à se justifier, il serait facile de l'acculer soit à ébaucher une théorie métaphysique dusentiment considéré comme garant de la vérité, soit à se réfugier derrière une croyance qu'il lui paraît impie desoumettre à la critique.Consciente ou inconsciente, une doctrine métaphysique ou religieuse est donc à la base de toute vie morale, et lesceptique qui vit moralement est un dogmatique ou un croyant qui s'ignore. B.

D'ailleurs, il est ici question, non pas de la pratique, mais de la spéculation morale.

Or, si l'on peut, se rattachantà une morale déjà constituée, vivre moralement sans se préoccuper du fondement des règles de conduite admisescomme valables, il est impossible de constituer une morale, c'est-à-dire d'établir un édifice cohérent de préceptess'enchaînant logiquement, sans s'appuyer sur une théorie métaphysique ou sur une croyance. a) Tout d'abord, pour déterminer la valeur morale des différentes façons d'agir et établir le catalogue de ce qui estbien et de ce qui est mal, il faut nécessairement se référer à une norme.

Où trouver cette norme ? La religion lafournit à la masse, même à la masse incroyante qui, ayant rejeté les dogmes admis par ses ancêtres, a du moinsconservé quelque chose de leur idéal moral.

Cet idéal, les penseurs l'élaborent en réfléchissant sur la nature humaineet en déterminant ses caractères essentiels, bref, en faisant la métaphysique de l'homme; comment établir ce quiest bon pour nous, si nous ne savons pas au préalable ce que nous sommes ?b) En second lieu, la morale déterminant, non seulement ce qui est bien ou mal, mais encore ce qui est obligatoireou interdit, il est indispensable de recourir à la croyance religieuse ou à la métaphysique pour justifier l'obligation.En effet, pour être obligé, il faut être libre.

Or, la question de la liberté est essentiellement liée à celle de laspiritualité de l'âme, qui est indiscutablement une question métaphysique.

D'ailleurs, même si l'on admet la libertécomme un fait d'expérience, ce fait pose de graves problèmes, en particulier le problème de l'universalité du principede causalité qu'il semble battre en brèche, problèmes dont la solution dépend du métaphysicien.En second lieu, comme on ne peut pas s'obliger soi-même, le moraliste est nécessairement amené de fonderl'obligation sur une autorité supérieure au sujet de l'obligation.

Cette autorité transcendante qui peut obliger sanscontraindre, on ne peut pas la trouver en dehors de Dieu.

Or, il y a deux manières de connaître Dieu : la croyance àune révélation positive d'une part; de l'autre, les spéculations des métaphysiciens. C.

Nous avons supposé jusqu'ici que la morale se fondait soit sur la croyance, soit sur la métaphysique.

Mais, enréalité, la croyance religieuse, sur laquelle repose la morale, a des soubassements métaphysiques, et l'adhésion auxthèses métaphysiques postulées par la morale présente les caractères essentiels de la croyanceLa foi religieuse suppose résolus plusieurs problèmes essentiels de la métaphysique : valeur de la raison, existencede Dieu, spiritualité de l'âme humaine.

Par suite, la croyance ne peut fonder la morale que grâce à certains postulatsmétaphysiques qu'elle implique elle-même.Le métaphysicien, de son côté, s'appuie sur la seule raison, mais ses arguments sont trop délicats pour emporterl'adhésion de l'esprit aussi nécessairement que les raisonnements mathématiques; d'autre part, les conclusions deces arguments, ne pouvant être vérifiées expérimentalement, n'ont pas davantage la force de celles du physicien.Pour se rallier aux thèses métaphysiques qui fondent la morale, il faut être moralement disposé à les admettre etvouloir mettre fin aux hésitations : c'est dire que la croyance est impliquée dans les conceptions métaphysiques.C'est donc à la fois des croyances et des postulats métaphysiques qui sont requis à la base de tout système moralcohérent. CONCLUSION.

— La morale tient au plus intime de notre être : elle se fonde sur notre nature, et la connaissance des vérités capables de constituer ses principes et ses fins dépend de ce que nous sommes et valons moralement.

Ilest vain de chercher une morale s'imposant du dehors d'une manière indiscutable : la morale se constitue par lededans : il faut la chercher avec toute son âme.. »

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