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Les progrès scientifiques et techniques dépendent-ils de l'expérience ?

Publié le 16/01/2005

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Avant de répondre à la question qui donne son nom à notre première partie, il nous faut préciser ce qu'est une expérience proprement scientifique. En effet, il s'agit là d'un concept qui demande éclaircissement, car il met en jeu plusieurs domaines hétérogènes. Une expérience scientifique est d'abord l'énoncé d'un postulat, c'est-à-dire d'un énoncé de type prédicatif (par exemple : « a peut être dit de b »). Suite à l'énoncé de ce postulat, vient la mise en place d'un protocole qui détermine les conditions adéquates pour vérifier la véracité de ce postulat, c'est-à-dire les conditions légitimes pour produire un discours prétendant à la vérité. Enfin, vient la mise à l'épreuve de ce postulat dans ce contexte au protocole précis : c'est ce que l'on nomme une expérience scientifique.   b.      Le rôle de l'expérience scientifique dans les progrès scientifiques et techniques A la lumière de cette précision, nous pouvons dire qu'une expérience scientifique est le meilleur moyen de parvenir à des progrès scientifiques, c'est-à-dire à un accroissement des connaissances sur la nature et sur l'homme. En effet, une telle expérience permet de définir les conditions de production d'un discours vrai, et la vérification des postulats formulés en amont de l'expérience. En revanche, l'expérience scientifique n'est d'aucune utilité dans le cas des progrès techniques : ces derniers n'ont que faire de postulats et de démonstrations, car ils n'ont que faire de la vérité. Etant donné que l'utilité et l'efficacité sont leur seul but, nous pouvons dire que l'expérience scientifique ne conditionne pas leurs progrès.

Un progrès scientifique, ou un progrès technique, peuvent être de deux ordres : soit on entend  par progrès la découverte d’un savoir que l’on méconnaissant auparavant ; soit l’on découvre un moyen d’améliorer une connaissance antérieure pour la rendre plus conforme aux faits (dans le cas du progrès scientifique) ou plus utile (dans le cas du progrès technique). Il faut distinguer les concepts de scientificité et de technicité : ce qui est scientifique désigne une connaissance orientée vers une compréhension étendue des phénomènes naturels, ou des phénomènes humains (on parle indifféremment de sciences naturelles, de sciences physiques et de sciences humaines). En revanche, l’objet de la technique est plutôt les moyens qui servent à la réalisation d’une fin, sans considération particulière pour la nature de cette fin. On peut en effet parler de techniques médicales, sexuelles ou narratives, en fonction des domaines où s’exerce notre compétence. Par conséquent, nous dirons que la science se distingue de la technique parce qu’elle est une activité de nature intellectuelle, alors que la technique a plus trait à la pratique, c'est-à-dire aux moyens appropriés de parvenir à une fin. L’expérience peut s’entendre de différentes manières : d’une part, l’expérience est le fait de mettre à l’épreuve une hypothèse dans un contexte précis, qui fait l’objet d’un protocole établi en amont. C’est ce que nous nommerons au cours de ce travail une expérience scientifique, soit la vérification d’un postulat abstrait dans une situation définie permettant de conclure à la véracité ou à la fausseté de ce postulat. Mais par expérience, nous pouvons également désigner ce qui advient dans le monde et qui fait l’objet d’un savoir pour les hommes : le passage d’une comète dans le ciel peut faire l’objet d’une expérience collective, c'est-à-dire entrer dans la conscience humaine avant que celle-ci en tire une connaissance. L’expérience peut donc aussi s’entendre comme l’avènement d’un phénomène, qui donne lieu à un savoir nouveau pour les hommes. Pour désigner ce concept, nous emploierons désormais l’expression d’expérience événementielle. A l’issu de ce rapide parcours conceptuel, nous pouvons donc conclure que la réponse à la question posée dépend de la manière dont nous entendons le terme d’expérience : nous montrerons donc en quelle mesure les progrès scientifiques et techniques dépendent de l’expérience scientifique, puis de l’expérience événementielle ; puis nous nous attacherons, conformément au présupposé du sujet impliqué dans l’adverbe « seulement «, à montrer que les progrès en question peuvent advenir en fonction d’autres critères, notamment les instincts les plus obscurs de la nature humaine.

« prendre comme critère de démarcation.

En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisseêtre choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'ilpuisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de lascience empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience.

» A l'époque de Popper , on affirmait généralement que ce qui distinguait la science des autres disciplines, c'était le caractère empirique de sa méthode.

Autrement dit, en multipliant les observations et les expériences, lesavant en tirait, en vertu du fameux principe d'induction, des lois qu'il considérait comme nécessaires etuniversellement valides.

Partant de là, les néopositivistes soutenaient que tout ce qui n'est pas vérifiable est« métaphysique » et doit être éliminé de la science.

Or, comme le souligne Popper , l'induction, qui consiste à inférer une règle universelle à partir d'une multitude de cas particuliers et donc des théories à partir d'énoncés singuliersvérifiés par l'expérience, est une démarche logiquement inadmissible : « Peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observé, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs. » Aussi Popper affirme-t-il qu'aucune théorie n'est jamais vérifiable empiriquement et il distingue trois exigences auxquelles devra satisfaire ce qu'il appelle un « système empirique » ou scientifique : « Il devra, tout d'abord, être synthétique, de manière à pouvoir représenter un monde possible, non contradictoire.

En deuxièmelieu, il devra satisfaire au critère de démarcation, c'est-à-dire qu'il ne devra pas être métaphysique mais devrareprésenter un monde de l'expérience possible.

En troisième lieu, il devra constituer un système qui se distingue dequelque autre manière des autres systèmes du même type dans la mesure où il est le seul à représenter notremonde de l'expérience.

» La troisième exigence est la plus décisive.

Comment, en effet, reconnaître le système qui représente notre mondede l'expérience ? La réponde de Popper est la suivante : par le fait qu'il a été soumis à des tests et qu'il y a résisté. Cela signifie qu'il faut appliquer une méthode déductive.

En d'autres termes, si nous ne pouvons exiger des théoriesscientifiques qu'elles soient vérifiables, nous pouvons exiger d'elles qu'elles soient mises à l'épreuve.

Il s'agit pourcela de déduire de la théorie examinée des énoncés singuliers ou « prédictions » susceptibles d'être facilement testés dans l'expérimentation.

Une théorie qui ne résiste pas aux tests sera dite « falsifiée » ou « réfutée » par l'expérience.

Si elle passe l'épreuve des tests, elle sera considérée comme provisoirement valide jusqu'à ce qu'elleéchoue à des tests ultérieurs ou qu'une théorie plus avantageuse apparaisse. Ainsi alors que, jusqu'ici, une théorie était considérée comme vraie parce qu'elle était confirmée par de nombreuses observations et expérimentations, c'est aux yeux de Popper la « falsifiabilité » ou la possibilité d'être falsifié par l'expérience, qui permettra de faire le tri entre les énoncés scientifiques et ceux qui ne le sont pas : « Un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience. » Ainsi l'énoncé « Il pleuvra ou il ne pleuvra pas ici demain », étant infalsifiable, sera considéré comme non empirique, puisqu'aucune expérience ne peut l'invalider et comme non scientifique.

Autrement dit, l'irréfutabilité n'estpas vertu mais défaut.

Et c'est au nom de ce critère de falsifiabilité que Popper peut exclure de la science des théories comme le marxisme et la psychanalyse, théories qui sont totalisantes, qui couvrent la totalité desphénomènes qui se produisent dans leur domaine d'attribution, qu'aucun fait ne pourra jamais contredire. Prenons l'exemple de la psychanalyse.

N'est-ce pas une théorie qui échappe à toute épreuve qui pourrait la réfuter ? Le refus de la réalité de l'inconscient ou encore de la sexualité infantile n'est-il pas, au fond, pour lepsychanalyste, une manifestation même de résistance ? Quelle que soit la critique qu'on adresse à la psychanalyse,ne peut-elle pas être interprétée par le médecin en termes de résistance ? C'est précisément parce qu'elle n'exclutaucun fait de son domaine, même ceux qui pourraient la contredire, que Popper relègue la psychanalyse au rang de fausse science, aux côtés de la cartomancie ou encore de l'astrologie. Il est donc possible de décider de la vérité ou de la fausseté d'une théorie ou d'un énoncé, et ce de manière concluante.

Dire qu' « un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience », cela signifie bien que, paradoxalement, « c'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation ».

Est vrai ce qui peut être falsifié. On accordera à Popper que dans le domaine des sciences physiques ou plus généralement des sciences de la nature, démontrer une théorie, c'est tenter de la falsifier, autrement dit, élaborer les conditions de la découvertedes faits capables de l'infirmer.

L'histoire de ces sciences nous montre qu'aucune théorie, même parfaitement établiedans la communauté scientifique, n'est jamais définitive.

Les progrès se font par erreurs, par conjectures etréfutations.

On ne peut jamais souscrire à une théorie que provisoirement, c'est-à-dire tant qu'elle survit aux testsdestinés à l'invalider.

On constate aussi qu'une nouvelle théorie n'annule pas toujours complètement l'ancienne.

Ellepeut, tout en la contredisant, la contenir comme bonne approximation, lorsqu'un paramètre tend vers une valeurlimite.

Par exemple, la théorie de l'attraction universelle de Newton est englobée dans la théorie de la relativité généralisée de Einstein .

On peut même conjecturer que, sans être vraies, les théories nouvelles sont plus proches du vrai que celles qu'elles ont dépassées.

Autrement dit, les rapports polémiques entre les constructions théoriqueset les faits nouveaux sont à la source d'une plus grande rationalisation du réel et de progrès de la raison elle-même. Toutefois ce n'est pas parce que certaines théories ne répondent pas à ce critère de falsifiabilité qu'il faut nécessairement les ravaler au rang de pseudo-sciences.

Il y a là une affirmation d'autant plus dogmatique quesavoir ce qu'est une science n'est pas décidable scientifiquement.

Il y a là aussi ce préjugé tenace que les sciencesphysiques sont le modèle de toute science, préjugés qui a freiné l'évolution des sciences humaines.

Voyons lacritique de la psychanalyse : elle est certes séduisante, mais elle oublie le statut particulier de cette théorie qui viseà formuler des « vérités » sur un objet qui est l'inconscient, objet qui ne fait pas sens dans le sens du discours que. »

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