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Pouvons-nous tenir l'évidence intuitive pour un authentique critère de vérité ?

Publié le 18/03/2004

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Le type idéal de l'intuition est la connaissance que j'ai de ma pensée; dans ce cas, en effet, non seulement il n'y a aucun intermédiaire entre ma pensée et son objet, mais sujet pensant et objet pensé s'identifient. Cependant c'est le phénomène de la vue qui nous fournit l'exemple le plus clair de la connaissance intuitive. Etymologiquement d'ailleurs, intuition signifie vision : c'est une intuition visuelle qui m'apprend que vous entrez dans ma chambre. Sans doute, entre vous et la connaissance que j'ai de vos mouvements, il y a l'image rétinienne avec tous les phénomènes physiques qui la précèdent et tous les phénomènes physiologiques qui la suivent; mais ces intermédiaires me restent inconnus : c'est vers vous que se porte directement mon esprit.c) En réalité, toute connaissance se 'ramène à des intuitions. La connaissance discursive; en effet, suppose l'intuition du rapport qu'il y a entre les signes et la chose signifiée, entre la définition des objets et les propriétés qu'on en déduit, entre les effets et la cause, etc. Ces intuitions de rapports sont ordinairement appelées intuitions rationnelles parce qu'elles sont le privilège d'êtres doués de raison, les intuitions de choses pouvant être appelées intuitions empiriques.« Évidence intuitive » ne dit donc pas davantage qu'« évidence » ou quo « intuition » tout court : toute évidence suppose une intuition et toute intuition donne une évidence. Mais le mot « évidence » met l'accent sur le caractère indubitable de la connaissance, le mot « intuitif n sur son caractère immédiat.B.

« b) Mais si l'évidence véritable est infaillible, elle est moins commune que ne le croit le vulgaire.

Elle suppose, eneffet, que nous ne voyons ni plus ni moins que ce qu'il nous est donné.Or, il est bien des cas où nous voyons plus par suite de nos préjugés et de nos passions.

Nous ne pouvons pas nousfier à notre sentiment spontané d'évidence dans les questions qui nous tiennent à coeur : l'évidente qu'a une mèrede l'innocence de son fils accusé d'un crime n'a aucune valeur.

Il est nécessaire d'un long effort pour parvenir audésintéressement indispensable pour bien juger et on n'est' jamais certain d'y être parvenu.

Parfois aussi la réactioncontre l'intérêt personnel va au-delà du but et nous rend trop sévère l pour nous.Dans d'autres cas, c'est la complexité de l'objet qui nous empêche de tout voir.

Nous jugeons bien commeintelligence pure, mais d'après ce que notre esprit' embrasse , et d'après la manière dont les choses se présentent àlui.

Il est des éléments du réel qui nous échappent, des points de vue auxquels nous n'avons pas songé.

C'estl'observation d'un fait ignoré jusque-là qui, le plus souvent, renouvelle tout un chapitre de la physique. c) Le domaine de nos connaissances dans lequel il est possible d'aboutir à des évidences véritables est néanmoinsétendu.Tout d'abord, nous pouvons avoir des évidences absolues ou métaphysiques en mathématiques ` les êtresmathématiques, en effet, étant purement abstraits, ne provoquent pas de passions; d'autre part, étant créés parl'esprit, nous savons ce qu'ils contiennent et ne risquons pas de laisser échapper d'élément essentiel.En dehors des mathématiques, nous pouvons avoir des évidences physiques de faits simples comme notre existence,le fait que nous pensons ou même le fait qu'if fait jour ou que Napoléon a existé.Au-delà le vaste domaine des évidences morales ou pratiques qui commandent la presque totalité de notre vie.

Ellesrésultent de probabilités convergentes. B.

Évidence et critère de la vérité.

— Il reste une question subsidiaire portant sur le terme même de critère :pouvons-nous considérer l'évidence comme le critère de la vérité ? a) Cette façon de parler suppose que, ne pouvant atteindre la vérité elle-même, nous cherchons un signe auquelnous pourrons la reconnaître infailliblement.

Pouvons-nous admettre cette conception d'une évidence qui serait lestade préliminaire à la reconnaissance de la vérité? b) A la question ainsi posée nous devons répondre par la négative : l'évidence ne se distingue pas de la vérité.Psychologiquement, l'affirmation véridique ne comporte pas deux étapes : d'abord la perception d'une évidence;ensuite, la reconnaissance d'une vérité.

C'est d'un seul et même regard que nous percevrons qu'une proposition estévidente et qu'elle est vraie, qu'elle est évidemment vraie et véritablement évidente.Logiquement, supposé que la vérité ait besoin d'un critère autre qu'elle-même pour s'assurer de la vérité de la valeurde l'évidence, il serait nécessaire de faire appel à un autre critère et ainsi de suite indéfiniment. CONCLUSION. - Les sceptiques peuvent restreindre à l'extrême le domaine de nos connaissances dans lequel nous pouvons avoir des intuitions méritant la confiance d'un esprit critique.

Mais, sous peine de renoncer à penser, ilsdoivent admettre la valeur des véritables évidences intuitives.Néanmoins il semble préférable de renoncer à la formule « l'évidence, critère authentique de la vérité » : la vérité n'apas besoin de signe auquel on la reconnaisse; elle est comme la lumière qui fait voir tout le reste et se fait voir parelle-même.. »

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