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Peut-on soutenir avec Nietzsche que toute philosophie est la confession de son auteur ?

Publié le 17/01/2004

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nietzsche
Alors que l'epithumia tend à fixer le juste en fonction des intérêts particuliers (est juste ce qui me convient ou m'avantage), la raison dégage ce qui fonde en soi la justice des lois. La référence platonicienne à l'Idée de Justice, atteignable uniquement par la raison, offre l'avantage d'accorder les hommes autour d'une référence commune. Toutefois, c'est cette prétention à l'universalité que Nietzsche bat en brèche lorsqu'il condamne toute philosophie à n'être que la confession de son auteur. Pour cela, il critique d'abord la raison en sa qualité d'instrument au service réflexion objective. Au début de Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche accuse ainsi la raison de n'être qu'un instinct parmi d'autres ; le corps n'est plus l'autre de la raison - le lieu des passions - résidus accessoirement relié à l'epithumia, mais c'est la raison qui vient prendre place au sein du composé d'instincts et de volontés que forme le corps :  « L'homme éveillé, celui qui sait, dit : Corps suis tout entier, et rien d'autre, et âme n'est qu'un mot pour quelque chose dans le corps. [...] Le corps est une grande raison, une pluralité [...]. Instrument de ton corps est aussi ta petite raison, mon frère, que tu nommes 'esprit', petit instrument et jouet de ta grande raison. » Ce qu'il nous faut bien saisir, c'est donc la façon dont la destitution de la raison, au profit du corps, empêche désormais de ressaisir la pensée sous la forme d'un discours objectif ou vrai (rationnellement déterminé) pour la renvoyer à l'expression d'un instinct particulier, à la confession d'une vie particulière et d'un corps déterminé.   II - La philosophie face à la critique externaliste               Ce que Nietzsche entreprend correspond clairement à une relativisation du discours philosophique, voire de tout discours. Puisque la raison ne possède aucune primauté décisive, comme elle ne parvient plus dès lors à déterminer ce qui est en soi (le Juste, par exemple), elle doit se contenter d'être l'expression d'une situation donnée particulière, c'est-à-dire des conditions externes (historiques, économiques, sociales, psychologiques, etc.

Le mot de Nietzsche qui consiste à rabattre d’un coup toute une philosophie sur la vie de son auteur recèle une charge polémique d’une rare violence à l’encontre de l’histoire de la philosophie. En effet, alors que l’identité de la philosophie s’est conquise dans la lutte contre l’obscurantisme, c’est-à-dire par la promotion de la rationalité et de l’universalité, Nietzsche relègue la raison au second plan, derrière les passions, dont le foisonnement forment le tissu embrouillé des confessions. Mais, peut-on d’un mot exclure la raison, pour retenir les seules passions comme source de toute réflexion ? Si le corps a ses raisons que la raison ne connaît point, en est-il pour autant le seul facteur déterminant ? Afin de le comprendre, nous tenterons d’abord d’analyser les présupposés de l’attaque nietzschéenne, puis de déceler les limites qu’elle est susceptible de rencontrer. Enfin, nous verrons dans quelle mesure la visée philosophie peut s’exempter d’un recours à la rationalité et en quoi elle nous y renvoie immanquablement.

 

nietzsche

« intellectuelle prise sur les Sophistes.

La mort de Socrate et la souffrance consécutive de son disciple expliqueraientà elles seules la pensée de Platon.

Avant d'être une raison philosophante, Platon serait un corps souffrant.

Ladénonciation des débats sophistiques sourd de l'impossibilité d'y imposer un quelconque ordre et du dépit que l'on entire.

Pour Nietzsche, Platon n'aurait jamais songé à élaborer la théorie des Idées, s'il avait disposé de la faconde desSophistes ; un bouleversement biographique aurait influencé directement son œuvre. III – Philosophie et vérité Le propos nietzschéen possède une force indéniable et une exerce un grand attrait sur la pensée en cherchant à déterminer, sous tout discours, une couche de sens cachée ou une origine masquée.

C'est commelorsque dans la vie courante nous avançons des arguments rationnels pour ne pas faire quelque chose (manque demoyens, de temps, etc.), quand la vraie raison en est la peur.

Toutefois, sur le plan théorique, deux objections seprésentent.

1° Un tel recours à une origine cachée ne doit pas encourager à la paresse de l'esprit : au lieud'examiner des arguments, nous trouvons des prétextes circonstanciels pour discréditer tout discours (par exemple,nous nous moquons de la personne au lieu de la réfuter ; procédé que Socrate dénonçait déjà dans le Gorgias ).

2° Si l'on admet la critique nietzschéenne, quel statut accorder au discours qui annonce l'irrationalité de tout discours ?En d'autres termes, ce que nous dit Nietzsche est-il objectivement acceptable, rationnellement fondé, c'est-à-direapplicable à tout discours ou bien ne s'agit-il là que d'une énième confession ? En somme, le relativisme qu'introduitNietzsche dans la pensée tend à se retourner contre lui-même en rendant incertain le statut de son propre discours.Doit-on pour autant tenir que les conditions d'émergence d'un discours lui sont purement et simplement étrangères ? Pour répondre, il faut se demander à quoi renvoie le fait de comprendre (au sens fort) une philosophie,puisque c'est ce genre de discours qui nous intéresse ici.

En effet, il d'abord possible de ne voir en elle qu'un fait culturel, un ensemble de représentations susceptibles d'être expliquées par la sociologie, la psychologie oul'économie.

Mais, à ne prendre en compte que cette dimension, on manque le cœur de l'intention philosophique pourne considérer qu'une histoire des idées rhapsodiques.

Ensuite, on peut considérer une philosophie du point de vue del'histoire critique, au sens où l'on cherche les sources de sa constitution.

Cependant, plus on s'efforce d'expliquerpar les sources, moins on comprend le système et, à la limite, nous n'avons plus affaire en ce cas qu'à des fibres de pensée, qui se nouent et se dénouent, sans qu'aucune création neuve ne survienne.

Par exemple, Spinoza ne seraitqu'un effet de causes conjuguées : le cartésianisme, la pensée juive, etc.

sans que lui-même n'ait rien apportéd'original.

Enfin, on peut comprendre une philosophie par l'unité, c'est-à-dire en faisant crédit à son auteur de sapropre cohérence (critère interne).

Par-là, on ne suit plus un mouvement centrifuge d'explication, mais une marchecentripète compréhensive en direction de l'intuition centrale de tel ou tel système.

Ce qui importe alors, c'est defaire progresser la compréhension des systèmes philosophiques en passant successivement d'un niveau à un autre.L'essentiel est de se souvenir que l'œuvre s'inscrit toujours dans un cadre historique, politique et économique qui ladépasse, mais qu'elle ne se réduit jamais intégralement à un effet de l'époque. De la même manière, on se tromperait en réduisant la singularité d'une philosophie – cette même singularité qui arrache l'œuvre aux conditions historiques – à la stricte subjectivité des philosophes eux-mêmes.

Ce qui importeà la philosophie, c'est qu'en définitive la subjectivité des philosophes se soit dépassée dans une œuvre, c'est-à-direabolie dans un sens.

S'il reste vrai, par exemple, que L' Éthique constitue le projet existentiel de Spinoza, il nous importe seulement que l'homme Spinoza ait réalisé son projet dans L' Éthique autrement que dans sa vie.

C'est le sens de son œuvre qui est l'essence singulière que nous tentons de comprendre et non l'existence de l'hommeSpinoza.

Si l'œuvre peut apparaître comme une confession, c'est alors en filigrane, telle une teinte qui n'oriente pasle sens de l'œuvre, mais le soutient.

Tout œuvre, pour limitée qu'elle soit par une expérience du monde, parcertaines rencontres ou certaines lectures, n'en est pas moins une tentative de transmission d'un messageuniversel, c'est-à-dire valable en tous temps et pour tous.

En ce sens, la philosophie tend vers la vérité.

Conclusion : Ainsi, il paraît difficile de tenir pour vrai, avec Nietzsche, que toute philosophie est la confession de son auteur.

Au moins pour la raison suivante : tenir pour vrai ce que dit Nietzsche implique de ne pas le tenir pour vrai.Cependant, l'attaque n'en est par pour autant dénué de pertinence, puisqu'elle nous permet de mettre au jourl'inconscient des textes (des œuvres philosophiques), qu'il soit psychologique, historique, social, économique, etc.Sur ce point, Nietzsche, avec Freud et Marx, décentre à bon droit la raison, en introduisant une faille dans sonexercice autonome.

Le résultat ne doit pas en être la destitution de la rationalité, mais l'allongement du parcours quimène de la raison à la raison en passant par son autre.

En ce sens, toute philosophie, pour entée qu'elle soit surune biographie, se dépasse dans un sens universel : c'est à ce prix-là qu'elle acquiert une texture humaine, qui lalimite et qu'elle se communique aux autres, ce qui l'ouvre.. »

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