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Ce qui ne peut s'acheter est-il nécessairement dépourvu de valeur ?

Publié le 13/02/2004

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Ce qui s'achète possède une valeur au sens de prix. Il s'agit là d'une valeur relative ou pour parler comme Ferdinand de Saussure qui comparait la valeur linguistique et la valeur économique, « d'un système d'équivalence entre des choses d'ordres différents « (Cours de Linguistique générale, p. 115). La valeur ainsi déterminée permet l'échange et fait appel à la comparaison. Elle opère à partir d'une relation entre le dissemblable et le similaire (une pièce de cinq francs contre du pain et une pièce de cinq francs comparée à une pièce de dix francs). Il ne saurait être question de retracer ici l'histoire du concept économique de valeur. Tout au plus pouvons-nous donner brièvement quelques points de repères. Ainsi que le remarque Marx qui ne manque pas une occasion de saluer en lui un « géant de la pensée «, c'est chez Aristote qu'il faudrait rechercher la base d'une étude de la valeur au sens économique. Par exemple, on appelle nous dit Aristote « richesses tout ce dont la valeur (axia) se mesure en monnaie « (Éthique de Nicomaque, Livre IV, chap. I, § 2).

« affirmer que c'est une valeur.

Expliquons à présent cette différence sur laquelle repose le sujet.Ce qui s'achète possède une valeur au sens de prix.

Il s'agit là d'une valeur relative ou pour parler comme Ferdinandde Saussure qui comparait la valeur linguistique et la valeur économique, « d'un système d'équivalence entre deschoses d'ordres différents » (Cours de Linguistique générale, p.

115).

La valeur ainsi déterminée permet l'échange etfait appel à la comparaison.

Elle opère à partir d'une relation entre le dissemblable et le similaire (une pièce de cinqfrancs contre du pain et une pièce de cinq francs comparée à une pièce de dix francs).

Il ne saurait être questionde retracer ici l'histoire du concept économique de valeur.

Tout au plus pouvons-nous donner brièvement quelquespoints de repères.

Ainsi que le remarque Marx qui ne manque pas une occasion de saluer en lui un « géant de lapensée », c'est chez Aristote qu'il faudrait rechercher la base d'une étude de la valeur au sens économique.

Parexemple, on appelle nous dit Aristote « richesses tout ce dont la valeur (axia) se mesure en monnaie » (Éthique deNicomaque, Livre IV, chap.

I, § 2).

Mais nous devons préciser que le fait de trouver chez Aristote une définition dela valeur au sens économique (cf.

le livre V de l'Éthique de Nicomaque) ne signifiepas qu'Aristote traite de la valeur sous un angle économique ou plutôt sous l'angle de l'économie politique.

Cettedernière en effet, en tant que discipline possédant en propre son domaine d'investigation, n'apparaîtra que bien plustard (1).

Dans son ouvrage Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Adam Smith précise ladistinction, déjà existante, et aperçue d'ailleurs par Aristote, entre valeur d'usage et valeur d'échange.

« Il fautobserver que le mot « valeur » a deux significations différentes; quelquefois il signifie l'utilité d'un objet particulier,et quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d'acheter d'autres marchandises.

On peutappeler l'une, valeur d'usage (value in use), et l'autre, valeur d'échange (value in exchange).

Des choses qui ont laplus grande valeur d'usage n'ont souvent que peu ou point de valeur d'échange et au contraire, celles qui ont la plusgrande valeur d'échange n'ont souvent que peu ou point de valeur d'usage ».

Il voit dans le travail la « mesure réellede la valeur échangeable de toute marchandise ».

En passant par l'oeuvre de Ricardo, (Les Principes de l'Économiepolitique et de l'impôt) cette analyse de la valeur se raffine encore.

Marx, mettant au jour les présupposés del'économie politique classique distingue le travail de la force de travail, laquelle comprend «l'ensemble des facultésphysiques et intellectuelles qui existent dans le corps d'un homme, dans sa personnalité vivante, et qu'il doit mettreen mouvement pour produire des choses utiles » (Le Capital, Livre I, tome I, p.

170, ou p.

129 éd.

de poche des Éd.Sociales).

Il établit que « la valeur d'une marchandise est à la valeur de toute autre marchandise, dans le mêmerapport que le temps de travail nécessaire à la production de l'une est au temps de travail nécessaire à laproduction de l'autre » (ibid., p.

55 ou p.

44).

Il montre également que le surtravail du travailleur produit la plus-value pour le capitaliste.

Quant au prix, ce n'est dit-il que « l'expression monétaire de la valeur » (Salaire, prix etprofit, p.

40).Mais il n'y a évidemment pas qu'au sens économique qu'il est permis de parler d'une valeur relative ou si l'on veutd'un équivalent, d'un prix.

Lorsque l'on décerne à un enfant un prix d'excellence, cela n'entre pas directement dansun contexte économique.

Il en va de même si je dis que j'attache du prix au jugement de telle ou telle personne.Cela signifie que j'apprécie son jugement ou que celui-ci a pour moi de la valeur.

Nous retrouvons toujours là ladistinction entre prix et valeur qui est au centre de notre sujet.

Nous allons nous aider d'un bref extrait de Kant quiva nous permettre de bien comprendre la signification précise et la portée exacte d'une telle distinction.

Voici cetextrait : « Dans le règne des fins, tout a un prix (Preis) ou une dignité (Würde).Ce qui a un prix peut être remplacé par quelque chose d'autre, à titred'équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suiten'admet pas d'équivalent, c'est ce qui a une dignité » (Fondements de laMétaphysique des Moeurs, p.

160).

Disons tout de suite que pour Kant, seulema moralité, en tant qu'elle se fonde sur l'autonomie de la volonté est ce quia de la dignité.

Mais ce qui au premier chef nous intéresse dans ce que dit iciKant, c'est, au-delà même de toute référence à sa morale, la distinctionétablie entre le prix et la valeur, laquelle se nomme ici dignité.

Cettedistinction n'est pas propre à Kant.

Comme le rappelait Victor Delbos, untraducteur des Fondements de la Métaphysique des Moeurs, elle reprend,dans un autre contexte, une distinction stoïcienne courante entre pretium(prix) et dignitas (dignité).

Sénèque écrit par exemple que « les biens ducorps sont des biens au regard du corps, mais ce ne sont pas des biensabsolus.

Certes ils ne seront pas sans prix mais toute dignité leur sera refusée» (Lettres à Lucilius, 71, § 33). Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant (1724-1804)définit la notion de personne, faisant ainsi de l'homme comme personne moraleun être qui n'a pas de prix, mais est digne de respect car il possède unevaleur absolue : « Dans le règne (des fins tout a un prix ou une dignité» : cequi a un prix, ce sont les choses, qui s'échangent et se remplacent ; ce qui a.une dignité, ce sont les personnes. Kant prétend ne rien avoir inventé en morale, mais avoir « seulement » éclairci, porté au concept unecon¬naissance de la morale que tout homme possède même sous forme embrouillée et obscure.« Si l'on demande quelle est donc à proprement parler la pure moralité, à laquelle [...] on doit éprouver la valeurmorale de chaque action, alors je dois avouer que seuls les philosophes peuvent rendre douteuse la solution decette question; car dans la raison commune des hommes elle est, non à la vérité par des formules généralesabstraites, mais cependant par l'usage habituel, résolue depuis longtemps, comme la différence de la main gauche etde la main droite.

» (Critique de la raison pratique.). »

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