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Puis je savoir sans autrui que je suis libre ?

Publié le 27/02/2005

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ÉLÉMENT DE RÉFLEXION * Il peut paraître curieux qu'il soit imposé sans problème que «nous sommes libres». Il y a donc lieu de rechercher selon quelle(s) conception(s) de la liberté et quelle «problématique» (si l'on peut dire) cette liberté peut apparaître. * Nous découvrirons sans doute ainsi pourquoi autrui peut être la médiation nécessaire de la révélation de cette liberté. (Ce qui nous évitera de considérer qu'autrui nous révélerait notre liberté au sens où - en quelque sorte - il nous l'enseignerait). * Le problème posé ne se situerait-il pas au niveau de ce qu'on peut appeler la problématique de «la communication des consciences ». INDICATION DE LECTURE * La Réciprocité des consciences de Nédoncelle (Aubier). * L'Être et le néant de Sartre (Gallimard). * La Présence d'autrui de Berger, Bastide, Jankélévitch (PUF). * Propédeutique philosophique de Hegel (Aubier). 2e cours: Phénoménologie de l'esprit.

« Je pense, je suis «. La première évidence, la plus fondamentale, consiste dans la conscience de soi, dans la conscience de son existence et le fait que cette existence consiste à se penser comme une pensée. Le « je «, ou subjectivité, n'a donc nullement besoin d'autrui pour se constituer et s'apparaître à lui-même. L'acte du sujet est un acte simple et évident par lui-même, et essentiellement premier. Comme propriété fondamentale du sujet, la liberté, ou volonté, se découvre alors à elle-même dans la simple attention à soi, sans que soit nécessaire le recours à autrui. L'autre n'est que l'attribution, nécessairement seconde, de cette propriété à ce qui n'est pas Moi. Mais alors, sur quelle base cette attribution est-elle envisageable ? Poser la primauté de la conscience de soi sans supposer la donation première d'autrui, n'est-ce pas s'enfermer dans le solipsisme, incapacité à sortir de soi ? En outre, le sentiment de sa liberté ne s'identifie pas à un savoir : car peut-être l'indépendance que je ressens n'est-elle qu'illusoire. A ce titre, il se pourrait qu'autrui soit, plus qu'au sentiment de la liberté, nécessaire à son savoir. Néanmoins, dans la mesure où je ne peux reconnaître autrui que pour autant que je sais que je suis, puisqu'il est l'alter ego qui suppose un ego  (un « Je «) déjà posé, comment ce dernier peut-il être nécessaire à cet ego lui-même ?

« qu'illusoire.

A ce titre, il se pourrait qu'autrui soit, plus qu'au sentiment de la liberté, nécessaire à son savoir.Néanmoins, dans la mesure où je ne peux reconnaître autrui que pour autant que je sais que je suis, puisqu'il estl'alter ego qui suppose un ego (un « Je ») déjà posé, comment ce dernier peut-il être nécessaire à cet ego lui- même ? I- La liberté, pour autant qu'elle est la propriété fondamentale du sujet, est une évidence première endroit. – La liberté, c'est avant tout la capacité d'agir de manière volontaire.

Or, comme le remarque Aristote ( Éthique à Nicomaque ), est volontaire l'acte qui a son principe dans l'agent, qui connaît les circonstance de l'action et son objet, et qui peut donc être tenu pour responsable de cette action.

Une action est volontaire si elle estfaite en connaissance de cause (ce qui exclut l' accident , toujours involontaire) et non contrainte de l'extérieur (ce qui exclut l'action forcée).

La capacité à être le principe de l'action, le fait d'être un agent, est donc ce quidéfinit en premier le fait d'être un sujet.

Ici donc, autrui n'intervient pas dans le fait d'être libre, et au contraire,l'action volontaire est celle qui suppose l'indépendance, donc, l'absence, d'autrui.

En effet, si l'action volontairea son principe dans l'agent, cela suppose que celui-ci est capable de se représenter la fin à accomplir et lesmoyens pour y parvenir.

Autrui n'est donc non seulement pas nécessaire pour être libre, mais pas non plusnécessaire pour savoir qu'on l'est.

On ne peut être le principe d'une action que si l'on sait que c'est nous quisommes l'agent.

Au contraire, si j'ignore que j'effectue l'acte, alors on parlera d'un mouvement involontaire, qui acertes une cause extérieure, mais non une raison intérieure.

Si donc, pour qu'une action soit libre, il faut qu'ellesoit accomplie par l'agent avec le savoir du fait qu'elle est libre, et qu'elle peut être accomplie librement sans lesecours d'autrui, alors cela veut dire qu'on peut et doit savoir qu'on est libre sans le secours d'autrui.

Si teln'était pas le cas, aucune action volontaire ne serait possible. – En outre, le sujet, le pouvoir de dire « Je », est la vérité première comme l'a montré Descartes dans lesMéditations métaphysiques : je peux tout à fait remettre en cause l'existence des choses extérieures, et notamment l'existence d'autrui, dans le doute méthodique qui me permet de remarquer ce dont il m'est impossiblede douter et qui sera alors tenu pour certain et évident.

Si je ne peux douter que « je suis, j'existe », tout enpouvant douter d'autrui, c'est que cette première vérité ne suppose pas la vérité d'autrui.

Mais alors, si le « je »qui prend conscience de lui-même s'appréhende comme volonté (pouvoir de douter ou de ne pas douter) etentendement (capacité de penser ou concevoir des idées), alors je sais par une évidence première et indubitableque je suis libre, ceci sans le secours d'autrui.

Si je peux douter d'autrui sans pour autant pouvoir douter du faitque je suis libre, cela prouve que la vérité ou certitude de ma liberté ne se fonde pas sur la vérité ou certituded'autrui, du moins en droit. – On peut donc dire que je peux et doit pouvoir savoir sans autrui que je suis libre, au sens où l'action libresuppose pour être telle d'avoir son principe dans un agent qui se reconnaît comme le principe de l'action, ce quisuppose alors de ne pas se référer à autrui, et au sens où je peux douter de l'existence d'autrui sans pourautant qu'il me soit possible de douter de mon existence comme pensée qui veut (sous la forme du doute), etdonc est libre. II- Cependant, c'est confondre sentiment de liberté et connaissance de la liberté. – Néanmoins, c'est là confondre savoir qu'on est libre et avoir le sentiment que l'on est libre. – En effet, pour avoir une véritable connaissance de ma liberté, il faudrait que je puisse m'en forger une idéeclaire et distincte.

Or, il n'y a pas d'idée de la liberté, et plus généralement de la pensée, comme il y en a pourl'étendue.

C'est ce que remarque Malebranche en montrant que nous n'avons, de fait, que le sentiment de notreliberté sans en avoir une idée.

J'ai une idée claire de l'espace, de ses dimensions, des différentes propriétés qu'ilpossède et des rapports possibles entre les figures (c'est la géométrie).

En revanche, je n'ai aucune idée clairedes propriétés de l'esprit, la psychologie paraît être une science impossible.

Par moi-même, je ne peux doncconnaître en quoi consiste la liberté.

Le simple sentiment de la liberté ne peut que me donner l'existence decelle-ci, mais non son essence.

De ce point de vue, il faut admettre que l'ego, ne permet pas de connaître par lui-même ce qu'est la liberté. Mais alors, si la liberté n'est qu'un sentiment, ne peut-on pas douter de son existence même ? Ceci impliquerait alors qu'il est impossible de savoir que l'on est libre simplement à partir desoi-même. – Et en effet, comme le remarque Spinoza dans l' Ethique , les hommes se croient libre du fait qu'ils ignorent les causes qui les déterminent et ont conscience de leurs action.

La propriété fondamentale du sujet, la consciencede soi, n'implique certes pas autrui.

Mais cette conscience n'est pas identifiable à un savoir ou à uneconnaissance de ce que je suis.

Je sais que je suis, mais pas en quoi consiste ma nature.

Ainsi, une pierre qui aurait conscience de son mouvement et qui ignorerait la cause de ce mouvement poserait que son mouvementest libre.

En réalité, la liberté, c'est l'ignorance de la détermination.

Est dit « libre » le mouvement auquel jen'arrive pas à assigner une cause.

La liberté est donc un des asiles de l'ignorance.

Loin d'être un savoir, la libertéest un non savoir. – La conclusion est alors que je possède un sentiment de liberté.

Mais il y a loin de ce sentiment à un savoir.

Or,n'est-ce pas justement autrui qui est nécessaire pour le passage de ce sentiment au savoir ? De ce point devue, il faut se demander si la liberté n'est pensée comme illusion par Spinoza que pour autant qu'il néglige autrui.. »

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