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«On peut ... se demander quelle est l'importance du maître notamment en fin de primaire et au long du secondaire. Est-ce un simple pion sur cet échiquier complexe? Ne peut-on pas, à la limite, le remplacer par un magnétophone?» Explication et discussion de cette opinion de Leprince-Ringuet.

Publié le 12/02/2011

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Le pédagogue? Esclave affecté au service des enfants pour les élever et souvent les instruire. Tel était le statut complexe du maître dans l'Antiquité. Au cours des siècles, le maître d'école conserve souvent un état social équivoque et ses rapports avec l'enfant qui lui est confié sont à la fois de force, puisqu'il dirige son élève et le domine de sa connaissance autant que de son expérience d'adulte, mais aussi, pendant des siècles, d'infériorité, car, salarié et ordinairement attaché à une famille, il ressemble fort à un domestique, simplement un peu plus coté que les autres., et encore? Est-ce un reste de ces traditions qui, allié aux progrès de l'électronique, fait que certains technocrates affirment que «simple pion«, il peut être «à la limite... remplac[é]« par la machine? On dirait plus volontiers informatique que simple « magnétophone « actuellement. Ou au contraire, comme le soutient Louis Leprince-Ringuet la   

plan I. Le maître «simple pion« peut-il être «à la limite... remplac[é] « par la machine? — Acquisition du savoir.

II. Au contraire, la «mission« du maître est-elle toujours « vraiment éminente «? — Formation du jugement.   

« complémentaire de celui du maître, d'ordre essentiellement méthodologique.

Dans le cadre de la classe, le rapportprécise que l'utilisation des machines correspond à une séance d'exercices ou de travaux dirigés (révisions,applications de notions apprises, répétitions...).

L'ordinateur par exemple pose des questions; les réponses sontvérifiées, les erreurs signalées immédiatement, les renseignements complémentaires fournis.

«Mais l'élève peutappeler à tout moment le professeur, toujours présent.

» (Rapport du ministère de l'Éducation nationale.) Ainsi l'utilisation des machines demeure accessoire.

Les maîtres ne s'en sont pas moins inquiétés, craignant entreautres que l'implantation des machines — surtout des ordinateurs —, véritables médiateurs entre eux et les élèvesne dégrade leur fonction ou même ne les élimine insensiblement.

A quoi expériences et rapports qui en sont tirésrépètent que l'enseignant conserve toujours son rôle primordial, mais que, soulagé d'une partie de sa tâche, il peutplus facilement concentrer ses efforts sur explications et éclaircissements.

Ainsi apparaîtrait «une solution pleine depromesses : l'informatique peut permettre à l'enseignant d'exercer ses talents au mieux en fonction des besoinsspécifiques de ses élèves pris individuellement sans pour autant perturber l'ensemble du groupe-classe».(L'informatique dans l'Enseignement des disciplines.

Rapport du ministère de l'E.N.) Notons cependant que laditesolution n'est nullement naturelle ni évidente, que très peu de tradition pédagogique existe en ce domaine, et qu'ellese forgera sans aucun doute fort lentement.

Mais plus encore que par ces paroles officielles rassurantes, le maîtrepeut se conforter dans la valeur irremplaçable de son rôle s'il se pénètre bien de l'assurance qu'il n'est pas — s'il estun maître à part entière — un simple dispensateur de savoir.

Même Rabelais, qui réclamait tant l'apport desconnaissances, avait déjà laissé entendre que si le maître doit initier à fond aux sciences les plus diverses, il se doitaussi de former harmonieusement l'élève : son esprit, mais aussi son corps et son âme.

Tous les grands penseurs quise sont penchés, à partir du XVIe s.

sur le problème de l'éducation lui donnent avant tout des solutions humanistes.Or une machine, de par sa matière même, ne peut être que support, mais n'est nullement humaniste.

C'estMontaigne qui précise qu'« instruire c'est former le jugement».

«Savoir par cœur n'est pas savoir», insiste-t-il, «ilfaut avant tout apprendre à l'enfant à penser».

«On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans unentonnoir; et notre charge, ce n'est que redire ce qu'on nous a dit», déplore-t-il.

Il est net que l'appareil, lui, estabsolument réduit à ce rôle mécanique.

Par contre le maître, quand il conçoit bien son métier, ne doit pas«demande[r] seulement compte des mots de [la] leçon, mais du sens et de la substance et qu'il juge du profit que[l'enfant] aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie».

L'enfant doit donc avant tout apprendre«à faire bien l'homme et dûment», le savoir étant nourriture, non bagage. Le rôle primordial de l'enseignant est d'éveiller une pensée libre, capable de peser, de discerner, de choisir.

Quel'élève devienne plus savant, certes, mais surtout « meilleur et plus sage», qu'il sache réfléchir par lui-même, fairepreuve d'esprit critique, savoir délimiter, comme le demande plus tard Diderot, «le certain, le probable et ledouteux».

Enfin la qualité humaine des rapports enseignant/enseigné est absolument nécessaire.

Les jeunes gens,fragiles sans doute mais lucides et exigeants, ont toujours désiré que se créent avec leurs éducateurs des rapportsaffectifs.

Il est reconnu qu'un élève travaille bien mieux s'il a perçu entre lui et son maître le courant humain sanslequel une éducation n'est pas à part entière.

Depuis 1968 surtout les élèves cherchent libre discussion aussi bien etmême davantage sur la vie que sur de simples connaissances.

Sans être complètement un ami — Car une certainedistanciation doit être maintenue; elle est d'ailleurs implicitement réclamée par l'élève —, le maître doit inspirerconfiance, ne pas être lointain, aider de ses conseils et de ses expériences autant que de ses connaissances; quellemachine pourrait alors le remplacer? * * * Ainsi sans doute la machine électronique, informatique — particulièrement —, sera-t-elle un des éléments del'enseignement futur; mais comment pourrait-elle le constituer seule ou en priorité, elle qui ne pourra jamais avoirl'âme et le contact chaleureux que l'élève est en droit et en besoin de demander au maître.

De Montaigne àRousseau, en passant par Fénelon ou Mme de Maintenon, on a mis l'accent sur la nécessité primordiale pourl'éducation de façonner la personnalité des êtres.

Or si tous les pédagogues ne sont pas parvenus à ce résultat —les êtres humains sont faillibles —, au moins peuvent-ils l'obtenir, tandis que la machine seule provoquerait uneterrible déshumanisation.

Et voilà qui atteindrait toute la société! «Science sans conscience n'est que ruine del'âme.» Qui peut jamais attendre conscience de quelque mécanique? [Cette conclusion peut être en partieremplacée, ou du moins complétée, par une conclusion personnelle où l'élève prendra nettement position, tout entenant compte des éléments sus-indiqués.]. »

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