Peut-on enseigner la vertu ?

« Aucun maître n'est capable d'enseigner la vertu 4U·H• Une vertu qui s'enseignerait comme s'enseigne une science quelconque devrait pouvoir donner ses raisons d'agir et l'on verrait alors les hommes vertueux transmettre leur savoir à leurs élèves ou à leurs enfants.

Or, tel n'est pas le cas.

L'enseignement de la vertu est tout à fait hasardeux L ~ capacité de bien juger suppose une éducation, mais force est de constater qu'il n'y a pas de maîtres de vertu.

•Si donc ni les sophistes, ni les gens de bien eux­ mêmes ne sont maîtres de vertu, il est évident que per­ sonne ne l'est.• Platon, Ménon Pour tout ce qui concerne les arts et les techniques, il est aisé de trouver des maîtres à qui adresser ses enfants.

En matière de vertu, en revanche, il n'y a que les sophistes pour se charger de l'édu­ cation politique des jeunes gens et des bases de celle-ci (rhétorique, psychologie, etc.).

Or, ils professent un relativisme incompatible avec l'uni­ versalité que suppose la vertu .

L'enseignement des sophistes est contestable L eur enseignement de la vertu n 'est sou­ vent qu'un enseigne­ ment de la subversion , dans la mesure où ils se contentent de soumettre les institutions à une réflexion sur ce qu 'elles ont de relatif en recen­ sant les variations de la législation d'une cité à l'autre.

La vertu n'est qu'une opinion droite qui ne peut s 'enseigner L a vertu n'a ni maîtres ni disciples, et les plus admirés des grands hommes n'ont pas su l'enseigner.

Ménon, qui les représente, accorde que les sophistes pro­ mettent seulement d'apprendre l'art de la parole, et non l'ac­ quisition de la vertu.

En effet, celle-ci consiste en une «opinion droite», une sorte d'intuition de ce qu'il faut faire, accor­ dée seulement à certains.

Il est impossible d'enseigner ce dont on n'a pas la véritable science.

Or, personne n'a véritablement la science de la vertu, et surtout pas les sophistes.

La vertu, parce qu'elle échappe à la science, ne peut pas être apprise.. »