Peut-on être sur de bien agir ?
Publié le 26/02/2005
Extrait du document
Si Kant «
finit idiot », c'est notamment parce qu'il a officialisé la soumission
de la pensée à la théologie. L'idée même d'un devoir universel signifie
pour Nietzsche une aliénation insupportable de ce qui fait l'individu
lui-même. Dès lors, «bien faire » ne peut désigner qu'une action
souverainement indifférente aux normes dominantes (la morale des
esclaves et du ressentiment), uniquement déterminée par la pulsion
vitale (ou la volonté de puissance) que chacun doit écouter en soi.
Seule l'attention à ce qu'exige, dans l'être, son désir authentique dans
sa version la plus exaltante, peut alors s'accompagner de la certitude
de «bien faire», c'est-à-dire travailler, éventuellement dans la
solitude et en bravant les valeurs admises, à la restauration d'une
morale des « maîtres».
L'irrationalisme nietzschéen aboutit ainsi, indépendamment de toute loi
au sens classique, à situer le critère du bien dans la singularité et à
ne le faire affleurer que sous l'aspect d'une certitude intime, d'ordre
à la fois physique, sinon physiologique, et affectif.
La classique conscience morale (la «céleste voix» de Rousseau) ne
renvoie plus à aucune extériorité (divine ou, chez Kant, définie par
l'appartenance du sujet et à une humanité universelle), elle s'enracine
dans le corps lui-même et dans son énergie.
Cet individualisme
particulier confère au bien agir une ambiance tragique, évidemment
absente de la philosophie classique et notamment de Kant.
Bien agir ne peut résulter que d'une double opération :
* un repérage du bien,
* le réglage de l'action sur le bien ainsi défini.
On constate que, selon la conception du bien (universel ou subjectif),
l'assurance de bien agir change du tout au tout.
Mais avant de s'assurer qu'il y a bien accord entre le bien et l'action,
ce peut être l'existence même d'un bien qui fait elle-même problème.
Si bien agir est jugé selon l'acte accompli (et ses effets) peut-on être sûr de bien agir ? Si bien agir est jugé selon l'intention qui préside à l'action peut-on être sûr que nous ne nous méprenons pas nous-même sur l'intention véritable qui préside à l'action ? Peut-on être sûr alors de bien agir ? Si bien agir est jugé selon la conformité de l'acte (ou de l'intention) au « Bien « pouvons-nous être assurés de connaître ce « Bien « ?
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