Devoir de Philosophie

Peut-on définir le devoir comme ce qui nous coûte ?

Publié le 23/03/2004

Extrait du document

A la première question que nous nous étions posée, nous devons donc répondre par la négative : si le devoir nous coûte souvent ou même ordinairement, il ne nous coûte pas toujours ; il ne lui est pas essentiel de coûter ; par suite, on ne peut pas le définir comme ce qui coûte. II. - LE DEVOIR REND-IL NÉCESSAIREMENT PÉNIBLE CE QU'IL IMPOSE ? En définitive, la conscience et la loi morale nous commandent le bien. Or, le bien répond à une de nos aspirations les plus plus profondes. Il semblerait donc que, pris judicieusement, il ne devrait pas nous coûter. S'il nous coûte, n'est-ce pas parce qu'il s'impose comme une obligation, comme un devoir ? A. Raisons de le croire. - C'est un fait d'expérience vulgaire : il suffit d'imposer comme un travail une occupation à laquelle on se livrait comme à un jeu, pour la rendre pénible et pour faire naître le désir de l'esquiver.

« nous en coûte cependant de les exécuter pour la seule raison que c'est le devoir et que nous ne sommes pas libresd'agir autrement.

En définitive, ce serait la dépendance ou l'hétéronomie de l'activité morale qui nous la rendraitcoûteuse. B.

Discussion. — Il est effectivement une morale hétéronome qui rend coûteuse la conduite qu'elle prescrit et atténue sensiblement la joie que nous éprouvons normalement à bien faire.Sans doute, la dépendance est parfois aimée.

Alors, grâce à l'amour, les actes qui coûteraient ne coûtent plus :c'est le cas des grands saints, qui prennent d'autant plus de plaisir à une action qu'ils la croient plus conforme à lavolonté ou au désir de Dieu ; l'amour humain, lui aussi, peut obtenir des effets analogues.

Mais, dans ces cas, on adépassé le stade de l'hétéronomie véritable : c'est par amour qu'on agit et non par devoir.

Nous ne sommes doncplus dans l'hypothèse envisagée, et ces faits n'infirment pas la thèse d'après laquelle le devoir restreint le plaisir del'action.Toute morale vraiment hétéronome rend donc coûteuse la fidélité au devoir.

Si nous nous déterminons à bien agirpour nous conformer à la volonté d'un Dieu considéré uniquement comme un maître absolu, ou encore aux exigencesd'un mystérieux ordre transcendant ; à plus forte raison si nous ne faisons que céder à la pression d'une sociétédont le nombre fait en définitive toute l'autorité, nous ne trouverons pas dans une conduite morale la joie queprocure la liberté et la spontanéité de l'action : il nous en coûte de nous soumettre à un autre, si grand soit-il.Mais, si toute morale comporte une certaine hétéronomie, la morale rationnelle n'est pas purement hétéronome et ledevoir bien compris comporte aussi une véritable autonomie.Tout d'abord, pour qu'il y ait fidélité au devoir, il ne suffit pas que la loi soit subie et les actes qu'elle prescritmatériellement exécutés : elle doit être acceptée, voulue, ce qui suppose une option personnelle, un libre choix.

Uncroyant qui se soumettrait à la volonté divine dans les dispositions qu'éprouvaient les Français à l'égard de l'autoritéoccupante, ne cédant qu'à la force, n'agirait pas moralement et ne ferait pas véritablement son devoir.Ensuite, l'autorité qui nous intime le devoir n'est pas aussi extérieure â nous que le croit le sens commun : c'est endéfinitive notre conscience morale ou notre raison pratique ; l'ordre vient donc de nous et non d'un législateurétranger qui nous imposerait ses volontés.

Sans doute, nous avons souvent à nous soumettre à des règlementsélaborés sans nous ; mais notre bon sens nous dit que, dans toute société, il doit y avoir des chefs doués dupouvoir de promulguer des lois s'imposant à tous ; par suite, même dans ce cas, c'est encore notre raison qui fondele devoir d'obéir.

La volonté de Dieu elle-même ne s'impose pas à nous de l'extérieur : les commandements que nousfait connaître la religion révélée ne valent pour nous que par suite de la libre acceptation de cette religion ; quant àceux qui font abstraction de la révélation et se fondent sur la seule raison, ils sont encore plus directement notreoeuvre, car nous ne pouvons les attribuer à Dieu qu'en transportant en lui les exigences de notre propre raison.On pourrait objecter, il est vrai, que, bien qu'édictées ou reconnues valables par nous, nos obligations morales nes'en imposent pas moins à notre volonté et restreignent notre pouvoir d'agir.

Mais cette objection suppose que lepouvoir de faire le mal est un bien et que, par suite, nous devons regretter cette possibilité perdue.

Suppositionabsurde : un comptable se plaindra-t-il d'avoir une telle habitude des opérations arithmétiques qu'il ne commet plusd'erreurs ? De même que notre plus grande jouissance intellectuelle est de constater la rigoureuse nécessité desopérations mentales, de même le sentiment d'être dans l'ordre exigé par la raison, de faire notre devoir, constitue lasatisfaction morale la plus profonde.C'est pourquoi, à la seconde question comme à la première, nous répondons par la négative : il n'est pas essentielau devoir de rendre pénible ce qu'il impose. Conclusion. — On ne saurait donc définir le devoir comme ce qui coûte : il n'est pas essentiel au devoir de coûter ; s'il coûte — comme il arrive bien des fois — c'est accidentellement.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles