Devoir de Philosophie

La philosophie nous détache-t-elle du monde ?

Publié le 13/03/2004

Extrait du document

philosophie

Depuis son origine, la philosophie subit le reproche d'être éloignée du réel: Aristophane ne se prive pas de tourner en ridicule un Socrate égaré dans les nuages (Les Nuées), et la fréquente caricature du philosophe (comme d'ailleurs du savant) l'affuble d'une distraction permanente — symptôme de sa rupture par rapport au quotidien. Pris de façon sérieuse, un tel reproche ne peut qu'encourager à négliger la philosophie, sinon à la considérer comme inefficace et inutile, dans la mesure où, étant trop «abstraite« elle ne risque pas de favoriser la prise sur le réel du monde. La philosophie nous.détache-t-elle du monde ?

philosophie

« Introduction Depuis son origine, la philosophie subit le reproche d'être éloignée du réel: Aristophane ne se prive pas de tourner enridicule un Socrate égaré dans les nuages (Les Nuées), et la fréquente caricature du philosophe (comme d'ailleurs dusavant) l'affuble d'une distraction permanente — symptôme de sa rupture par rapport au quotidien.

Pris de façonsérieuse, un tel reproche ne peut qu'encourager à négliger la philosophie, sinon à la considérer comme inefficace etinutile, dans la mesure où, étant trop «abstraite» elle ne risque pas de favoriser la prise sur le réel du monde. 1.

Du monde perçu au monde conçu - Le monde, dans le quotidien, nous apparaît à travers des manifestations sensibles caractérisées par leur variété,mais aussi par leur fugacité.

Il concerne en priorité la perception.— Or il est incontestable que la philosophie, depuis Platon, se méfie de la perception, n'y trouvant que sourced'erreurs et défilé d'apparences inconsistantes (on peut faire une référence — mais rapide — à l'allégorie de lacaverne).

Elle privilégie le concept qui, en tant qu'universel et séparé des apparences, est bien abstrait: détaché detout «accident», de toute «qualité», du monde immédiat (cf texte d'Aristote, sujet n° 2).— Toute la bibliothèque philosophique et la pensée qu'elle transmet va dans ce sens: la réflexion, au moins dans unpremier temps, met le monde à distance — te qui suppose qu'elle s'en détache — et substitue à l'immédiateté dusensible un ensemble d'idées, de concepts qui, en se prétendant universellement applicables, commencent parnégliger chaque cas particulier.— Certains philosophes ont d'ailleurs énoncé eux-mêmes ce reproche.

Ainsi Nietzsche critique violemment l'usageconceptuel du langage, y décelant le refoulement de la singularité subjective (autre référence possible: Bergson, lemême reproche s'appliquant de son point de vue à la démarche scientifique). II.

«Transformer le monde» — On peut toutefois remarquer que ce privilège reconnu au concept par les philosophes classiques s'accompagned'une volonté d'agir sur le monde.

Chez Platon (La République) à la dialectique «ascendante», qui finit par accéderaux Idées, doit bien succéder une dialectique «descendante», qui trouvera son application complète dans lapolitique.

Il apparaît ainsi que le recours à l'abstraction des Idées est un détour qui doit permettre de mieuxretrouver le monde « réel»: le premier contact avec ce dernier, par la perception, est remplacé par uneconnaissance capable de faire la preuve de son efficacité.— Ce projet (modifier le monde réel) est en fait constant chez les philosophes (prendre en exemplescomplémentaires Descartes — rôle du savoir — ou Rousseau — incidences de la réflexion sur la morale et lapolitique).— Aussi la Xie thèse sur Feuerbach (Marx: «Jusqu'à présent, les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde, ils'agit désormais de le transformer») doit-elle être comprise, non comme soulignant et déplorant une prétendueabsence detoute volonté d'action dans la philosophie pré-marxiste, mais bien comme dénonçant l'idéalisme — involontaire — decette dernière, c'est-à-dire son inefficacité.

D'un point de vue marxiste, on peut donc soutenir que la philosophie(classique) détache en effet du monde, parce que les concepts qu'elle élabore ne peuvent dévoiler lefonctionnement authentique du réel : il s'agit donc d'élaborer une philosophie par nature articulée à la Praxis, surdes bases désormais matérialistes.— Sans trop insister sur les déconvenues des applications (plus ou moins authentiques...) du marxisme, il fautreconnaître que sa liaison à la Praxis fait problème, dans la mesure où les années quatre-vingt ont vu l'ébranlementde la réalité qui prétendait s'en inspirer. En 1845, Marx écrit les « Thèses sur Feuerbach ».

La onzième précise que « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, ce qui importe, c'est de letransformer ».

Contrairement à ce que prétend une interprétation courante, il ne s'agit pas pour Marx de répudier la philosophie et le travail de réflexion, mais de le redéfinir, et de lui donner une nouvelle place, une nouvelle tâche.

Marx ne récuse pas la pensée, mais sa transformation en idéologie, son éloignement de la pratique. La onzième thèse clôt la série de note rédigées par Marx en 1845 qui constitueront le point de départ de la rédaction, avec la collaboration d' Engels , de l' « Idéologie allemande » (1846).

Ces thèses, qui ne sont pas initialement destinées à la publication, paraîtront après la mortde Marx à l'initiative de Engels , qui les présente comme un document d'une valeur inappréciable puisque s'y trouve « déposé le germe génial de la nouvelle conception du mode ». Etape décisive dans la maturation de la pensée de Marx , cet ensemble d'aphorismes, en dépit de son apparente limpidité, ne peut être compris indépendamment de ce qui précède et de cequi suit le moment de sa rédaction.

Nul texte, en ce sens, ne se prête davantage au commentaire,alors même, paradoxalement, que cette onzième thèse semble dénier toute légitimité à l'activitéd'interpréter. Formé à l'école de la philosophie allemande, lecteur de Hegel avant de devenir émule de Feuerbach (qui est un « matérialiste » au sens des Lumières), Marx construit sa propre compréhension du monde en « réglant ses comptes avec sa conception philosophique. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles