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Peut-on être « citoyen du monde » ?

Publié le 18/01/2004

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Le terme est issu du mot latin civis, de la même famille que civitas, la cité, laquelle désigne une communauté politique organisée possédant un minimum d'autonomie. Le citoyen s'acquitte des devoirs définis par les lois de la cité et semble donc lui appartenir de plein droit.À la Renaissance, se forment, en France et dans l'ensemble de l'Europe, la réalité et le concept d'État moderne. Le terme de citoyen désigne donc le membre de cet État, le sujet inscrit à l'intérieur de ce tout. Le citoyen se situe au sein de l'État ou de la nation, cette communauté humaine dont les membres sont unis par des liens matériels (intérêts économiques, etc.) et spirituels (tradition, culture).* Le cadre du citoyen : Ni en droit, ni en fait, le citoyen ne semble donc dépasser un cadre très circonscrit. La citoyenneté n'est-elle pas d'ailleurs liée à la nationalité ? Quelle que soit l'approche envisagée, elle nous conduit, en première analyse, à souligner l'appartenance du citoyen à un « État-Nation «, forme moderne de la communauté politique ou cité. La citoyenneté désigne une construction s'insérant dans un ensemble global, et non point une qualité liée au monde global.

« Kant rappelle ainsi que l'Histoire n'appartient pas qu'à l'historien.

Le philosopheest sommé d'en dégager l'universalité (unus vertere : tourner dans une seuledirection) comme naguère le théologien.

Pour ce faire, Kant propose desubstituer à la Providence de Bossuet, la Nature.

Cette dernière se sert despassions humaines et des conflits qu'elles génèrent pour accomplir sondessein secret :« Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement detoutes ses dispositions est leur antagonisme au sein de la Société, pourautant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'uneordonnance régulière de cette Société j'entends ici par antagonismel'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer ensociété, inclination qui est cependant doublée d'une répulsion générale à lefaire...

»Kant découvre que c'est la vanité des hommes, leur désir de domination, cetesprit toujours inventif de compétition qui sont à l'origine de toute créativitésociale.

Il perçoit, avant Hegel, que rien de grand ne se fait sans passion,c'est-à-dire sans l'attachement intéressé des hommes.

Or les passions sontpartie de la nature humaine, à travers elles la Nature agit.

De conflit enconflit, l'espèce approche de la réalisation de la forme d'organisation politiquequi autorisera le règne sans partage de la liberté.

Cette forme degouvernement, Kant l'appelle République, elle correspond à ce que nousdésignons aujourd'hui par l'expression « démocratie libérale ».

Cette Idée d'une histoire universelle ouvre la voie à l'interprétation hégélienne et annonce déjà le thème de la fin de l'Histoire. • Le cosmopolitisme kantien et les enjeux d'une solidarité mondiale : Ne faut-il pas, avec Kant, distinguer du droitdes États — celui qui correspond à la manière d'être du citoyen enraciné dans un État —, le droit cosmopolitique,concernant les hommes comme habitants de la planète ? Après tout, certaines perspectives ne nous conduisent-elles pas vers l'idée d'un Droit dépassant les nationalités ? Une solidarité mondiale ne se manifeste-t-elle pas, nonseulement avec des institutions comme Amnesty International ou Médecins sans frontières, mais aussi avec desformations juridiques supranationales comme l'ONU ou la défunte Société des Nations, qui sut d'ailleurs si malenrayer la guerre de 1939-1945, tout comme l'ONU ne parvient pas, aujourd'hui, à régler le conflit dans l'ex-Yougoslavie ? La Déclaration des droits de l'homme, qui fait d'ailleurs partie des bases mêmes de l'ONU, peutapparaître comme le fondement d'une citoyenneté mondiale.De ce point de vue, il semble possible et légitime de devenir citoyen du monde, c'est-à-dire d'exercer des droitspolitiques ou juridiques dans un cadre transnational, atteignant le globe.

C'est ce que, avec Kant, nous appelleronsune perspective cosmopolitique : cette perspective nous conduit à élargir notre conscience à un milieu internationalet à nous référer à une autorité peut-être universelle.

Être citoyen du monde n'a d'ailleurs rien d'absurde car, nousle savons maintenant, les rapports fondamentaux, économiques, culturels, politiques, etc., sont aujourd'huimondiaux.

Un déséquilibre à l'intérieur d'un pays retentit dans le monde entier et se propage.

La démocratie, parexemple, peut être menacée par le glissement d'une autre nation dans le totalitarisme, comme nous le montrel'exemple de la dernière guerre.

Quand l'Allemagne sombre dans le nazisme, c'est le monde entier qui, de proche enproche, est touché.

Donc il est possible et légitime d'être citoyen du monde.

Nous le sommes de facto et nousdevons l'être.

Quand la liberté meurt en un lieu, elle est partout menacée, partout en péril.

Ne devons-nous pas êtrecitoyens du monde et nous opposer partout à l'emploi de la force brutale ? Le laisser-faire international menace lacitoyenneté dans une nation.

Par ailleurs, le globe est, à travers les médias, ouvert à la communication et, en ceréseau d'interconnexions, il est possible d'être citoyen de l'humanité. • L'appartenance de l'homme à tout l'univers : Pourquoi pouvons-nous et devons-nous être citoyens du monde ? Lesstoïciens, et en particulier Épictète, ce penseur né en Phrygie vers 50 et mort en 130 de notre ère, comprirent déjàpourquoi nous pouvons être citoyens du monde : parce que tout homme fait partie du monde, parce que touthomme est fils de Dieu.

Qu'est Dieu, sinon la totalité du réel pénétrée par une raison qui lui est immanente et àlaquelle nous participons ? Les hommes, êtres raisonnables, sont citoyens d'un même monde et fils de Dieu : «N'est-il pas clair que, si tu t'appelles Athénien ou Corinthien, c'est que tu tires ton nom d'un milieu plus important,qui contient non seulement ce petit coin et toute ta maison, mais encore cet espace plus large d'où est sortie touteta famille jusqu'à toi ? [...] Dieu a laissé tomber la semence non seulement dans mon père et dans mon grand-père,mais dans tous les êtres qui naissent et croissent sur la terre, et en particulier dans les êtres raisonnables (parceque seuls, ils sont de nature à entrer en relation avec Dieu, à qui ils sont unis par la raison.

» (Épictète, Entretiens,in Les Stoïciens, Pléiade-Gallimard, p.

829).50Ainsi les hommes sont du monde et appartiennent d'autant plus au monde et à Dieu qu'ils ont la raison.

Fils deDieu, nous pouvons et devons être citoyens du monde et aménager un ordre politique mondial. • Le rôle de la raison et de la philosophie pour la réalisation de ce dessein : Le droit doit renvoyer à une baseinternationale, sans laquelle il ne peut être.

Si une nation est une âme, un principe spirituel et une grande solidarité,comme le proclamait, dans une définition célèbre, Renan, le monde aussi incarne une solidarité.

Il y a aujourd'hui unedimension fondamentale dans l'histoire : l'émergence planétaire de l'humanité.

C'est le grand corps planétaire quiprime de nos jours et la conscience planétaire qui l'emporte : ainsi se trouve magnifiquement vérifiée la vieilleintuition des stoïciens, selon laquelle nous pouvons être citoyens du monde par notre appartenance à la raisonuniverselle.Mais comment est-il possible et légitime de se faire citoyens de l'univers ? Comment encore mieux participer à cette. »

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