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Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?

Publié le 29/10/2004

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  • Persuasion : désigne une adhésion ou une tentative de faire adhérer, fondée moins sur la raison que sur le sentiment et l'imagination.

 

La raison retourne en quelque sorte la vision naturelle des choses. Elle analyse l'envers du décor et elle rend compte de la structure des choses. La connaissance de ce discours rationnel forge ainsi les normes du vivre et de l'agir. Mais cette transformation qui s'opère en l'homme, qui élabore une critique et qui modifie le vécu, ne peut pas s'établir simplement. Que nous prenions le cas du chercheur apprenant à devenir de plus en plus, et de mieux en mieux, un savant, ou que nous observions le philosophe radicalisant sa pensée, nous voyons que la persuasion est nécessaire au début même de la démarche.

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« Introduction On attire souvent l'attention sur l'importance des conditionnements de tous ordres que véhicule la vie sociale.

Dansle domaine politique, notamment, le recours à la peur et la séduction démagogique sont fréquents.

Un langage derigueur, s'adressant à la capacité de raisonnement et de jugement de chacun, est alors vécu comme une véritablelibération.

Il faut bien constater, cependant, qu'un tel recours à la seule raison - idéal philosophique par excellence -est trop souvent tenu en échec.Est-il donc suffisant? Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ? Première partie : analyse du sujet Un rapide travail de définition est nécessaire.

Le discours rationnel se définit différentiellement, c'est-à-dire parrapport à d'autres types de discours (par exemple le discours purement affectif).

En fait, une telle définition doitporter à la fois sur la nature du discours rationnel et sur son objet, sa finalité (les deux points de vue étantindissociables).

Sollicitant la raison (entendue comme capacité de raisonnement, d'argumentation ordonnée), lediscours rationnel se distingue par un souci de rigueur, de cohérence, et s'efforce de rendre explicites tous leséléments qu'il mobilise dans l'argumentation qu'il produit.

Si le modèle a pu en être la démonstration mathématique,c'est que celle-ci fait valoir constamment toutes ces exigences (cf.

sur ce point Platon, Descartes, Leibniz, etc.).Persuader, c'est obtenir l'assentiment d'un interlocuteur donné, le porter à croire, voire à agir en fonction d'uneopinion devenue sienne.

En fait, s'il existe plusieurs façons de «mobiliser» un auditeur pour obtenir son assentiment,la persuasion semble se distinguer par une nuance particulière de sollicitation psychologique, d'incitation jouant plusou moins sur l'affectivité.

Ainsi, dans le sujet, le recours à la persuasion pourrait s'opposer de façon pertinente auseul recours à la raison, au seul discours rationnel.

La différence que présuppose le sujet entre les deux termesserait donc explicitée, du moins de façon générale.

On peut rappeler, pour préciser une telle différence, le propos dePascal au début de son opuscule L'Art de persuader : «L'art de persuader a un rapport nécessaire à la manière dontles hommes consentent à ce qu'on leur propose, et aux conditions des choses qu'on veut faire croire.» En fait, dansle langage courant, les frontières sémantiques entre persuader et convaincre sont sans doute beaucoup plus floues.Platon distinguait, pour sa part, au moins deux types de persuasion : celle qui est produite à l'aide de la science etcelle qui se passe de celle-ci et produit la croyance «sans la connaissance» (cf.

sur ce point le Gorgias).En réalité, la question peut-elle avoir un sens si l'on ne pose pas le problème de la visée du discours rationnel, et parconséquent aussi de sa réception ? Pour convaincre un auditeur, peut-on faire l'économie d'une certaine sollicitationde son attention et négliger totalement ses motivations? Ici, le voeu de faire valoir le rationnel et lui seul ne peuttotalement extrader une certaine «psychologie de la communication» - ou alors il se condamne à l'impuissance -puisque le discours qu'il suscitera aura toutes les chances de ne pas être entendu.

Une telle problématiqueconcerne le statut même de l'intervention philosophique dans «l'usage courant de l'entendement » dont parle Kant.Plus généralement, elle pose la question de l'efficacité d'un énoncé pur et simple du rationnel dans des contextes oùpréjugés et valorisations affectives inconscientes font obstacle à la recherche de la vérité.La démarche de réflexion peut donc s'organiser en explicitant deux questions complémentaires de la problématiquementionnée : dans quelles limites le discours rationnel peut-il se suffire à lui-même, et en quoi, par rapport à quelpoint de vue, peut-il paraître insuffisant? À quel type de persuasion le discours rationnel peut-il avoir recours sansentrer en contradiction avec ce qui le distingue? Deuxième partie : le discours rationnel est-il insuffisant? Dans quelles limites, et par rapport à quoi? Si l'on part de l'idée que la fonction première du discours rationnel est d'exprimer le vrai, d'en expliciter toutes lesdéterminations afin d'en ressaisir les rapports et le fonctionnement, la nécessité d'un recours à la persuasion nesemble pas avoir de sens, puisque la question de la communication ne se pose pas encore.

La question de la vérité(ou de la ratio, à la fois mesure, proportion, et raison d'être du réel) est originairement posée dans son autonomiepar rapport aux facteurs psychologiques d'une communication linguistique.

D'ailleurs, de nombreux philosophessoulignent d'emblée la faiblesse et l'imperfection du langage humain, marqué d'affectivité et d'empirisme, reflet plusou moins trompeur d'une condition humaine précaire, prisonnière de la particularité et de la contingence.

Si lediscours rationnel ainsi envisagé peut être perçu comme étrange, voire ésotérique, c'est qu'il se situe en ruptureavec l'univers des représentations quotidiennes, des motivations et des projections anthropomorphiques quitraversent le langage « courant ».Dans un tel discours, l'homme, entendu comme sujet psychologique, ne peut se reconnaître, se «retrouver », àmoins de s'affranchir lui-même des représentations qui lui sont les plus familières, d'effectuer ce que Bachelardappelle une « rupture épistémologique ».

Il apparaît donc que «l'insuffisance» du discours rationnel n'existe qu'enrapport avec une situation de communication concrète, où la question de l'accessibilité d'un tel discours s'inscritdans le cadre de l'expérience immédiate de l'homme, de son vécu quotidien et des données affectives quil'accompagnent.

Si l'on crédite l'homme d'une possibilité de rompre avec ces données, de les dépasser pour accéderà une capacité de réflexion critique autonomisée des faux-semblants de l'expérience première, une autre solution sedégage : ce n'est plus le discours rationnel qui est d'emblée limité par son «intellectualisme» et que devrait hanter lesouci de «persuader », mais l'homme lui-même, qui fait effort pour se libérer du préjugé et des données premièresafin d'accéder à «l'ordre des raisons ».On sait depuis longtemps que le seul énoncé du discours rationnel a toujours eu les plus grandes difficultés à rallierles hommes.

Faut-il pour autant s'en remettre à la force de la volonté, posée et affirmée quels que soient lescontextes et les domaines particuliers où elle peut s'exercer? Le volontarisme, en la matière, semble bien abstrait.En fait, la démarche philosophique assume ce problème, puisqu'elle s'efforce de répondre, avec des variantes dans. »

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