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Peut-on penser la vie sans faire référence à la mort ?

Publié le 27/02/2004

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Autrement dit, l'homme ne peut que penser la vie. En effet, la métaphysique matérialiste d'Epicure va permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort. Les hommes ont peur de la mort. Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans l'absolument inconnu. Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles ne leur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres. Les chrétiens, par exemple, imagineront que quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer. La peur de la mort a partie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère. De plus, si tout dans l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous. Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».

« mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absencede sensation.

»En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la sourcede toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de toutmal, puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d'Epicurecomme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition dessensations, il ne peut y avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de survie dela conscience, de la pensée individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisquelorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.

»Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais quec'est ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dansla vie est une affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste. Pour la raison, la mort n'est qu'une fictionTout ce que je puis dire sur la mort renvoie immanquablement à ce que j'ai vécu et à ce que je vis.

Mieuxvaut donc arrêter de discourir sur elle.

La pensée classique, celle qu'incarne Descartes, occupée àappréhender la réalité au moyen d'idées «claires et distinctes», ne s'est pas attardée à définir une notion quin'a aucun contenu rationnel. "Le philosophe ne pense à aucune chose moins qu'à la mort et sa philosophie est une méditation dela vie, non de la mort" SPINOZA La philosophie de Spinoza est une ontologie optimiste : pour lui perfection et réalité, vertu et puissance sontmême chose.

Le bonheur absolu existe ici-bas dans la communion intellectuelle avec l'essence des choses.

Nil'erreur, ni le mal, ni la mort n'offrent la moindre prise à une pensée positive ; ils ne se définissent qu'à partirde l'Être dont ils sont défaut, privation ; la pensée de la mort est contradictoire, c'est une pensée folle carprétendre penser le rien revient très exactement à ne rien penser ; chacun de nous est une essenceparticulière affirmative qui tend obstinément à « persévérer dans son être »; et il faut bien comprendre que ce« conatus », cet effort vers la plénitude de l'existence n'a rien à voir avec un peureux et douillet instinct deconservation.

[L'homme est la seule créature qui, parmi toutes les espèces vivant sur terre, a conscience de sonexistence.

Il se sait mortel.

Voilà qui pose le plus grave des problèmes: qu'est-ce la vie au regard de la mort ?] La vie est courteHorace, dans ses Odes, a écrit ces mots célèbres: Carpe diem.

Ce qui signifie: «profite du jour présent».

C'estparce que je sais que je ne suis pas immortel que je réfléchis sur le temps qui passe, que je me demande ceque je dois faire de ma vie pour ne pas regretter, au jour de ma mort, de n'avoir pas vécu ce que je devaisvivre. La mort, comme néant, enrichit la vie.Semblablement, c'est parce que la mort, comprise comme néant, nous dévoile l'absurdité de la vie, que cettedernière pourra être authentiquement vécue, dans la conscience et la révolte : « Il s'agissait de savoir si lavie devait avoir un sens pour être vécue.

Il apparaît ici au contraire qu'elle sera d'autant mieux vécue qu'ellen'aura pas de sens.

Vivre une expérience, un destin, c'est l'accepter pleinement [...].

Vivre c'est faire vivrel'absurde.

Le faire vivre, c'est avant tout le regarder.

Au contraire d'Eurydice, l'absurde ne meurt que lorsqu'ons'en détourne.

L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte [...] Cette révoltedonne son prix à la vie » (A.

Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, coll.

Idées, pp.

76-77).

Ainsi, c'est dansle sentiment de notre finitude et la capacité que nous avons de faireface à notre propre mort que nous puisons la force et l'énergie de vivre pleinement et authentiquement la viequ'il nous est donné de vivre, car « la vie de l'esprit n'est pas la vie qui s'effarouche devant la mort et sepréserve pure de la décrépitude, c'est au contraire celle qui la supporte et se conserve en elle» (Hegel,Phénoménologie de l'esprit, p.

48, trad.

J.-P.

Lefebvre). La conscience de la mort comme stimulantL'animal n'a pas besoin de se poser de questions.

Il existe et se contente d'exister.

Il ne se demande paspourquoi il est né et pourquoi il est voué à disparaître.

Le drame de l'homme, qui est aussi à l'origine de sesplus profondes angoisses et de ses plus grandes méditations, réside dans le fait qu'il a conscience de la mortalors même qu'elle lui est inconnaissable.. »

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