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Peut-on regarder la mort en face ?

Publié le 22/12/2005

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Voir la mort est donc impossible, ce n'est même pas voir un « rien ». Alors que reste-il? La mort des autres: ce que je vois de la mort, c'est la mort des autres, cette mort que je vis comme une perte ou un simple fait divers touchant un anonyme qui attire à peine mon regard dans les rubriques nécrologiques. Mais de toute évidence, regarder la mort des autres ne nous proposent pas une solution pour mettre terme à cette cécité thanathologique. C'est toujours l'autre mourant que je vois, car une fois mort, il n'est plus qu'un cadavre: je n'ai pas accès à ses expériences subjectives d'alors si tenté qu'il y en ait, et je ne vois qu'un reste biologique inerte qui m'informe du point de vue anatomique mais guère plus. De plus, si c'est la mort de l'autre que je regarde, alors je ne la regarde plus en face, puisque c'est une perspective dont seul celui qui meurt jouit. Comment donc se figurer cette grande absente qui pourtant nous scandalise toujours autant?   Comment vouloir obtenir les aveux d'un muet Nous nous heurtons sans cesse à cet aspect inconnaissable de la mort. Le logos, ce discours rationnel, est d'habitude loquace, et pourtant il ne parvient pas à aborder cet autre côté de la rive d'où aucune lumière n'émet. La mort est foncièrement biface, pourrions nous dire.

HTML clipboard Regarder la mort, qu'est-ce regarder au juste? Sa propre fin? Mais cela ne ressemble à rien, cela n'a pas de figure. On peut s'imaginer comment nous allons mourir, de quelle manière, mais tout cela sont des épisodes qui précèdent la mort. Nous pouvons regarder la série des instants d'agonie ou de sommeil calme qui assure le passage entre la vie et la mort, mais jamais la mort en elle-même. Epicure disait lui-même, pour illustrer cette impossibilité de se représenter la mort: « quand elle est là, je ne suis pas, et tant que je suis elle n'est pas là «. Regarder sa propre mort en face, c'est donc impossible, car alors nous ne voyons rien. Bien que le « rien «, le néant, ce soit précisément ce qu'est la mort par rapport à l'être: dans la mort, je plonge dans le rien, dans le néant. Mais ça non plus je ne puis me le représenter: on ne peut se représenter le néant, notre conscience se portant toujours sur quelques objets effectifs. Si je n'imagine rien, je me représente toujours quelque chose, même si ce n'est qu'une couleur, du noir par exemple. Cela nous fait expérimenter la positivité de la pensée, en ce sens qu'elle n'est jamais au niveau zéro de la représentation, et encore moins au niveau négatif. La pensée a besoin de quelque chose, d'un « ti « comme disent les grecs, sur lequel s'appuyer. Voir la mort est donc impossible, ce n'est même pas voir un « rien «. Alors que reste-il? La mort des autres: ce que je vois de la mort, c'est la mort des autres, cette mort que je vis comme une perte ou un simple fait divers touchant un anonyme qui attire à peine mon regard dans les rubriques nécrologiques. Mais de toute évidence, regarder la mort des autres ne nous proposent pas une solution pour mettre terme à cette cécité thanathologique. C'est toujours l'autre mourant que je vois, car une fois mort, il n'est plus qu'un cadavre: je n'ai pas accès à ses expériences subjectives d'alors si tenté qu'il y en ait, et je ne vois qu'un reste biologique inerte qui m'informe du point de vue anatomique mais guère plus. De plus, si c'est la mort de l'autre que je regarde, alors je ne la regarde plus en face, puisque c'est une perspective dont seul celui qui meurt jouit. Comment donc se figurer cette grande absente qui pourtant nous scandalise toujours autant?

« toujours le coeur des hommes.

Les hommes parlent au fond parce qu'ils n'osent regarder en face cette grandeéchappée hors de la vie d'où ils perdront le contact avec tout ce qui leur est familier.

Et puisque le discoursmythique est sans référent, sans signifier, sans objet auquel il renvoie, il le créé lui-même, le modèle à sa manière.Les livres sacrés, les grands mythes de l'humanité nous racontent ainsi un monde de l'autre-côté, ce qu'il advient decelui qui cesse de respirer.

C'est une sorte de catharsis, censée conjurer les angoisses qui nous habitent face auphénomène.

Et il s'agit bien d'angoisse et non de peur, puisque la peur a un objet contrairement à l'angoisse qui nesait pas, qui ne voit pas, ce qui l'inquiète.

C'est dans cette impossibilité de regarder la mort en face que prendnaissance les mythes qui sont autant de projections fantasmatiques de nos désirs d'éternité. Assumer sa finitude relève d'un défi quasiment impossible pour l'homme: jamais il ne vivra comme s'il devait mourirdemain, mais bien au contraire comme s'il ne devait jamais mourir.

Notre époque n'échappe pas à cette grande fuite.Les EMR ou expériences de mort rapprochée illustrent ces nouveaux mythes sur l'au-delà.

Si la mort ne nous parlepas, alors faisons la ressembler à ce que nous voulons et ce qui nous soulage qu'elle soit.

Et même si l'on croit auxEMR, on remarquera qu'elles ne dépeignent jamais la mort, mais simplement le passage de l'existence à la mort,laissant le bout du tunnel, ou le bonhomme à barbe blanche comme des entités indépassables sous peine de nonretour! Memento mori! III. Cette phrase célèbre, qui n'est pas une formule magique tirée des romans J.K Rowling, est une sorte de refrainlancinant: Souviens toi que tu vas mourir ! Or, que se passerait-il si on vous apprenez que vous deviez mourir demain? Certains, insensibles, continueraient peut-être à vivre comme d'habitude, sans rien changer.

D'autres,incapables d'affronter une telle issue, préféreraient peut-être se suicider.

Et les autres? Et vous? On peut voir unealternative possible se dessiner, l'une horizontale, l'autre verticale: expliquons-nous. Certains s'affaireraient vers les temples pour une retraite spirituelle, religieuse à fin de se préparer à cet inquiétantpassage.

C'est le point de vue vertical en ce qu'il se réfère à quelque chose de transcendant, un Dieu, une sagessequi signale le caractère éphémère de l'existence comme passage vers un au-delà.

On remarquera cependant que laréférence à une entité transcendante n'est pas obligatoire.

Certaines sagesses insistent sur l'aspect immanent, touten atténuant les inquiétudes que peuvent susciter la mort.

D'autres profiterons de ce laps de temps pour faire tout ce qu'ils désirent, transgressant toutes les limites, laissant libres cours à leur désirs sans supporter une quelconquefrustration.

Tout devra alors s'exhausser: c'est l'aspect horizontal en ce qu'il centre le désir matériel.

Dans les deuxcas, on constate qu'une sévère réforme de l'existence se met en marche pour accéder à un aspect plus authentiqueou plus vivant selon les choix. L'irréversibilité de l'existence soudainement saisit par la conscience l'encourage à vivre plus intensément.

Dans Du temps et de l'éternité , Louis Lavelle caractérise ainsi cette essence du temps: « Car le propre du temps, c'est de nous devenir sensible moins par le don nouveau que chaque instant nous apporte que par la privation de ce quenous pensions posséder et que chaque instant nous retire ».

Regarder la mort en face nous renvoie donc avant tout à l'existence: en l'observant, c'est notre vie à laquelle nous sommes renvoyés, avec ses lacunes et sesdésavantages.

Mais l'on peut se demander si la mort ne doit pas être quelque part oublier pour pouvoir se lancerdans des projets futurs.

Sous quel cas sinon, chacune de nos entreprises risquent d'être frappée d'un « à quoi bon? » détruisant tout début d'intérêt. Conclusion Regarder la mort en face ne nous offre que le spectacle de notre propre vie, ce que nous y avons fait, ce que nousdésirons y faire.

Le Carpe Diem d'Horace (vis l'instant présent), se conjugue bien avec le memento mori , et nous encourage à prendre conscience du caractère précieux du temps, ainsi que du risque d'être, au crépuscule de savie, saisi par une vague de regrets.

Mais d'un autre côté, ne vaut-il pas alors le coup de se concentrer plus sur sapropre vie directement sans qu'il soit nécessaire d'avoir un ultimatum? Ne faut-il pas ignorer parfois la mort pour nepas perdre tout les sens de ce que nous faisons?. »

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