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LA PSYCHOLOGIE DU CONDUCTEUR

Publié le 08/03/2011

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   La circulation en automobile réduit et appauvrit l'expérience concrète des autres : on ne voit plus les visages. Les communications possibles entre les automobilistes se limitent à quelques signaux: avertisseur sonore avec sa brutalité, clignotants avec leur ambiguïté, un geste quelquefois, et quel geste ! L'autre, c'est d'abord et presque exclusivement une gêne, une entrave à ma liberté. L'autre, avec toute sa densité humaine, ne surgira de l'automobiliste sans visage qu'à l'occasion d'un accrochage ou d'un « presque accident «, c'est-à-dire alors qu'il est déjà un ennemi, parce qu'alors j'ai peur. Il existe peut-être des moyens techniques qui, en facilitant les échanges d'informations entre automobilistes, rendraient la route plus humaine parce qu'ils socialiseraient les comportements au volant. (...) Je crois que, lorsqu'on a la possibilité d'échanger des phrases, on est sans doute moins enclin à échanger des « mots «.    Vivre en voiture, c'est, d'une façon, être chez soi, et en même temps, par la force des choses, une manière nouvelle de vivre en commun avec d'autres personnes. Il faut bien que les conduites automobiles s'inscrivent dans le cadre d'un droit routier. Il faut bien qu'il y ait une « règle du jeu «, puisque ce jeu peut léser dangereusement autrui. Il faut que le conducteur soit un citoyen.    Avant d'accorder au citoyen la majorité pénale, les autorités n'ont pas cru utile de s'assurer qu'il connaissait le Code pénal. Avant d'accorder au postulant la dignité d'automobiliste, on a estimé utile de lui faire passer un examen pour être certain qu'il sait, au moins, la lettre des rudiments du droit routier. Pourquoi cette précaution? Cet examen semble d'ailleurs une faible garantie, puisque les tribunaux sont débordés par les affaires relatives à la circulation. Pourquoi le citoyen ne se sent-il pas déshonoré pour avoir enfreint le Code de la route? Il ne se révolte pourtant pas contre le principe de cette réglementation, il critiquera bien tel ou tel aspect de son application, mais il la sait utile, nécessaire, faite pour sa sécurité. Et pourtant, il faut bien reconnaître, dans la conscience morale de chacun de nous, que les fautes routières ne se situent pas sur le même plan, n'ont pas la même résonance que les autres fautes contre la morale et contre la loi.    Certes, la circulation automobile rapide et dense n'existe que depuis quelques dizaines d'années; c'est seulement depuis 1959 que l'école a inscrit les règles de la circulation aux programmes de morale et d'instruction civique. Mais cette explication n'est pas complètement satisfaisante : le droit routier n'est que l'extension à des situations nouvelles de principes très anciens, et cependant il faut que le Pape déclare, comme il l'a fait récemment, « qu'il ne manque jamais une occasion de rappeler que les principes traditionnels de la morale s'appliquent aussi sur la route et dans la rue; «.    Il existe peut-être une meilleure explication à cette indifférence morale. Elle serait dans la perception de la relation entre la faute et ses conséquences: dans la vie sociale ordinaire, tout acte répréhensible lèse autrui ; il n'y a ni vol ni meurtre sans victime. Sur la route cette liaison n'est que probable. Pour qu'autrui soit lésé, il faut que soient réalisées certaines conditions qui ne sont pas directement dépendantes de l'acte délictueux. L'automobiliste insoucieux du code ne devient pas, par le fait même, un meurtrier, il risque seulement de le devenir.    Cette notion de risque, c'est-à-dire cette notion de liaison entre des événements, nous la retrouvons à chaque pas lorsque nous analysons la psychologie de l'automobiliste. Elle est fondamentale. Cependant, nos habitudes de pensée les plus courantes ne sont pas celles du statisticien qui jongle avec le probable, mais bien plutôt celles du géomètre, « ces longues chaînes de raisons qui s'entresuivent. « Tant qu'il en sera ainsi, les lois de la route qui protègent de dangers qui ne sont que probables seront, sans doute, difficilement respectées. Pour qu'elles le soient spontanément, il faudra peut-être attendre que la notion d'un univers probabiliste ait remplacé, dès l'école primaire, celle d'un univers cartésien.    Michel Roche, Bulletin de la MAIF, 1968.    Vous ferez de ce texte un résumé ou une analyse. Indiquez nettement, en tête de votre copie, par le mot résumé ou analyse, la nature de votre choix. Cette partie de votre travail sera nettement séparée de la suivante qui sera précédée du titre: Discussion. Parmi les problèmes posés par ce passage vous choisirez celui auquel vous attachez un intérêt particulier. Vous en formulerez l'énoncé dans votre introduction et vous exposerez, en les illustrant par des exemples, vos propres vues sur la question.

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