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Peut-on distinguer les vrais des faux besoins ?

Publié le 14/12/2005

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II, 369 d. Les faux besoins aliènent l'homme bien plus qu'ils ne le libèrent L'homme a-t-il véritablement besoin d'ordinateur, de téléphone portable, etc. ? Le blé le nourrit, mais aucun diamant au monde n'a pu remplir le ventre d'un affamé. Quand je connais un désir naturel, il cesse d'être dès qu'il est satisfait. Une fois que j'ai mangé, je n'ai plus faim. Ces plaisirs sont naturels parce qu'ils sont bornés : ils ont une limite naturelle. A l'inverse, les désirs non naturels peuvent être dits vains parce qu'ils ne seront jamais comblés ; ils résident dans le principe du « toujours plus », l'illimité. L'homme qui veut être riche, admiré, aimé, n'en a jamais fini de son désir. La satisfaction d'un besoin est une nécessité vitale puisqu'en son absence, la vie ou la survie de l'individu est menacée.
Si les besoins naturels sont dits vrais, et les besoins artificiels faux, c'est que l'on présuppose que l'homme "vrai" est l'homme naturel. Tous les artifices qu'il s'ajoute (et d'abord, les produits qu'il fabrique), et tous les besoins qu'il se crée, seraient en quelque sorte contre nature. Notre problématique consiste à interroger ce présupposé. Qui nous dit en effet que la véritable nature de l'homme n'est pas au contraire sa faculté de produire un monde d'objets pour sa consommation et son plaisir, et de créer ainsi des besoins nouveaux ? Peut-on encore distinguer de vrais et de faux besoins, si l'homme se définit avant tout par son travail, et par conséquent sa capacité de transformer le monde et de transformer lui-même?  La critique de la société de consommation a mis à l'ordre du jour la dénonciation des "faux besoins", artificiellement créés. Mais si l'on entend par "faux besoin" le besoin de ce dont on n'a en fait pas besoin, il y a là un paradoxe. Un "faux besoin": n'est-ce pas là une contradiction dans les termes ? La difficulté tient au fait que le "faux besoin" est vécu subjectivement comme une authentique nécessité. La première question est donc la suivante: peut-on identifier besoin et désir ? La conscience d'un besoin est-elle toujours le signe d'un besoin réel ? Mais il faut aussi prendre la mesure de l'extrême difficulté qu'il y a à définir des besoins pour l'homme, dans l'absolu. appliquée à l'homme, la notion de besoin doit être envisagée sous un point de vue historique et social.

« «dissolution des moeurs», laquelle est la «suite nécessaire du luxe».

Le luxe, pour Rousseau, n'est rien d'autreque la création artificielle de besoins non nécessaires. "On croit m'embarrasser beaucoup en me demandant à quel pointil faut borner le luxe.

Mon sentiment est qu'il n'en faut point dutout.

Tout est source de mal au - delà du nécessaire physique.

Lanature ne nous donne que trop de besoins ; et c'est au moins unetrès haute imprudence de les multiplier sans nécessité, et demettre ainsi son âme dans une plus grande dépendance.

Ce n'estpas sans raison que Socrate, regardant l'étalage d'une boutique,se félicitait de n'avoir à faire de rien de tout cela.

Il y a cent àparier contre un, que le premier qui porta des sabots était unhomme punissable, à moins qu'il n'eût mal aux pieds" ROUSSEAU "Dernière réponse de Jean - Jacques ROUSSEAU deGenève" in Discours sur les sciences et les arts 1 . Où cesse le besoin ? où commence le superflu ? ROUSSEAU n'a nullepeine pour répondre à la question qui lui est posée après le Discours surles sciences et les arts où sont condamnées comme dangereuses etinutiles les connaissances, les techniques et les oeuvres d'art.

Lesuperflu commence précisément là où le besoin cesse.

L'auteur rapportela question posée, donne aussitôt la réponse et ses motifs et lacomplète par un exemple emprunté à l'antiquité grecque. Cependant, faut - il partager le sentiment de ROUSSEAU et croire que le luxe est source de mal ? La question posée à ROUSSEAU allait de soi après le Discours sur les sciences et les arts.

Si le luxe estcondamnable, quand commence le luxe ? Une objection est faite à l'auteur ("On croit m'embarrasser beaucoup").

La question des limites est toujoursune question litigieuse et peut - être question sophistique moins destinée à éclairer qu'à étourdirl'interlocuteur ("On croit m'embarrasser beaucoup").

La question des limites est difficile à trancher : oùcommence et où le finit le champ du voisin ? où cesse l'amitié et quand commence l'amour ? La question deslimites est une question difficile en cela qu'elle laisse toujours place à une casuistique infinie voire à de lafinasserie ("à quel point il faut borner le luxe"). Mais à question inutilement compliquée, réponse simple : "Mon sentiment est qu'il n'en faut point du tout".

Cen'est donc pas une affaire quantitative de plus ou de moins : le luxe doit être totalement absent.

La réponseappelle une explication : "Tout est source de mal au - delà du nécessaire physique".

Le luxe est un mal radical: il n'y a pas de demi - mesure en la matière.

Au delà du nécessaire physique, tout est source de mal quidépasse ce dont le corps a besoin.

Le corps et ses besoins déterminent eux - mêmes et donc sanscontestation possible les limites du luxe.

ROUSSEAU a retenu sans doute la leçon d'EPICURE et sa célèbreclassification des désirs : il ne semble retenir que les désirs naturels et nécessaires 2 .

En effet, au - delà du nécessaire physique : "Tout est source de mal".

ROUSSEAU ne précise quel mal est provoqué par le luxe.

Lemal est d'abord un mal moral : le luxe ne procure qu'un plaisir supplémentaire, qui n'est pas donné par lanature et qui de ce fait n'est pas utile.

L'objet de luxe est celui dont la présence n'apporte rien mais celuidont l'absence fait souffrir.

L'objet de luxe est celui dont la présence n'apporte rien qui n'eût pu être apportépar un objet ordinaire et celui dont le retrait provoque une souffrance que l'homme eût pu ne jamaisconnaître. A cela, l'auteur apporte une raison : la surabondance de la nature.

Mais cette surabondance n'est pas celledes dons mais celle du manque : "La nature ne nous donne que trop de besoins".

Le thème familier deROUSSEAU de la surabondance naturelle est ici renversée.

La pénurie pour satisfaire les besoins institués estmanifeste.

La pénurie est source de danger si l'homme cède : "c'est au moins une très haute imprudence deles multiplier sans nécessité".

La prudence est chez EPICURE fronhsiV : sagesse pratique, calcul des plaisirs. La raison relaie la nature : le corps ne suffit pas pour indiquer par les besoins ce qu'il est nécessaire desatisfaire et ce qu'il est inutile et même dangereux de satisfaire.

Il y a un risque : "mettre ainsi son âme dansune plus grande dépendance".

L'âme n'est pas dépendante dans le luxe ; elle est dans : "une plus grandedépendance" : elle est dépendante avant le luxe.

Mais de quoi est - elle dépendante ? - sans doute moins ducorps que des besoins du corps.

Ainsi, le corps semble veiller à l'intégrité de l'âme alors que l'âme qui devraiteffectuer la discrimination entre les désirs institue par le luxe ce qui la met dans la dépendance. ROUSSEAU propose un exemple.

On attend EPICURE et l'on a SOCRATE ("Ce n'est pas sans raison queSocrate, regardant l'étalage d'une boutique, se félicitait de n'avoir à faire de rien de tout cela"), - encore est- ce un SOCRATE plus proche des Cyniques Grecs que du SOCRATE de PLATON.

SOCRATE est l'homme duraisonnement et c'est lui que ROUSSEAU, dans un exemple emprunté à DIOGENE LAERCE, choisit.

L'exempleenrichit de trois manières la thèse de ROUSSEAU.

Jusqu'alors, il s'agissait de ne pas multiplier les désirs : lecorps avait le rôle de gardien de l'intégrité de l'âme et cela afin d'éviter la dépendance de celle - ci.

Mais avecl'exemple de SOCRATE, la raison semble avoir un rôle offert : "Ce n'est pas sans raison (...)", et peut - être. »

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