Devoir de Philosophie

La poésie est-elle supérieure à la science ?

Publié le 16/09/2004

Extrait du document

Par « poésie «, nous entendons une forme littéraire qui se distingue de la prose par une exigence touchant a la forme du discours, celle-ci obéissant a des lois précises, formant des unités particulières que l’on nomme « vers «. Plus largement, la poésie est un usage particulier du langage qui consiste a rompre avec l’utilisation commune, et pourquoi pas triviale de la langue, de sorte a créer une expression qui mérite a bon droit le nom de « sacre « au sens étymologique du terme, a savoir de « coupé «, de « séparé «. La poésie est donc plus qu’un simple usage de la langue qui se singularise par rapport a l’usage habituel des locuteurs dans les conversations de tous les jours : elle est bien une langue dans la langue elle-même.

Dans un sens axiologique, le terme « supérieur « signifie qu’une chose ou un être a davantage de valeur qu’un autre. En ce sens, une chose « supérieure « est davantage estimable car elle a des qualités plus grandes ou reçoit une considération plus importante en fonction de ses mérites propres. Comme toute notion d’ordre axiologique, la supériorité peut nous apparaitre extrêmement relative puisqu’elle dépend d’un évaluateur ou du système moral dans lequel elle s’intègre.

 

Dans un sens large, la science est pour un sujet la possession d’un savoir complet qui s’accompagne de la connaissance de ce savoir. Celui-ci peut être considéré comme achevé et conscient de lui-même. Mais dans un sens plus précis, on nomme science une recherche qui définit un objet à connaître et procède par hypothèses afin d’atteindre une vérité objective dès lors que ces dernières sont confirmées.

 

Lorsque nous posons la question « La poésie est-elle supérieure à la science ?« nous posons une question qui peut à de nombreux égards nous surprendre. En effet, lorsque nous disons que la poésie est supérieure à la science, nous entendons par là qu’elle a davantage de valeur, qu’elle est plus digne de notre estime et mérite donc davantage d’être cultivée. Cependant, ne pouvons-nous pas considérer que la science est supérieure à la poésie, puisqu’elle est davantage qu’elle à même de connaître le monde et les hommes ? La supériorité de la science viendrait alors de son utilité et de sa capacité à répondre aux interrogations des hommes. Néanmoins, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur la validité même du type de réflexion impliquée par la question qui nous est posée ? En effet, nous demander si la poésie est supérieure à la science ne revient-il pas à nier la fondamentale différence de ces deux domaines où la pensée humaine s’exerce ?

 

La question au centre de notre travail sera donc de considérer si les rapports entre la poésie et la science peuvent être étudiés en termes axiologiques.

« b. hommes et le monde, ce qui nous permettrait de conclure à sa supériorité sur la poésie.

Nous tiendrons ici que lascience a pour effet de compenser la faiblesse originelle de notre entendement.

Par exemple, les découvertesscientifiques permettent de suppléer à notre incapacité à prédire l'avenir, notamment dans le domaine des sciencesde la nature : grâce à la science, nous pouvons déterminer avec un important degré de probabilité ce qui va advenirdans l'ordre de la nature (pensons à la météorologie, par exemple) Mais la science ne fait pas que suppléer à lafaiblesse originelle de notre entendement : elle nous permet également de conquérir de nouvelles capacités d'actiondans le monde et sur le monde.

C'est ainsi qu'au moyen de la science nous étendons le nombre de nos possibilitésd'action, conquérant des facultés qui n'étaient pas comprises dans la définition de notre humanité : grâce à lascience, les hommes sont capables de transcender les limites imposées à leur nature, volant dans les airs etpénétrant dans l'espace.

Rousseau montre bien cette dimension additive et toujours croissante de la science dansson Discours sur les sciences et les arts : les sciences et les arts ne cessent de permettre de nouvelles actions aux hommes, quoiqu'elles corrompent simultanément leurs mœurs.

Nous répondrons ainsi à la question qui nous estposée : la poésie n'est nullement supérieure à la science, bien au contraire, c'est la science qui est supérieure à lapoésie puisqu'elle est un moyen de connaissance adéquat. II.

Cependant, la poésie peut bel et bien être considérée comme un moyen de connaissance à l'égal de la science La poésie, moyen de connaitre le monde a. Cependant, il faut bien voir que nous ne pouvons en rester à une telle thèse, dans la mesure où elle méconnaitl'authentique capacité de la poésie à produire une connaissance sur le monde et les hommes, capacité qui l'égale aumoins à la science.

Dans La Poétique , Aristote écrit cette phrase célèbre « la poésie est une chose plus philosophique que l'histoire ».

En effet, alors que l'histoire est le récit du particulier, d'une réalisation effective et passée des potentialités du monde, la poésie est du vrai en général.

Faire de l'histoire consiste à connaître la réalitéen acte, alors que faire de la poésie suppose une connaissance générale de la réalité au-delà de ses réalisationshistoriques.

Par conséquent, l'art a une valeur éducative car il présuppose une connaissance chez l'artiste (celui-ciest capable de considérer la possibilité, la virtualité des réalisations potentielles du réel ; l'historien, lui, ne racontejamais que le particulier) ; mais également parce qu'il délivre à l'amateur d'art une connaissance.

Par exemple, enlisant La marmite de Plaute, le lecteur ne lira pas le portrait d'un avare singulier, mais de l'Avare dans sa généralité. Allant plus loin, le plaisir que l'on prend aux œuvres d'art pour Aristote dérive de leur capacité à nous apprendrequelque chose : « (…) en effet, si l'on aime à voir des images, c'est qu'en les regardant on apprend à connaître et on conclut ce qu'est chaque chose comme lorsqu'on dit : celui-là, c'est lui ».

Aristote, La Poétique .

Nous dirons donc que la poésie nous permet bel et bien de connaitre le monde, dans la mesure où elle est un moyen d'accès audomaine de la généralité.

A ce titre, elle est l'égale de la science. La poésie, moyen de connaitre les hommes b. Allant plus loin, nous pouvons dire que c'est pour une autre raison que la poésie est un moyen de connaissance :parce qu'il n'y a pas de véritable expression en dehors d'elle.

En effet, la poésie est non seulement le moyen optimalet privilégié de l'expression des sentiments, mais aussi le seul qui existe a proprement parler.

Appuyons nous sur cetexte théorique de Mallarmé pour soutenir notre thèse : Un désir indéniable à l'époque est de séparer, comme en vue d'attributions différentes, le double état de la parole,brut ou immédiat ici, là essentiel .

Narrer, enseigner, même décrire, cela va et encore qu'à chacun suffirait peut- être, pour échanger toute pensée humaine, de prendre ou de mettre dans la main d'autrui en silence une pièce demonnaie, l'emploi élémentaire du discours dessert l'universel reportage dont, la Littérature exceptée, participe tout, entre les genres d'écrits contemporains .

A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole cependant, si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'unproche ou concret rappel, la notion pure ? Mallarmé, Avant dire au trait du vers de René Ghil A la lumière de ce texte, nous pouvons voir qu'en dehors de la poésie, n'existe que « l'universel reportage », c'est-à-dire un usage instrumental du langage, à l'intérieur duquel rien de personnel et de singulier ne se dit, et qui n'ad'autre but que de permettre les échanges humains, au sens le plus matériel du terme « échange ».

La poésie estdonc un moyen de connaissance, puisqu'elle est un medium d'extériorisation des sentiments humains.

Le poèteapprend à connaitre des sentiments qu'il ne se savait pas avoir en dehors de la création littéraire, et ses lecteurs. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles