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Peut-on trouver la vérité par le hasard ?

Publié le 26/12/2005

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La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements, l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel. On distinguera soigneusement la réalité qui concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement. Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux. La vérité ou la fausseté qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du jugement vrai. Est-ce que le fortuit, l'imprévisible, l'aléatoire peuvent permettre à l'homme de découvrir la vérité ? La recherche de la vérité n'est-elle pas toujours le fruit d'une démarche méthodique et rationnelle ? Le hasard est-il constructeur, fécond ? Par exemple, le cogito cartésien, première vérité et vérité première, aurait-il pu jaillir sans le doute méthodique et hyperbolique des "Méditations métaphysiques" ?  Illustrons plus précisément cette problématique par un exemple emprunté à la physique.

Notre rapport à la vérité est il nécessairement engagé dans une quête, une enquête ? Ne peut-on pas rencontrer la vérité comme on rencontre la foi, la peur ou l’amour c'est-à-dire par hasard ? L’accès à la vérité n’est pas essentiellement tributaire d’une démarche rationnelle et assumée, théorique et inquisitrice, l’histoire des sciences témoigne de découvertes purement circonstancielles, contingentes, parce que délivrées par un heureux hasard au détour d’une erreur de protocole par exemple. Cependant il faut se garder de faire la part trop belle au hasard. En effet dans ces cas où la vérité semble liée à un heureux hasard, il n’en reste pas moins que celui qui en bénéficie est toujours un chercheur de vérité, un homme de science.

 

 

« chercher la vérité (il y a aussi l'art, la psychanalyse, la philosophie…), elle reste la seule dont les critères permettentune moindre ambiguïté : la valeur de vérité est attestée par des critères objectifs, reconnus par la communautéscientifique présente ou à venir.

Disons que la science se donne les moyens d'entretenir un rapport critique avecson propre rapport à la vérité (par le moyen notamment des expériences cruciales qui décident de la validité d'unethéorie ou bien permettent de l'infirmer).

Or, l'histoire des sciences est féconde de cas où la vérité semble avoir été découverte par hasard.

Souventce hasard peut être lié à un concours de circonstance (Newton recevant une pomme sur la tête, Archimède dansson bain) or on nous objectera que ces cas sont certainement davantage mythiques que réels, donnant l'image(naïve ?) de la révélation comme sortie de nulle part, arrivant littéralement comme un coup sur la tête.

C'estpourquoi il vaut mieux retenir les cas objectifs et dont la réalité historique est attestée : Pasteur découvrantl'immunité en 1880 suite à une faute technique (cf.

Canguilhem La connaissance de la vie pp.

37-38), de même Canguilhem signale que la découverte de la fonction régulatrice du pancréas ne fut découverte que par hasardlorsque des scientifiques décidèrent pour d'autres raisons de procéder à l'ablation de cet organe sur un chenil.

Mais si la science, et en particulier évidemment la science expérimentale, est ouverte à ce genre d'heureuxhasard (encore faut-il savoir interpréter ce qui n'était pas prévu), c'est parce justement la science est empirique et donc faillible et aventureuse : le hasard heureux est toujours une erreur de protocole humaine ou bien un résultatimprévu qui surgit alors que l'on s'intéressait à tout autre chose.

C'est parce que la méthode expérimentale(thématisée par Claude Bernard mais existant avant lui) est toujours plus ou moins tâtonnante que la vérité peutsurgir par hasard, chose certainement inconcevable pour le philosophe, ici plus rationnel que le scientifique (imagine-t-on Platon, Descartes, Kant, Hegel ou Husserl attribuer leur doctrine de la vérité à un léger hasard ?).

II-Le hasard est-il vraiment en jeu ? Il y a une réserve essentielle à formuler, puisque en effet tout se passe comme si le hasard était provoqué,appelé par la circonstance, n'est-il pas contradictoire de penser qu'il y a un territoire privilégié pour l'émergence duhasard ? Le hasard comme tel n'est-il pas nécessairement inconditionné, d'ordre acausal ? Plutôt qu'un hasard, la découverte heureuse d'une vérité serait tributaire d'erreurs, de méthodesincertaines, bref causée par l'homme.

Or l'homme n'est pas maladroit ni faillible par hasard mais constitutivement,non pas seulement en fait mais en droit (sinon nous serions des anges ou des dieux).

La découverte de véritésscientifiques sur le rôle physiologique d'un organe, la valeur thérapeutique d'un inducteur chimique ou la causalitépathologique d'une habitude alimentaire peuvent être dues à des erreurs humaines mais non à de purs hasards ; lesrésultats inattendus sont provoqués, certes ils diffèrent de l'intention de départ, mais il faut remarquer que cesheureuses découvertes auraient pu être faites à partir d'hypothèses correctes.

La rencontre de la vérité est donc comme anticipée lors de rencontres heureuses mais rien ne dit que seulun concours de circonstances pouvait nous la délivrer.

De plus le scientifique lorsqu'il procède expérimentalementsait consciemment qu'il doit guetter toute réaction inattendue et à la limite on peut dire que c'est la possibilité d'unerencontre inattendue qui motive la recherche elle-même.

La recherche n'est ce qu'elle doit être que si elle n'est pascomplètement planifiée, que si le plan inclus une part d'aventure et d'incertitude.

La recherche ne consiste passeulement à vérifier des hypothèses mais encore à formuler des hypothèses à partir de faits imprévus.

Le hasard estdonc comme recherché et de fait cela revient à le dénaturer, ce n'est un hasard que pour un point de vue extérieur.

III- Réhabilitation du hasard. Il faut se demander rigoureusement ce qu'est le hasard et ne pas se contenter d'une acception trop lâche.Le hasard c'est selon Cournot la rencontre de deux séries causales indépendantes, en ce sens le hasard lorsqu'ilabouti à la découverte d'une vérité coïncide avec la chance.

Lors du tirage du loto il y a rencontre de deux séries :le tirage officiel dont la cause est mécanique (les boules sont tirées par un robot) et la série que moi j'ai choisi, dontla cause est donc liée à un choix personnel, le hasard peut être malheureux ou heureux (et caractérisé commechance).

Il est indéterminable mais statistiquement quantifiable, dans la mesure où l'on sait que les probabilitésn'ont aucune efficience (quoiqu'il y ait une chance de gagner sur 14 millions il y a tout de même quelques gagnantsparmi les joueurs).

Or c'est bien cette configuration que l'on retrouve dans nos précédents exemples, en cherchant à évaluerquelque chose on provoque autre chose, c'est-à-dire que l'on provoque par une intention déterminée une réactioncausale inconnue.

Le hasard est d'autant plus certain que le chercheur cherchait précisément autre chose que cequ'il a trouvé (ce qui n'était pas le cas dans les mythes de Newton et d'Archimède qui eux ne cherchait rien oudu moins rien d'autre).

Le hasard n'existe pas comme pur miracle tombé du ciel, il renvoie toujours à la rencontre de deux sérieschacune étant conditionnée ; Kandinsky eu l'idée de sacrifier l'objet dans ses tableaux lorsqu'il vit une toileretournée, ne sachant pas qu'elle n'était pas dans le bon sens il resta un moment surpris, le temps que naisse chezlui une impression esthétique.

On a là encore un hasard (une série causale qui fait que Kandinsky est un peintre quicherche son propre style et une autre qui fait qu'il avait mal rangé le tableau).

L'important est de voir que le hasardne suffit pas à révéler la vérité, encore faut-il y être attentif, savoir lire les signes de ce qui était imprévu et resteinvisible à d'autre.

Conclusion : Ce serait un préjugé que d'écarter le hasard comme chemin vers la vérité, celle-ci se donne tout autantdans le calcul, la réflexion que dans la rencontre sous forme de signe.

Il faut se défaire d'une conception magique duhasard, celui-ci a une structure tout à fait rationnelle ; le hasard n'est pas non plus efficace de lui-même, encore. »

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