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Puis-je dire: "c'est beau" et "ça ne me plaît pas" ?

Publié le 02/01/2004

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La reconnaissance de la beauté implique-t-elle un sentiment de plaisir, ou les deux peuvent-ils être indépendants, ou décalés dans le temps ? Le sujet questionne les relations entre jugement esthétique, goût et plaisir. Le "en même temps" permet de jouer sur la temporalité de l'expérience esthétique (le plaisir peut ne survenir que par après, l'expérience, pour  Heidegger notamment, étant fondée sur l'étonnement). À partir d'une définition du beau fondée sur une idée de plaisir esthétique, il semble impossible de dire les deux jugements en même temps. Mais le goût légitime-t-il la beauté d'une oeuvre d'art ? Ne peuvent-ils être indépendants ? Ne puis-je considérer comme beau que ce qui me plaît ? N'y a-t-il pas une beauté qui pourrait être fondée sur le monstrueux, sur ce qui peut choquer, et même sur le mauvais goût (voir l'art moderne par exemple) ? Il est question de l'importance de la culture, de l'éducation du goût, d'une adéquation à une norme. On peut se demander aussi si ce sentiment esthétique est uniquement de plaisir.

Ce sujet d'inspiration  kantienne nous invite à réfléchir sur la différence entre deux types de jugement : celui se rapportant au beau et celui se rapportant à ce qui est agréable. Au premier abord, il semble que je ne puisse dire d'une oeuvre qu'elle est belle que si elle me plaît. Autrement dit, est belle l'oeuvre qui flatte mes sens, qui me touche sensuellement ou qui suscite en moi l'émotion. Mais prendre comme critère d'approbation d'une oeuvre d'art le simple plaisir sensuel que j'éprouve n'est-il pas la marque d'une certaine inculture ou d'un mauvais goût ? Avoir du goût, n'est-ce pas reconnaître, par exemple, la beauté de la peinture de Picasso bien qu'on éprouve plus d'agrément face à celle de Renoir ? Puis-je dire: "c'est beau" et "ça ne me plaît pas" ?

« accompagnée en moi de plaisir quelle que soit mon indifférence pour l'existence de l'objet de cette représentation » (id., § 2).

En d'autres termes, je puis juger qu'une chose est.

bellesans désirer la posséder ou même en la condamnant : je puis dire qu'un palais est beau sans désirer aucunement yhabiter ou en estimant que sa construction ayant coûté beaucoup de souffrance au peuple, il eût mieux valu ne pasle bâtir.

La satisfaction qui accompagne le jugement du goût est donc bien « un plaisir pur et désintéressé » (id.). • Par là le beau se distingue du bon et de l'agréable, lesquels sont liés à un intérêt.

(Kant s'oppose ainsi à latradition gréco-latine qui ramenait le bon au bien, comme chez Platon, et/ou à l'agréable (édu) et à l'utile(ôphelimon), comme chez Aristote.

L'agréable est en effet « ce qui plaît au sens dans la sensation » (id., § 3) tandisque le bon est « ce qui, Au moyen de la raison, plaît par simple concept ».

Dans le bon, « il y a toujours le conceptd'un but, le rapport de la raison à unvouloir (tout au moins possible) ; par suite une satisfaction causée par l'existence d'un objet ou d'une action, c'est-à-dire quelque intérêt » (id., § 4).

Ainsi donc, l'agréable et le bon sont liés à la faculté de désirer alors que « lejugement du goût est simplement contempla¬tif » (id., § 5) . • En résumé « on nomme agréable ce qui donne du plaisir ; beau ce qui plaît simplement ; bon ce qui est estimé(approuvé), c'est-à-dire ce à quoi l'on attribue une valeur objective » (id.).

Mais seule la satisfaction procurée parle beau est « désintéressée et libre car ici aucun intérêt ni des sens, ni de la raison ne nous oblige à donner notreassentiment » (id.).

Nous pouvons donc donner une première définition du beau de la manière suivante : « Le goûtest la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d'une façon toutedésintéressée.

On appelle beau l'objet de cette satisfaction.

» (id.). • Mais dès lors il apparaît que la satisfaction causée par le beau ne peut être qu'universelle tout au moins en droitsinon en fait, puisque tout intérêt en est absent.

« Car l'objet qui donne une satisfaction dont on a consciencequ'elle est exempte d'intérêt, ne peut être jugée que comme contenant un motif de satisfaction pour tous (id., § 6).Nous pouvons donc donner une seconde définition du beau : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept »(id., § 9). Le jugement: "c'est beau" prétend à l'universalité. En effet, le jugement qui déclare une chose agréable est subjectif, relatif à la personnalité de chacun.

J'admets fortbien que le goût des sens puisse varier d'une personne à l'autre.

Pour l'un la couleur violette est douce et aimable,pour l'autre elle est morte et éteinte.

L'un aime le son du violon, l'autre préfère celui du piano.

En ce qui concernel'agréable, je tolère que le goût d'autrui puisse différer du mien.

Il en va autrement du beau.

Il ne viendrait à l'espritde personne de dire: "cet objet est beau pour moi".

Si je qualifie une chose belle, c'est précisément pour signifierque quiconque la juge esthétiquement devrait la trouver belle.

En pareil cas, le principe: "à chacun selon son goût"ne vaut rien et jamais.

Je vais même jusqu'à dénier le goût à celui qui juge autrement que moi.

Mon jugement: "c'estbeau" prétend donc à l'universalité.

D'où la question: sur quoi se fonde une telle prétention ? Autrement dit, puis-jeconvaincre autrui de la beauté d'une oeuvre par concepts ? La beauté s'explique-t-elle ? « Est beau ce qui plaît universellement sans concept ». Ø « Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit universelle, valable pour tous découle de la première définition.

En effet nous avons vu qu'être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée de laconvoitise, de la crainte, du désir, du confort ...

bref de tous les intérêts particuliers.

Ce plaisir éprouvé n'estdonc pas celui d'un sujet enfermé dans sa particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est beau », comme si la beauté était dans l'objet.

Il peut légitimement s'attendre à ce que tout autre éprouve la mêmesatisfaction. Ø « sans concept »: « L'assentiment universel est seulement une Idée ».

Il n'y a pas de preuve pratique ou conceptuelle de la beauté.

On juge et on sent que cette musique ou cette montagne sont belles mais on nepeut le prouver.

Il n'y a pas de règles a priori du beau.

En langage kantien, le sujet esthétique n'est paslégislateur.

En science le sujet légifère, retrouve dans la nature les règles nécessaires, universelles qu'il y amises pour connaître quelque chose.

En art le sujet ne peut légiférer car le jugement porte sur un objet singulier,telle fleur, telle œuvre musicale.

S' il veut trouver quelque chose d'universel dans cette rose-ci, il faudra qu'ill'envisage sous l'aspect du règne végétal ou de la fleur en général; s'il veut trouver quelque chose d'universeldans une musique, il faudra qu'il l'envisage sous l'angle des règles de composition.

Il aura des concepts maispoint de beauté: « quand on juge des objets simplement par concepts toute représentation de la beauté se perd ».

C'est ce qui peut arriver quand un traque d'art explique un poème...

Comme la beauté est toujours saisie sur un objet concret, matériel, singulier, il n'y a pas de règles universelles du beau.

Le jugement de goût n'estpas un jugement de connaissance.. »

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