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Philosopher, est-ce renoncer au désir ?

Publié le 25/01/2004

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CITATIONS: « Ma [...] maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde. » Descartes, Discours de la méthode, 1637.Cette maxime, empruntée à la morale stoïcienne, nous invite à maîtriser nos désirs, en ne les faisant porter que sur les choses qui dépendent de nous. Celui qui désire modifier le cours des événements (la fortune) ou bien changer l'ordre du monde échouera certainement, et en sera malheureux. Le bonheur appartient à celui qui parvient à ne désirer que ce qu'il peut effectivement obtenir. « Parce que la plupart de nos désirs s'étendent à des choses qui ne dépendent pas toutes de nous ni toutes d'autrui, nous devons exactement distinguer en elles ce qui ne dépend que de nous, afin de n'étendre notre désir qu'à cela seul. » Descartes, Les Passions de l'âme, 1649. « Ce n'est pas par la satisfaction des désirs que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir. » Épictète, Entretiens, vers 130 apr.

Analyse du sujet

-          La pluralité des définitions de la philosophie s’ordonne autour d’un foyer de sens : la philosophie est un travail critique de la pensée sur elle-même, en même temps qu’un effort pour rendre notre existence intelligible ; elle est l’acte d’une pensée s’exerçant à sa propre liberté et s’affrontant à la question du sens, sans autre secours que ceux qu’offrent la raison et l’expérience. La diversité des significations concerne principalement le statut donné à la rationalité et à la connaissance.

-          Mais l’homme semble, immédiatement, spontanément, être un être de désir. Puissance de négation et de transformation, de rêve et d’action, le désir est ce par quoi l’homme est ouvert à la dimension du possible et de l’imaginaire. Traçant une ligne de faille dans la plénitude du réel, il y introduit l’absence. Tour à tour destructeur et entreprenant, le désir met le monde en chantier : l’histoire de l’humanité est l’histoire de ses désirs. Pourtant, l’homme entretient avec lui des rapports difficiles et contradictoires. Toute une tradition religieuse et philosophique le stigmatise et le condamne. L’ascétisme, par exemple, figure l’idéal d’une humanité enfin délivrée du désir et nous rappelle que si l’homme est attachée à ses désirs comme à l’expressions de sa vie même, il est tout aussi pressé de s’en débarrasser et peut être habité par le plus paradoxal d’entre eux : le désir de mort, c’est-à-dire la mort du désir.

-          Or, on le voit bien, il apparaît que désir et activité du philosopher ne peuvent aller ensemble en ce sens que l’un né de la faculté du sentir et de l’imagination, alors que l’autre est activité de la raison humaine. En ce sens, il apparaît logique de dire que philosopher consiste à renoncer à ses désirs. Mais c’est précisément ce qu’on nous demande d’interroger.

-          En effet, si le philosopher se caractérise par l’activité de la faculté rationnelle de l’âme, pour parler en termes platonicien, et que le désir exprimer l’activité de la faculté désirante de l’âme, cela signifie-t-il pour autant que toute philosophie est exclusions pure et simple du désir ?

-          Pour sortir de l’impasse en effet, il nous faudra trouver une issue dialectique qui soit capable de nous faire penser philosopher et désir ensemble en dépassant leur opposition.

-          Ce qu’il faut clairement comprendre ici c’est que c’est précisément l’essence même de la philosophie en tant qu’activité qui est mise à la question.

Problématique

            Est-il légitime d’affirmer que l’essence du philosopher non seulement se confond mais encore s’épuise dans un renoncement absolu, radical, de tout désir, ou plutôt de toute forme de désir ? Ne doit-on pas, bien plutôt, chercher à penser dialectiquement philosophie et désir de sorte que l’on dépasse cette exclusion à la fois illégitime et manichéenne ?

Ce sont donc tout à la fois l’essence de l’activité philosophique que le statut du désir lui-même qui sont ici mis à la question.

 

« Ce sont donc tout à la fois l'essence de l'activité philosophique que le statut du désir lui-même qui sont ici mis à laquestion. Plan I.

Philosopher c'est moins renoncer au désir que de le maîtrise Dans le Discours de la méthode, Descartes écrit qu'il vaut mieux « changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde ».

En effet, la sagesse philosophique semble d'emblée s'inscrire par un renoncement au désir éprouvéimmédiatement mais qui ne saurait faire l'objet d'une satisfaction dans ce monde : en ce cas, la sagessephilosophique enjoint le sujet à se détourner de ce type de désir et de les substituer part d'autres qui sontréalisables compte tenu de l'ordre même du monde.

Aussi comprenons que Descartes ne nous demande pas derenoncer à toute forme de désir, mais simplement ceux qui, du fait même de l'ordre du monde, ne sont pasréalisables, ne dépendent pas de nous, et sont donc, en conséquence vain.

« Ma troisième maxime était detâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde, etgénéralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées,en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce quimanque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible.

[…]Mais j'avoue qu'il est besoin d'un longexercice, et d'une méditation souvent réitérée, pour s'accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses ; etje crois que c'est principalement en ceci que consistait le secret de ces philosophes qui ont pu autrefois sesoustraire de l'empire de la fortune, et, malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leursdieux »Nous voyons donc bien que Descartes ne définit pas le philosopher comme un renoncer pur et simple au désir, ildéfend au contraire une sagesse du contentement en enjoignant le philosophe à se détacher de ce qui nedépendrait pas véritablement de sa volonté et qu'il serait donc vain de chercher à acquérir.

Comprenons alorsen ce sens que philosopher c'est moins renoncer au désir lui-même qu'à le maintenir dans les limites de nospossibilités.Et d'ailleurs, nous pourrions remarquer que l'allusion de Descartes qui porte sur ces philosophes d'autrefoiss'adresse en réalité à la philosophie stoïcienne dont le contentement et l'ordonnancement de ses propres désirsen fonction de ce qui dépend de nous et de ce qui n'en dépend pas était le credo.En effet, pour Epicure la plupart de nos désirs sont générateurs de troubles parce qu'ils soumettent l'individu au vertige du changement, à l'instabilité du devenir, à des fuites incessantes dans le renouvellement de leursobjets.

S'il y a plaisir, il consistera pour l'essentiel en une « ataraxie », autrement dit en une absence dedouleur, que seule la satisfaction de nos besoins les plus élémentaires sera à même de promettre pourvu queleurs exigences s'inscrivent dans le cadre de la plus grande sobriété.Nous retrouvons donc ci les caractéristiques d'une maîtrise de soi, comprise comme sagesse, et entenduecomme ataraxie et autarcie, mais cette fois-ci ordonnées à la quête du bonheur.

La maîtrise de soi, en tantque telle, devient alors condition de possibilité de tout philosopher.

Et en ce sens l'on peut dire que philosopherc'est renoncer au désir qu'en tant que celui-ci est générateur de trouble.

Mais ce n'est pas renoncer à toutdésir.Epicure préconise l'usage judicieux des plaisirs : « Le plaisir est le commencement et la fin de la viebienheureuse.

» Mais nous ne recherchons pas tout plaisir, et nous n'évitons pas toute douleur : il est desplaisirs qui entraînent plus de souffrance qu'ils n'ont apporté de bien.

Il s'agit donc de distinguer entre plaisirsnaturels et non naturels, et parmi ceux-ci entre les plaisirs nécessaires et non nécessaires.

L'art de la vieheureuse et sans trouble consiste à savoir se satisfaire des seuls plaisirs naturels et nécessaires.c'est dans cette perspective d'une morale du contentement qu'il faut comprendre que l'activité de philosopherconsiste moins en un renoncement au désir qu'en un maîtrise assurée de ceux-ci. II.

La nécessité du passage au philosopher comme condition de sortie d'une immédiateté brute La sagesse philosophique est donc mise en place d'une maîtrise de soi, qui passe avant tout par une mise àdistance du monde et de soi, c'est-à-dire encore par une exigence de sortie de l'immédiateté brute, voirebrutale.

Autrement dit, à l'aune de la maîtrise du désir on peut à présent chercher à définir proprementl'essence du philosopher : à travers le cas paradigmatique du désir, l'on pourrait, en effet, le définir commecette activité de sagesse qui tend à forger un rapport réfléchi au monde et à soi.

La philosophie serait en cesens l'activité par laquelle l'homme sortirait de son immédiateté sensible, et pour ne pas dire animale, parl'entremise de l'exercice de la raison qui instaure une relation de réflexion entre l'homme et le monde, mais aussi(et c'est particulièrement le cas dans l'expérience du désir) entre l'homme et lui-même.On voit souvent dans le philosophe la figure du sage, conformément à l'étymologie courante de la philosophie :amour de la sagesse.

On pense que le philosophe a pu dépasser les contraintes et les souffrances propres à lacondition humaine par une transformation intérieure, une modification de sa psychologie.

Cette vision duphilosophe, d'inspiration stoïcienne, se retrouve dans l'injonction d' « être philosophe » que l'on peut nous. »

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