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Puis-je en même temps dire: "c'est beau" et "ça ne me plaît pas" ?

Publié le 11/01/2004

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Il en va tout autrement du beau. Il ne viendrait à l'idée de personne de dire : « Cet objet est beau pour moi ». Si je qualifie une chose de belle, c'est précisément pour signifier que quiconque, la jugeant esthétiquement, devrait la trouver belle. En pareil cas, le principe : « à chacun selon son goût » ne vaut pas. Je vais même jusqu'à dénier le goût à celui qui juge autrement que moi. Mon jugement : « C'est beau » prétend donc à l'universalité. D'où la question : sur quoi se fonde une telle prétention ? Autrement dit, puis-je convaincre autrui de la beauté d'une oeuvre par concepts ? La beauté s'explique-t-elle ? La reconnaissance de la beauté implique-t-elle un sentiment de plaisir, ou les deux peuvent-ils être indépendants, ou décalés dans le temps ?

HTML clipboardLa question n'est pas de savoir si le beau plaît à tous de la même façon ou avec la même intensité, mais de savoir s'il est plausible qu'il ne plaise pas du tout. La question est celle de l'insensibilité. On évacuera rapidement la question des cas pathologiques pour se demander si l'indifférence à la beauté est plausible chez un être normalement constitué, et pourquoi. On précisera la réponse en la confrontant aux arguments plaidant en faveur de l'universalité de l'expérience de la beauté.  

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« temps" permet de jouer sur la temporalité de l'expérience esthétique (le plaisir peut ne survenir que par après,l'expérience, pour Heidegger notamment, étant fondée sur l'étonnement).

À partir d'une définition du beau fondéesur une idée de plaisir esthétique, il semble impossible de dire les deux jugements en même temps.

Mais le goûtlégitime-t-il la beauté d'une oeuvre d'art ? Ne peuvent-ils être indépendants ? Ne puis-je considérer comme beauque ce qui me plaît ? N'y a-t-il pas une beauté qui pourrait être fondée sur le monstrueux, sur ce qui peut choquer,et même sur le mauvais goût (voir l'art moderne par exemple) ? Il est question de l'importance de la culture, del'éducation du goût, d'une adéquation à une norme.

On peut se demander aussi si ce sentiment esthétique estuniquement de plaisir.

Référence utile : La Critique du jugement de Kant. Avoir du goût, c'est distinguer le beau de l'agréable. Au premier abord, il semble que je ne puisse dire d'une oeuvre qu'elle est belle que si elle me plaît.

Autrement dit,est belle l'oeuvre qui flatte mes sens ou qui suscite en moi l'émotion.

Mais prendre comme critère d'approbationd'une oeuvre d'art un tel plaisir n'est-il pas la marque d'une certaine inculture ou d'un mauvais goût ? Avoir du goût,n'est-ce pas reconnaître, par exemple, la beauté de la peinture de Schiele ou Picasso bien qu'on éprouve plusd'agrément à celle de Renoir ? Le beau ne se confond pas avec l'agréable et le plaisir causé par le beau n'est pas unsimple plaisir des sens.

Avoir du goût, c'est donc bien pouvoir dire en même temps: "c'est beau" et "ça ne me plaîtpas", ou tout au moins ne pas dire: "cette oeuvre n'est pas belle, elle ne me plaît pas". Ne serait-il pas ridicule qu'un homme, qui se piquerait de quelque goût,crût avoir tout décidé en disant qu'un objet (comme, par exemple, cetédifice, cet habit, ce concert, ce poème soumis à notre jugement) estbeau pour lui ? Car il ne doit pas appeler beau ce qui ne plaît qu'à lui.Beaucoup de choses peuvent avoir pour moi de l'attrait et del'agrément, personne ne s'en inquiète ; mais lorsque je donne unechose pour belle, j'attribue aux autres la même satisfaction ; je ne jugepas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de labeauté comme si c'était une qualité des choses.

Aussi dis-je que lachose est belle, et, si je m'attends à trouver les autres d'accord avecmoi dans ce jugement de satisfaction, ce n'est pas que j'ai plusieursfois reconnu cet accord, mais c'est que je crois pouvoir l'exiger d'eux.Kant. • Pour Kant, le jugement du goût, qui énonce si une chose est belle ou non,n'est pas un jugement de connaissance.

Il n'est donc pas logique maisesthétique, c'est-à-dire que « son principe déterminant ne peut être quesubjectif » (Critique du jugement, § 1) .

Cet élément subjectif qui déterminele jugement du goût, c'est une satisfaction.

Mais cette satisfaction estdésintéressée.

En effet, lorsqu'on me demande si je trouve telle chose belle, «ce qu'on veut savoir c'est seulement si la seule représentation de l'objet estaccompagnée en moi de plaisir quelle que soit mon indifférence pour l'existence de l'objet de cette représentation » (id., § 2).

En d'autres termes, je puis juger qu'une chose est.

bellesans désirer la posséder ou même en la condamnant : je puis dire qu'un palais est beau sans désirer aucunement yhabiter ou en estimant que sa construction ayant coûté beaucoup de souffrance au peuple, il eût mieux valu ne pasle bâtir.

La satisfaction qui accompagne le jugement du goût est donc bien « un plaisir pur et désintéressé » (id.). • Par là le beau se distingue du bon et de l'agréable, lesquels sont liés à un intérêt.

(Kant s'oppose ainsi à latradition gréco-latine qui ramenait le bon au bien, comme chez Platon, et/ou à l'agréable (édu) et à l'utile(ôphelimon), comme chez Aristote.

L'agréable est en effet « ce qui plaît au sens dans la sensation » (id., § 3) tandisque le bon est « ce qui, Au moyen de la raison, plaît par simple concept ».

Dans le bon, « il y a toujours le conceptd'un but, le rapport de la raison à unvouloir (tout au moins possible) ; par suite une satisfaction causée par l'existence d'un objet ou d'une action, c'est-à-dire quelque intérêt » (id., § 4).

Ainsi donc, l'agréable et le bon sont liés à la faculté de désirer alors que « lejugement du goût est simplement contempla¬tif » (id., § 5) . • En résumé « on nomme agréable ce qui donne du plaisir ; beau ce qui plaît simplement ; bon ce qui est estimé(approuvé), c'est-à-dire ce à quoi l'on attribue une valeur objective » (id.).

Mais seule la satisfaction procurée parle beau est « désintéressée et libre car ici aucun intérêt ni des sens, ni de la raison ne nous oblige à donner notreassentiment » (id.).

Nous pouvons donc donner une première définition du beau de la manière suivante : « Le goûtest la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d'une façon toutedésintéressée.

On appelle beau l'objet de cette satisfaction.

» (id.). • Mais dès lors il apparaît que la satisfaction causée par le beau ne peut être qu'universelle tout au moins en droitsinon en fait, puisque tout intérêt en est absent.

« Car l'objet qui donne une satisfaction dont on a consciencequ'elle est exempte d'intérêt, ne peut être jugée que comme contenant un motif de satisfaction pour tous (id., § 6).Nous pouvons donc donner une seconde définition du beau : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept »(id., § 9). Le jugement: "c'est beau" prétend à l'universalité.. »

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