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Pourquoi défendre le faible ?

Publié le 09/03/2004

Extrait du document

(...)Dans la liberté commune nul n'a le droit de faire ce que la liberté d'un autre lui interdit, et la vraie liberté n'est jamais destructrice d'elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu'on s'y prenne tout gêne dans l'exécution d'une volonté désordonnée.Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois : dans l'état même de nature, l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit pas aux hommes. « De plus, il y a fort à parier que les lois seront justes, puisque ceux qui les font doivent les subir ; chaque membre de l'Etat est à la fois et législateur et sujet. Son propre intérêt lui commande donc de faire des lois judicieuses, puisqu'il en subira les conséquences. Ainsi, l'égoïsme naturel se voit servir l'intérêt commun.On comprend alors la fort belle formule de Rousseau : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. «   L'obéissance au seul appétit est esclavage et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.

Partout ou les communauté humaines subsistent, subsiste également un refus consensuel et légal de la violence. Cet état de fait semble, en effet, consubstantiel à la proclamation de la civilisation. C'est dire que dans nos sociétés sont simultanément reconnus la force, la fragilité humaine et le devoir de préservation et de défense de cette dernière contre tout usage de la force à son égard. Il peut même arrivé, dans certains cas et du point de vue juridique, qu'un individu laissant autrui se faire agresser par un tiers soit accusé de non assistance à personne en danger. Notre société va donc jusqu'à sanctionner l'absence de secours à quelqu'un en situation de faiblesse.  Cependant, il peut paraître légitime, au regard de la nature, de se demander ce qui pousse l'humain à défendre cette fragilité. En effet, le monde animal ne semble pas agir dans le même sens que nous. Le faible est amené dans ce premier et invariablement, à périr.  Au nom de quel(s) principes, donc, sommes-nous amenés à prendre la défense du plus faible que nous ? 

« souffre.

Les dix commandements divins, d'ailleurs, exhortent les hommes à proscrire tout usage de la force ou de larouerie envers son prochain.

Défendre le faible signifie donc en quelque sorte respecter l'ordre divin. Plus, cette défense participe même d'une certaine idée que nous nous faisons de l'humain.

Doué de conscience et d'empathie,ce dernier perd son statut particulier toutes les fois ou il use de la violence envers cet autre qui n'a pas le pouvoirde se défendre.

Nous défendons le faible également par participation à cette civilisation qui proclame la naturespécifique de l'humain.

C'est alors à une idée de la justice que se réfère cette propension à reconnaître et secourircelui à qui la force et la supériorité font, en divers domaines, défaut. Défendre le faible, c'est donc toujours reconnaître la spécificité humaine et les différences qui composent sa communauté, en termes biologiques, religieux,moraux. II) Le mensonge culturel Cependant, reconnaissons que cette défense est « inventée », artificielle, si nous nous référons aux lois de lanature.

C'est alors à une immense distinction – nature/culture – que nous renvoie la question ici posée.

Au regarddes innombrables et récurrentes polémiques qui émaillent l'histoire de l'humanité, admettons que cette idée dedéfense du plus faible peut faire l'objet d'une discussion. Celle-ci ne manque pas d'avoir lieu dès l'aube de la pensée philosophique.

Platon nous donne en effet à voir, par le biais du dialogue entre son maître Socrate et Calliclès (cf.Gorgias ), toute la polémique qui subsiste entre une pensée de la loi et une pensée de la nature sur la question de l'injustice.

Platon place d'ailleurs une de ses plus magnifiques tirades dans la bouche de l'adversaire de Socrate !Calliclès, en effet, reproche à Socrate de semer le trouble dans les esprits en en appelant systématiquement de lanature à la loi et inversement.

Calliclès estime que la nature parle clair : elle montre partout qu'il appartient au fortde dominer le faible.

Telle est la seule, vraie et légitime loi : celle de la nature.

La loi, en son sens, n'est qu'unstratagème des faibles pour se prémunir des forts ! Nietzsche reprendra, d'ailleurs, à son compte cette idée, en reformulant à sa manière la distinction fort/faible (cf.Généalogie de la morale ) .

Le faible, à ses yeux, est justement l'être « réactif », plein de ressentiment et de mesquinerie qui invente la loi – par le biais de la religion judéo-chrétienne, de la morale, de la politique – pourpervertir la nature et dominer bassement les êtres « forts », « nobles d'esprit ».

Et selon l'allemand, il y parvient,l'histoire de la civilisation humaine le prouve ! C'est donc, pense-t-il bien illégitimement et abusivement que le faibledevient l'être à défendre.

Ce dernier ne fait que prôner la négation et la haine du corps, de la vie, de la joie, del'ivresse par le biais d'une culture abêtissante et trompeuse. Hegel, également, opposera les « faibles » aux héros, aux grands caractères dont « la force est de ne pas avoir à choisir, d'être tout entiers dans ce qu'ils veulent etfont » (cf.

Esthétique ). Conclusion- Chaque fois que nous défendons autrui, en position de faiblesse, nous proclamons cette nature humainespécifique, toute emprunte de bienveillance, de conscience des différences qui nous séparent et pourtant nousrelient dans l'expérience de la construction progressive d'une civilisation toute emprunte de justice et deresponsabilité.- Mais cette expérience peut, à bon droit, être considérée comme artificielle, voire trompeuse, au regard d'unenature que nous ne jugeons cruelle que parce que nous la jugeons avec un regard bien humain.

Peut être « trophumain », disait Nietzsche ?. »

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