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Pour bien penser faut-il ne rien aimer ?

Publié le 12/03/2004

Extrait du document

  • Les termes du sujet
 
1. Précisez ce qu'il faut entendre ici par «bien penser«. Analysez la signification de cette expression par rapport à ses contraires (mal penser, penser «de travers«, avoir des préjugés, être irréfléchi, avoir de «mauvaises« pensées, être déraisonnable...).
2. Pour construire une dissertation qui traite vraiment ce sujet, faut-il considérer que «bien penser« renvoie ici aux décisions relatives à la conduite de la vie? A la construction de connaissances? Aux deux?
3. Quel sens faut-il donner au verbe «aimer« pour que le sujet débouche sur la discussion d'un problème philosophique pertinent? (Éprouver de l'affection pour quelqu'un ou quelque chose? Être amoureux? Être passionné? Éprouver des sentiments? Avoir des préférences?)
4. Le verbe «falloir« renvoie généralement à une obligation. En vous appuyant sur des exemples, montrez qu'on ne saurait être obligé de faire ce qu'on n'a pas le pouvoir de faire.
 
  • Les présupposés du sujet
 
5. On présuppose parfois une opposition entre d'un côté ce qui relève de la sensibilité et des sentiments, ou du désir, et de l'autre ce qui relève de la pensée, de la raison et des raisonnements, de la théorie. Explicitez et illustrez cette opposition. Est-elle toujours pertinente? Cherchez des contre-exemples.
6. Montrez en quoi présupposer une telle opposition invite à choisir entre l'amour (et, d'une façon générale, les sentiments, voire les passions) et le jugement sain. Mettez en évidence les préjugés de celui qui choisit d'emblée les passions contre le jugement; puis les préjugés de celui qui fait le choix inverse.
 
  • Éléments pour une problématique
 
7. Peut-on souhaiter une existence «raisonnable« si celle-ci consiste à n'éprouver aucun sentiment ni aucune passion? Être raisonnable, est-ce nécessairement cela?
8. À quelles conditions nos passions sont-elles raisonnables? Sont-elles condamnées dès lors qu'on s'interroge sur leur caractère raisonnable? Une passion raisonnable est-elle encore une passion?
9. La pensée rigoureuse peut-elle être l'objet d'une passion? Par exemple: est-il envisageable d'éprouver une passion pour la science ou une passion pour la sagesse?
10. Le souci d'une pensée consciente et rigoureuse, la volonté de lucidité nous empêchent-ils nécessairement d'éprouver de l'affection et de l'attachement pour autrui? d'aimer le monde dans lequel nous vivons? Montrez en quoi certaines façons d'être rigoureux peuvent conduire à des dérives inhumaines; donnez-en des exemples. Comment ces dérives peuvent-elles être évitées?
 
Introduction
  •  I. Pourquoi craindre l'attachement?
  •  II. L'amour du vrai et du bien.
  •  III. Ressorts affectifs de la pensée.
 Conclusion

« Bien penser, c'est, au sens premier, mesurer, peser le pour et le contre.

Une telle activité semble appeler uneneutralité du sujet pensant, puisqu'il est sous-entendu que, pour bien exercer son jugement, il ne doit connaîtreaucun préjugé favorable à l'égard de ce qui s'offre à sa mesure.Ainsi le penseur devrait-il faire preuve de froideur et de désintérêt.

Toute préférence signifierait pour lui le risque deperdre son «égalité d'âme» et, en raison même de son attachement, la proximité de l'aveuglement ou de l'injustice.A ce portrait idéal, sinon idéaliste, il est facile d'opposer la réalité de l'existence humaine : quel individu peut affirmerne rien aimer? Le penseur, ou philosophe, est un homme parmi les autres, et, comme tout un chacun, il appréciequelques plaisirs quotidiens.

Il semble assez difficile d'affirmer qu'un amour, même anormal, de la tarte au citronviendra automatiquement fausser sa pensée (du moment, bien sûr, qu'il ne souffre pas d'indigestion).Plus sérieusement, et plus radicalement, celui qui prétend penser doit y trouver quelque satisfaction: bien penserimplique, au minimum, l'amour de la pensée elle-même, qui peut devenir tel qu'il efface tous les autres. Mais aimer la pensée, c'est croire qu'elle n'est pas vaine et que le but qu'elle poursuit n'est pas illusoire.De ce point de vue, l'exercice de la pensée correcte ou bien menée ne peut avoir lieu que si l'on préfère la vérité àl'erreur, ou le bien au mal.

Faute de quoi il n'y a nulle raison de vouloir bien penser.La pensée juste n'est pas en effet une donnée immédiate.

Tout au contraire, elle ne se constitue qu'en détruisantles valeurs apparentes (même si elles sont communément admises), les opinions et les idées toutes faites.

Lapensée juste est ainsi nécessairement polémique, mais c'est parce qu'elle ambitionne de trouver le vrai — auquel elleaccorde donc le plus grand prix, ou, si l'on préfère, qu'elle aime.C'est à l'inverse, si l'on est indifférent au vrai et au bien, si l'on n'aime pas davantage le bien que le mal ou le vraique le faux, que la pensée perd toute exigence (qu'elle ne s'effectue pas « bien »), et qu'elle devient aussitôtbeaucoup plus facile et sans doute, d'une certaine façon, plus «séduisante ».L'amour du vrai et du bien, c'est ce qui définit traditionnellement, dès Socrate, l'attitude philosophique.

Que lephilosophe se condamne à ne rien aimer, ne serait-ce pas contredire son appellation même — qui fait allusion à laquête amoureuse d'une sagesse jamais assurée. (Le candidat possédant une connaissance suffisante du Banquet de Platon peut ici y faire allusion.

D'un point de vueplatonicien, la question appelle une réponse immédiatement négative, puisque c'est précisément l'amour, à traversses différents niveaux, qui permet de découvrir l'idée de Beau en soi, si voisines de celle du Bien, et l'amour desIdées est ce qui, par définition, fait penser le philosophe.) Bien penser ne peut s'effectuer que sur le fond de cet amour du vrai et du bien.

Mais cet amour n'est pas seulementcondition initiale.

Peut-être constitue-t-il le ressort permanent de la pensée.

Celle-ci est lente, difficile, jamaiscertaine d'atteindre son but.

Si elle devait se développer indépendamment de toute affectivité, sans doute serait-elle désespérante : l'amour du vrai, l'espoir de le trouver, constituent l'aiguillon constant qui relance la pensée et enmaintient la tension.

C'est lui qui peut seul donner à l'exercice de la pensée son contrepoint affectif — ce sentimentde joie qui peut se manifester après chaque pas en avant, et va parfois jusqu'à l'ivresse.Pascal et Nietzsche, si différents à tant d'égards, se rejoignent dans leur façon de témoigner du bonheur ressentilors de la révélation de leur vérité: au Mémorial de l'un fait écho l'exaltation du second.

Au «Joie.

Pleurs de joie» dumystique répond le pseudonyme bouillonnant de rage de l'« Antéchrist ».

De part et d'autre, l'accès à la valeur estsanctionné par le sentiment d'une plénitude qui constitue le point ultime de la passion mise dans la quête. Ne rien aimer est le lot des «âmes mortes».

L'amour animant qui prétend bien penser est en fait une passion pour ceque peut ou doit lui apporter la pensée elle-même.. »

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