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Le progrès technique est-il un gage de liberté ?

Publié le 23/02/2004

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technique
« La technique, a écrit, le R.P. Laberthonnière nous apprend à nous servir des choses. Mais saurons-nous nous-mêmes à quoi nous faire servir? » La technique ne donne à l'homme que des moyens d'action. Elle reste muette sur les fins qui doivent guider notre conduite. Et nous avons plus que jamais besoin d'une sagesse pour nous éclairer sur les fins qu'il nous appartient de poursuivre. Dans le monde actuel l'éclat de nos pouvoirs humains fait ressortir dans une lumière tragique l'ambiguïté de nos vouloirs. Et si la technique est une médiation nécessaire pour concilier le pouvoir et le vouloir, seule la philosophie peut nous permettre de voir clair dans notre vouloir. Seule la philosophie pose le problème des valeurs.
technique

« «Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature.

L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle.

Les forces dont soncorps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie.

En même temps qu'il agit par cemouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent.

Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail,où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif.

Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme.

Une araignée fait desopérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte.

Mais ce qui distingue dès l'abord le plusmauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans sa ruche.

Le résultat auquel le travail aboutit, préexisteidéalement dans l'imagination du travailleur.

Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il aconscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté.

Et cette subordination n'est pas momentanée.

L'oeuvre exige pendant toute sa durée,outre l'effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même résulter que d'une tension constante de la volonté.

Elle l'exige d'autant plus que, par son objetet son mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui, comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot qu'il est moinsattrayant.

»Marx, « Le Capital »,I,3ième section, chapitre 7. Commentaire.

Les premières lignes du texte soulignent le caractère formateur du travail pour l'humanité.

En produisant ses conditions de vie, l'homme se produit lui-même., il devient véritablement humain. Marx définit ensuite le travail, en le comparant à l'activité animale.

Si le travail humain s'en distingue, ce n'est pas par la qualité du produit (les cellule de l'abeille sont parfaites), mais par la nature de l'activité elle-même. Le travail est une transformation consciente de la nature.

Autrement dit travailler suppose l'existence préalable d'un projet à réaliser.

Il en résulte premièrement que le produit du travail est l'extériorisation ou objectivationd'une intention humaine ; deuxièmement que c'est cette intention qui impose au travailleur les gestes à accomplir et les techniques à utiliser.L'existence d'un projet contraint le travailleur.

Il n'agit pas au hasard mais pour réaliser ce qu'il a en tête.

Ses forces intellectuelles et corporelles ne sont pas mises en oeuvre librement, mais dans un but déterminé.

C'est ence sens que le travail n'est pas « attrayant ».

Et parce qu'il n'est pas attrayant et aussi parce qu'il prend du temps, le travail implique un effort de volonté. [Si la technique permet bien de dominer la nature,elle peut tout aussi bien permettre de dominer l'hommelui-même.

En suivant sa propre logique, elle échappe à l'homme tout en l'emprisonnant.] L'apprenti sorcierQu'est-ce qu'une machine? Le meilleur ou bien le pire des artifices ? Les hommes fabriquent des machines mais ils les détruisent également (à l'instar de ces premiers ouvriers du textile qui brisèrent au xvin` siècle lesmétiers à tisser sur les conseils de Ludd.

Le « luddisme » est au monde ouvrier ce que la jacquerie est aux paysans).

Les machines retirent de la peine au travail mais elles rongent également le travail des hommes.

Bref, lesmachines opèrent-elles un retour de la technique contre le technicien, instruments d'une version actuelle de l' apprenti -sorcier? • La technique, parce qu'elle fait passer la science aux actes, pose le problème de la finalité — voire de la moralité de la science : l'arme nucléaire, par exemple, est-elle seulement la perversion d'un pur et innocent désir deconnaître ? ou bien, la science est-elle responsable, dès son principe, des terrifiantes applications qu'on en peut faire ?• Les dangers que font aujourd'hui courir à l'humanité les progrès techniques (cf.

également les manipulations génétiques) mettent-ils en cause l'usage qu'on fait de la science ou la science elle-même ? « L'esprit humain,déclarait Auguste Comte, doit procéder aux recherches théoriques en faisant complètement abstraction de toute considération pratique » (Comte, Cours de philosophie positive, 1830/1842).

Mais est-il possible, et si oui,est-il légitime de procéder de la sorte ? Quelle que soit votre réponse, la question est incontournable dans tout devoir tournant autour de la valeur de la science.Car la menace ne semble plus relever aujourd'hui de la science-fiction.

Bien sûr les « robots » ou l'ordinateur central de 2001 ne sont pas en passe de dominer les hommes, au sens de les asservir.

Mais peu à peu,discrètement systèmes automatisés et intelligences artificielles commencent à extraire l'homme du monde du travail, au risque de lui rendre la nature totalement inintelligible.C'est aujourd'hui un thème familier et angoissant que celui du technicien apprenti -sorcier.

L'effroyable péril suscité par le développement des armes nucléaires, ainsi que les dangers de « robotisation » constitués par la mécanisation de notre existence soulignent avec éclat que la technique ne tient pas lieu de sagesse, pas plus que la science ne tient lieu de philosophie.

« La technique, a écrit, le R.P.

Laberthonnière nous apprend à nousservir des choses.

Mais saurons-nous nous-mêmes à quoi nous faire servir? » La technique ne donne à l'homme que des moyens d'action.

Elle reste muette sur les fins qui doivent guider notre conduite.

Et nous avons plus quejamais besoin d'une sagesse pour nous éclairer sur les fins qu'il nous appartient de poursuivre.

Dans le monde actuel l'éclat de nos pouvoirs humains fait ressortir dans une lumière tragique l'ambiguïté de nos vouloirs.

Et si latechnique est une médiation nécessaire pour concilier le pouvoir et le vouloir, seule la philosophie peut nous permettre de voir clair dans notre vouloir.

Seule la philosophie pose le problème des valeurs.Machinisme et aliénationDans la grande industrie, l'homme n'a plus qu'à surveiller la machine et en corriger les erreurs.

La machine-outil permet une utilisation purement mécanique des outils.

L'habileté mamelle encore requise dans la manufacturedisparaît.

La force de travail se dévalorise toujours davantage.

L'emploi d'une main-d'oeuvre non qualifiée (femmes & enfants) accroît la concurrence entre travailleurs.

De plus, le travail devient monotone : « La facilitémême du travail devient une torture en ce sens que la machine ne délivre pas l'ouvrier du travail, mais dépouille le travail de son intérêt.

» (Marx).

Enfin l'intensité du travail augmente dans la mesure où le travailleur doit seplier au rythme imposé par la machine. Le capitalisme est un mode de production révolutionnaire.

Il a bouleversé les conditions techniques et sociales de la production.

Il a libéré l'humanité de l'esclavage, réalisant ainsi levieux rêve d' Aristote Il a contribué à l'élévation du niveau de vie des masses.

Mais son but n'a jamais été d'émanciper le travailleur ni d'alléger le labeur.

Son seul but est le maintien du taux de profit.

C'est pourquoi la division du travail et les progrès technologiques ont, dans les faits, réduit le travailleur à n'être que le simple rouage d'un mécanisme qui le dépasse.

Il ya, dit Marx, une contradiction absolue « entre les nécessités techniques de la grande industrie et les caractères sociaux qu'elle revêt sous le régime capitaliste ».

Cette contradiction « finit par détruire toutes les garanties de vie du travailleur, toujours menacé de se voir retirer avec le moyen de travail les moyens d'existence et d'être rendu lui-même superflu par lasuppression de sa fonction parcellaire ».

En effet, le capitalisme, qui assure la formation de la main-d'oeuvre à moindre frais, est toujours pris de cours par ses propres transformations technologiques et ne peut donc que licencier les travailleurs dont les emplois sont supprimés par les progrès techniques.

Ce qui fait que chaque progrès économique apparaît comme« une calamité publique ».

C'est là le côté négatif.

Mais, dit Marx, ces catastrophes mêmes que fait naître la grande industrie « imposent la nécessité de reconnaître le travail varié et, par conséquent, le plus grand développement possible des diverses aptitudes du travailleur, comme une loi de production moderne. » : « Oui, la grande industrie oblige la société sous peine de mort à remplacer l'individu morcelé, porte-douleur d'une fonction productive de détail, par l'individu intégral qui sache tenir tête aux exigences les plus diversifiées du travail.

» En effet, les progrès de la grande industrie exigent, aujourd'hui, des travailleurs hautement qualifiés et polyvalents.

La fabrication des machines, des chaînes de montage entièrementautomatiques requièrent les techniques les plus complexes.

On peut donc penser que les formes parcellaires et aliénées du travail ne sont, dans l'évolution séculaire de la production,que les mauvais côtés par lesquels des formes plus avancées du travail pourront développer l'homme social intégral qui saura « tenir tête aux exigences les plus diversifiées du travail ». Technique et appauvrissement de l'hommeBorges Friedmann, pour sa part, dénonce l'environnement artificiel et inhumain que crée la civilisation technicienne.

Celle-ci dépouille l'homme de ses rythmes naturels sans lui apporterd'autres points de repères, d'autres valeurs, une autre culture.

Elle le plonge ainsi dans un vide spirituel.

Sans cesse assisté par la technique, l'homme en devient dépendant. [] La diabolisation de la technique semble donc reposer sur une sorte de malentendu : après tout quand un meurtre est commis avec un pistolet, ce n'est pas le pistolet que l'on juge au tribunal, mais celui qui a appuyé surla détente, c'est-à-dire celui qui a employé ce moyen technique en vue d'une certaine fin posée par lui.

La technique ne fait que proposer des moyens : l'homme, en tant qu'il est celui qui fixe et détermine les finalités quilui paraissent souhaitables.

Le malentendu de la diabolisation consiste à porter un jugement de valeur sur la technique, alors que ces jugements ne peuvent être portés que sur l'utilisation, finalisée par l'homme, de cettetechnique.

A proprement parler, la technique apparaît donc comme étant techniquement neutre, dépourvue d'une quelconque détermination morale et libre de toute valeur.Selon cette thèse (de neutralité), ce n'est pas par elle-même que la technique peut être jugée, mais en fonction des fins.

Par exemple, si l'on s'en tient au point de vue technique , le médecin est le meilleur empoisonneurpeut-être même meilleur pour empoisonner que pour guérir c'est que qu'avait en vue Aristote dans l' « Ethique à Miconaque » , quand il disait que « dans le domaine de la technè, l'homme qui agit mal volontairement est préférable à celui qui agit mal involontairement ».

Du point de vue technique, il vaut mieux savoir que ne pas savoir, et appliquer ce savoir à un mal n'est pas à proprement parler un problème qui concerne la technique.

C'est une autre instance que l'instance technique qui fixe les fins, et ce n'est pas donc en tant que technicien que le médecin choisit de guérir plutôt que d'empoisonner.

voilà bien l'illustration de ce qu'onappelle classiquement l'indétermination des fins, ou la neutralité morale de la technique : le critère de jugement du technique n'est pas, alors, la valeur morale, mais la pure et simple efficacité.Est-il si sûr, pourtant, que la technique soit moralement neutre ? Certes, la possession d'un pistolet n'oblige personne à commettre des meurtres, mais peut-on écarter totalement l'idée qu'elle aide à en considérer lapossibilité ? Pour utiliser une métaphore biologique, on peut soupçonner qu'ici, jusqu'à un certain point, l'organe crée la fonction, ou, si l'on préfère, que la technique suggère bien tout de même l'idée de ses finalitéspossibles.

L'opposition de ces deux conceptions de la technique, l'une, innocente (la neutralité morale), l'autre, plus désabusée (la technique suggère des finalités), nourrit le débat contemporain sur la notion.

C'est ens'opposant explicitement à la première conception, jusque-là courante, que Marcuse , cité par Harbemas dans « La technique & la science comme idéologie », explique que « ce n'est pas après coup seulement, et de l'extérieur, que sont imposés à la technique certaines finalités et certains intérêts appartenant en propre à la domination – ces finalités et ces intérêts entrent déjà dans la constitution de l'appareil technique lui-même ».

On ne saurait être plus clair : Marcuse soupçonne la technique de porter en elle ses fins. « Ce n'est pas seulement son utilisation, c'est bien la technique elle-même qui estdéjà domination (sur la nature et sur les hommes), une domination méthodique,scientifique, calculée et calculante.

Ce n'est pas après coup seulement, et del'extérieur, que sont imposés à la technique certaines finalités et certains intérêtsappartenant en propre à la domination – ces finalités et ces intérêts entrent déjàdans la constitution de l'appareil technique lui-même.

La technique, c'est d'embléetout un projet socio-historique : en elle se projette ce qu'une société et les intérêtsqui la dominent intentionnent de faire des hommes et des choses.

Cette finalité dela domination lui est consubstantielle et appartient dans cette mesure à la formemême de la raison technique.

» Marcuse.. »

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