Devoir de Philosophie

La politique est-elle une technique?

Publié le 18/02/2005

Extrait du document

technique
Deuxième partie - Plus encore : les enjeux techniques eux-mêmes ne prédominent-ils pas désormais sur les questions politiques ? Le remplacement des vieilles élites nourries à l'humanisme des Lumières par les ingénieurs et les énarques, la dévalorisation des humanités au profit de « sciences » plus « utiles », telles que l'économie, ne vérifient-ils pas les prophéties d'Auguste Comte (« âge du positivisme ») ? - Nonobstant le caractère utile des techniques modernes, assujettir la politique au règne positiviste des « technocrates » apparaît soit comme un leurre vérifiant plutôt les prophéties de Nietzsche au sujet du nihilisme menaçant les sociétés industrielles, soit comme un voile idéologique visant à masquer la neutralisation du débat politique par l'argument d'autorité, hier fourni par l'Eglise, aujourd'hui par la Science (cf. Isabelle Stengers, Sciences et pouvoirs, La Découverte, 2002). Les enjeux politiques ne sauraient en effet être tranchés par de simples considérations techniques, d'autant plus que les questions ayant trait à la technique relèvent elles-mêmes de considérations politiques (pourquoi favoriser telle ou telle technique ?). Si Max Weber souligne ainsi les processus de rationalisation à l'oeuvre dans la Modernité, ainsi que l'utilité des appareils bureaucratiques et de la constitution d'une classe de fonctionnaires loyaux et efficaces, réduire la politique à cette « machine », sans disposer de véritables politiques étant animés d'une passion pour une « cause » (ce qu'il appelle la « vocation » de politique), conduit nécessairement au règne de la médiocrité et du cynisme (Le Savant et la politique, La Découverte, 2003, pp.180-185). - Si une part du politique semble pouvoir être « rationalisée », conduisant à un usage et à une puissance accrue de la technique, on ne peut raisonnablement croire que la politique sera, à l'avenir, absorbée par la technique (comme le croyait par exemple Engels prophétisant l'euthanasie de l'Etat : « Le gouvernement des personnes fait place à l'administration des choses et à la direction des opérations de production. L'Etat n'est pas « aboli ».

technique

« Rendant hommage à l'habileté de la démonstration de Socrate , un autre des interlocuteurs ( Adimante ) s'insurge contre les conclusions auxquelles il aboutit.

Il objecte : « On voit bien que ceux qui s'appliquent à la philosophie, et qui, après l'avoir étudiée dans la jeunesse pour leur instruction, ne l'abandonnent pas mais y restent attachés,deviennent pour la plupart des personnages tout à fait bizarres, pour ne pas dire tout à fait pervers, tandis queceux qui semblent les meilleurs, gâtés néanmoins par cette étude que tu vantes, sont inutiles aux cités.

» Socrate n'en disconvient pas.

Il souligne cependant que l'inutilité de la philosophie n'est pas le fait des philosophes, mais des citoyens qui se refusent à chercher conseil auprès d'eux.

Socrate s'explique au moyen d'une image.

Il compare la société à un navire dans lequel les marins, ignorants es lois de la navigation, se disputent le gouvernailet méconnaissent le seul vrai pilote qui pourrait les guider, préférant le tenir pour un « bayeur aux étoiles », « un vain discoureur » et « un propre à rien ». En ce qui concerne la perversité des philosophes, Socrate s'attache à en expliquer les causes.

Il décrit les dégradations du naturel du vrai philosophe en montrant que celui-ci, doué à l'origine de toutes sortes de hautesqualités, peut déchoir si de néfastes influences s'exercent sur lui : « Si donc ce naturel que nous avons attribué au philosophe reçoit l'enseignement qui lui convient, c'est une nécessité qu'en se développant il parvienne à toutes lesvertus ; mais s'il a été semé, a grandi et a puisé sa nourriture dans un sol ne lui convenant pas, c'est une nécessitéqu'il produise tous les vices, à moins qu'un dieu ne lui porte secours. » Or, dans la société telle qu'elle est, les jeunes gens doués de toutes les qualités qui font les philosophes vont sedétourner de la vérité et gaspiller leurs talents pour assurer leur réussite personnelle et celle de leur famille.

Dèslors, seuls les moins aptes à la philosophie se consacreront à elle : « Donc, ces hommes, nés pour la philosophie, s'en étant éloignés et l'ayant laissée seule et inféconde, pour mener une vie contraire à leur nature et à la vérité,d'autres, indignes, s'introduisent auprès de cette orpheline abandonnée de ses proches, la déshonorent, et luiattirent les reproches dont tu dis que la chargent ses détracteurs : à savoir que de ceux qui ont commerce avecelle, certains ne sont bons à rien, et la plupart méritent les plus grands maux. » La solution passe donc, poursuit Socrate , dans une nouvelle attitude adoptée par la cité à l'égard de la philosophie. Il ne faut pas enseigner la philosophie aux enfants pour qu'ils oublient celle-ci une fois arrivés à l'âge adulte mais,tout au contraire : « donner aux adolescents et aux enfants une éducation et une culture appropriées à leur jeunesse, prendre grand soin de leur corps à l'époque où il croit et se forme, afin de le préparer à servir laphilosophie ; puis quand l'âge vient où l'âme entre dans sa maturité, renforcer les exercices qui lui sont propres ; etlorsque les forces déclinent, et que le temps est passé des travaux politiques et militaires, libérer dans le champsacré, exempts de toute occupation importante, ceux qui veulent mener ici-bas une vie heureuse et, après leurmort, couronner dans l'autre monde la vie qu'ils auront vécue d'une destinée digne d'elle.

» Que les philosophes soient rois et guident ainsi la multitude : est-ce là un simple rêve ? Socrate admet que la réalisation en est difficile mais il nie qu'elle soit impossible.

A cette condition seule, les hommes pourront connaître lavéritable félicité : « Une cité ne sera heureuse qu'autant que le plan en aura été tracé par des artistes utilisant un modèle divin. » Et ces artistes, Socrate décrit ainsi ce que sera leur tâche : « Parachevant cette esquisse, ils porteront fréquemment leurs regards, d'un côté sur l'essence de la justice, de la beauté, de la tempérance et des vertus dece genre, et de l'autre côté sur la copie humaine qu'ils en font ; et par la combinaison et le mélange d'institutionsappropriées, ils s'efforceront d'atteindre à la ressemblance de l'humanité véritable, en s'inspirant de ce modèlequ'Homère , lorsqu'il le rencontre parmi les hommes, appelle divin et semblable aux dieux. » Exprimée par Platon , la conviction que les philosophes doivent être rois ou les rois philosophes s'imposa dans l'histoire de la pensée politique.

Comme toutes les idées fortes et simples, elle devint même un lieu communainsi qu'en témoigne, parmi des centaines d'autres exemples, le chapitre XLIII du « Gargantua » de Rabelais . Séduit par la générosité et la grandeur de Grandgousier , le peuple manifeste son admiration pour un roi si savant et si juste.

Gargantua cite alors Platon : « C'est ce que dist Platon : que lors les republicques seroient heureuses quand les roys philosopheroient ou les philosphes regneroient .

» La « République », cependant, ne se limite pas à cette seule théorie du philosophe-roi.

Platon y propose une description de sa cité idéale dans laquelle règnent l'union de tous et, parmi les gardiens, la communauté desfemmes, des enfants et des biens.

En ce sens, on a pu définir la philosophie de Platon comme la première expression du communisme.Si la réunion de la philosophie et du pouvoir politique reste cependant la caractéristique essentielle du systèmePlaton icien, c'est que l'ordre de la cité idéale y est inséparable d'un ordre total que seule la raison est à même de mettre au jour.Le scandale pour nous réside dans le fait que cet ordre est indissociable d'une conception de la justice qui noussemble le comble même de l'injustice.

Pour Platon , la justice est en effet dans le respect de cet ordre idéal qui assigne à chacun sa place et sa fonction.

Or, la société que décrit Platon est, si on la juge à l'aune de nos valeurs modernes, une société radicalement inégalitaire, un univers de castes qui nie l'individualité de ses membres.

Lesêtres y sont en effet répartis en trois races : celle d'or, celle d'argent et celle de fer et d'airain.

Même si lesindividus ne sont pas assignés à une race en raison seulement de l'hérédité, il est certain qu'un ordre, que nousjugerions très pesant, s'impose à eux et détermine l'essentiel de leur existence.En ce sens le communisme Platon icien est l'exacte antithèse du communisme marxiste puisqu'il consiste non en l'abolition de la lutte des classes, mais en l'organisation rigide d'une société qui tire paradoxalement le principe deson unité de sa division même en castes.

Si l'on ajoute à cela le fait que, dans la « République », l'individu semble n'exister que pour et en fonction de la communauté à laquelle il appartient, on comprendra que certains théoriciensmodernes aient voulu voir dans la philosophie Platon icienne le premier de tous les totalitarismes.

Appliquer la catégorie moderne de « totalitarisme » à la « République » Platon icienne constitue bien entendu un anachronisme. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles