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Peut-on dire d'une civilisation qu'elle est supérieure à une autre ?

Publié le 09/04/2004

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On a longtemps pensé et on pense encore la différence des civilisations dans les termes de l’inégalité : certaines seraient supérieures à d’autres. Cette idée est implicite dans bien des comportements et se devine dans de nombreux propos du sens commun ; ainsi la langue de l’étranger peut sembler moins harmonieuse que la nôtre, ses mœurs plus rustres, ses techniques dépassées et nous ne voyons souvent dans ses croyances que de vulgaires superstitions. A un niveau plus élaboré, l’idée d’une supériorité est sous-jacente à de nombreux discours qui envisagent l’histoire sous l’angle d’un progrès, ou d’un développement uniforme. En fonction de la place de chaque société sur l’échelle du progrès, on compare les civilisations entre elles, et cette comparaison fait inévitablement apparaître que certaines sont en retard par rapport à d’autres, dites avancées ou développées. Cependant, peut-on dire pour autant d’une civilisation qu’elle est supérieure à une autre ? De quel droit peut-on parler de retard ou d’avance en matière de civilisations ? La problématique commune à ces différentes questions peut se résumer ainsi : a-t-on fondamentalement le droit de comparer les civilisations selon une échelle unique de développement ? Ne convient-il pas de remettre en cause les critères de jugement utilisés ?  

« Partie I : L'attitude ethnocentrique Les civilisations contemporaines laissent apparaître entre elles de profondes différences.

Quoi de commun entre lacivilisation industrielle et technique de l'Europe et celle des peuples qui pratiquent au même moment la chasse et lacueillette.

On s'accorde à penser qu'il faut respecter ces différences mais sous ce respect se dissimule bien souventun jugement de valeur qui, par la comparaison même qu'on ne manque jamais de faire, les interprètent en termesd'infériorité ou de supériorité.

On affirmera alors que les sociétés occidentales sont plus industrialisées, plusavancées.

Par rapport à elles, les autres civilisations aux techniques moins élaborées seront considérées comme enretard.

Ce jugement trouve une illustration dans le concept de « sous-développement », jugement aux allures deverdict dont on a cherché à atténuer le caractère définitif dans l'euphémisme de « pays en voie de développement».Cette figure de style est inutile : elle conserve le mot et l'idée de développement au nom de quoi nous hiérarchisonsles sociétés.

En fait, il faut bien voir qu'il n'est pas de retard ou d'avance absolus, mais seulement un jugement quenous portons sur les civilisations différentes de la nôtre qui nous les font voir inférieures, ou en retard.

Il n'y a doncde supériorité ou d'infériorité qu'aux yeux d'une civilisation qui mesure toutes les autres par rapport à elle.

Parconséquent, elle les juge selon ses propres critères.

Le plus souvent, ces critères sont d'ordre politique, religieuxmais aussi la industriel et technique.

Il apparaît alors que l'abondance de biens et le confort matériel deviennent desréférences qui orientent nos jugements.Ces dernières valeurs, propres aux sociétés occidentales, sont aujourd'hui dominantes.

Elles se trouvent érigées,parfois inconsciemment, en valeurs universelles, comme les normes d'un standard de vie de toutes les nations dumonde qui se veulent modernes.

On peut prendre pour exemple d'un tel phénomène l' « américanisation » des modesde vie dans certains pays européens ou asiatiques.

(« American way of life.») Une telle standardisation des sociétésau niveau mondial a bien sûr pour effet une uniformisation où risque de se perdre la riche variété des civilisations.Elle entraîne en effet de nombreux phénomènes d'acculturation (= processus par lequel un groupe humain assimiletout ou partie des valeurs culturelles d'un autre groupe humain) : c'est ainsi que, sur le continent américain ouaustralien, les cultures indiennes ou aborigènes ont-été anéanties ou sont en voie d'extinction.Les différences sont donc souvent évaluées du point de vue d'une civilisation, qui s'érige en modèle de référencepour toutes les autres.

C'est en grande partie cette idée qui a servi à légitimer la vaste entreprise de colonisationdu monde entier à laquelle se sont livrées les puissances européennes à partir du XVIe siècle.

Dés-lors qu'unecivilisation se pense elle-même comme la pointe du développement historique, il devient difficile de penser lescivilisations aux pluriel.

On parlera alors de la Civilisation, que l'on opposera à la sauvagerie ou à la barbarie desautres cultures.

C'est ainsi que l'homme blanc prétendait apporter la Civilisation aux indigènes, saccageant, sansmême le soupçonner, celles qu'il trouvait sur place, en Amérique, en Afrique ou en Australie.Cela dit, le jugement de valeur porté sur les autres civilisations ne se limite pas au verdict de « sous-développement» technique ou économique.

Il est au contraire propre à toute civilisation.

Autrement dit, ce jugement est attachéau processus par lequel un individu assimile les données et les comportements de sa propre culture.

Ainsi, lejugement de valeur qui porte chacun à se persuader de la supériorité de sa propre civilisation est typique del'attitude que l'on désigne sous le nom d'ethnocentrisme.

C'est la tendance à privilégier le groupe social auquel onappartient et à estimer sa propre manière de vivre préférable à toute autre.

En effet, l'individu hérite de la sociétédans laquelle il est né et vit.

C'est dire que l'individu hérite d'un ensemble de valeur fondamentales admises par songroupe dont l'influence façonne et oriente subjectivement son point de vue.

Par delà, il apparaît quel'ethnocentrisme est le principal mécanisme pour évaluer les civilisations.Mais déjà dans l'Antiquité, comme le rappelle Claude Lévi-Strauss dans Race et histoire, les grecs considéraient lesautres peuples comme « barbares » : « Ainsi l'Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas à la culturegrecque sous le même nom de barbare ; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans lemême sens.

» On voit ainsi que dans les deux cas, il y a un refus d'admettre le fait même de la diversité culturelle.L'ethnocentrisme est donc un puissant et dangereux mécanisme d'évaluation.

Il se caractérise par l'absence du sensde la relativité en nous faisant spontanément penser les différences sous les catégories de l'infériorité et de lasupériorité.

Suivant cette attitude, on est incapable de percevoir que la richesse de l'humanité réside dans lesdifférences mutuelles des diverses cultures. Transition Nous voyons bien que le simple jugement de supériorité ou d'infériorité porté sur les civilisations entraîne avec lui lanégation des différences, et leur rejet.

Toutefois, sommes-nous condamnés à une telle attitude ethnocentrique ? Unautre rapport aux civilisations différentes de la nôtre est-il possible ? Partie II : Les civilisations sont relatives les unes aux autres L'ethnologie (étude des peuples) est une discipline relativement récente qui a fortement contribué à la connaissancedes cultures non occidentales.

Elle affirme comme un principe l'idée qu'il est impossible d'attribuer des valeurscomparatives aux cultures, autrement dit qu'il est impossible de les hiérarchiser sous l'angle du supérieur et del'inférieur.

Comme d'une part chaque culture est un système de comportements et de valeurs, et comme d'autrepart, on l'a vu, chacun a tendance à se valoriser aux dépens des autres, toute évaluation d'une culture estnécessairement jugement d'une culture par une autre et ne saurait correspondre à rien d'objectif ni de vrai.

Par-delà, il convient de faire preuve d'un relativisme culturel.

Ce sont donc les cadres de notre perception qu'il faut. »

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