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Quel est le fondement de la société civile ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

  2. Le réalisme pragmatique tiré de l'intérêt. a) La réalité semble donner raison à l'intérêt. L'opinion domine la société et le pouvoir apparaît comme accaparé par les sophistes qui jouent sur la sensibilité pour faire triompher leurs intérêts. Les sophistes possèdent en effet la rhétorique, cet art qui confère « le pouvoir de persuader par ses discours les juges au tribunal, les sénateurs dans le Conseil, les citoyens dans l'assemblée du peuple et dans toute autre réunion qui soit une réunion de citoyens » comme le déclare Gorgias dans le Gorgias de Platon. b) La société serait fondée, qu'on le veuille ou non, sur l'intérêt : celui que les hommes trouvent dans le fait d'établir des lois pour ne pas subir l'injustice. Glaucon, dans la République (358e), soutient que « l'injustice est par nature un bien, et que le fait de subir l'injustice est un mal ». Il ajoute également que « subir l'injustice représente un mal plus grand que le bien qui consiste à la commettre ». On trouverait ainsi en ces deux arguments la raison pour laquelle les hommes auraient décidé de « passer un accord les uns avec les autres pour ne plus commettre ni subir l'injustice. » c) Ne serait-il donc pas plus sage de fonder la société sur ce vers quoi elle semble de toute façon se tourner ?

Analyse du sujet :

 

-          Il faut d'abord remarquer que le sujet ne demande pas de répondre seulement à la question « quel est le meilleur fondement pour la société ? « mais qu'il est borné par trois termes entre lesquels on nous demande de choisir : l'intérêt, le sentiment et la raison.

-          Il faudra donc tenter une étude comparative de ces trois termes et décider lequel serait le meilleur des trois.

-          Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'on ne nous demande pas « quel est le fondement de la société ? « mais « quel est le meilleur fondement pour la société ? « Il ne s'agit donc pas simplement de décrire ce qui est, mais de prescrire ce qui serait le mieux.

-          On sent que l'intérêt pose problème parce qu'il renforce les mesquineries naturelles, il apparaît trop léger pour donner sens à une tâche aussi grande.

-          D'un autre côté, l'intérêt a fait ses preuves, et on sait qu'il est rare que quiconque le sacrifie au profit de la société. Il se donne donc comme un élément de base de la société.

-          Le sentiment, quant à lui, fait briller beaucoup d'espoirs. Mais en faire la base d'une société, ne serait-ce pas verser dans un romantisme peu sage ?

-          La raison, pour sa part, apparaît bien faible pour composer avec les enjeux de pouvoirs qui sévissent dans la société et elle semble trop faible pour convaincre tous les individus.

-          Mais il faut avouer qu'on aurait plutôt tendance à considérer qu'elle seule peut établir un ordre stable.

 

 

Problématisation :

 

Notre sensibilité semble se défendre contre l'hypothèse de fonder la société sur l'intérêt, elle y voit le triomphe de l'égoïsme qui nous apparaît bien souvent comme strictement opposé à la vie en société. On préférerait donc naturellement que ce soit le sentiment qui guide les hommes. Mais celui-ci ne remplit pas son office, il semble pris de dégénération en toutes circonstances. Ne faudrait-il pas fonder la société sur quelque chose qui chapeaute ces deux notions instables ? N'y aurait-il pas que la raison qui puisse conférer ordre et stabilité ?

 

« grand que le bien qui consiste à la commettre ».

On trouverait ainsi en ces deux arguments la raison pourlaquelle les hommes auraient décidé de « passer un accord les uns avec les autres pour ne plus commettre ni subirl'injustice.

» L'origine de la justice est une convention. Dans ce passage de La République, Glaucon, ami de Socrate prend la parole pour tenter de définir la justice.

ContreThrasymaque qui vient de soutenir que la justice est naturelle et se confond avec la loi du plus fort, Glaucon pense,au contraire, que la justice résulte d'une convention. « Glaucon : - Ecoute ce que je me suis chargé d'exposer d'abord, c'est-à-dire quelle est la nature etl'origine de la justice.On dit que, suivant la nature, commettre l'injustice est un bien, la subir un mal, mais qu'il y a plus de mal àla subir que de bien à la commettre.

Aussi quand les hommes se font et subissent mutuellement desinjustices et qu'ils en ressentent le plaisir ou le dommage, ceux qui ne peuvent éviter l'un et obtenirl'autre, jugent qu'il est utile de s'entendre les uns les autres pour ne plus commettre ni subir l'injustice.

Delà prirent naissance les lois et les conventions des hommes entre eux, et les prescriptions de la loi furentappelées légalité et justice.

Telle est l'origine et l'essence de la justice.

Elle tient le milieu entre le plusgrand bien, c'est-à-dire l'impunité dans l'injustice, et le plus grand mal, c'est-à-dire l'impuissance à sevenger de l'injustice.

Placée entre ces deux extrêmes, la justice n'est pas aimée comme un bien, maishonorée à cause de l'impuissance où l'on est de commettre l'injustice.

Car celui qui peut la commettre etqui est véritablement homme se garderait bien de faire une convention aux fins de supprimer l'injustice oucommise ou subie : ce serait folie de sa part.

Voilà donc, Socrate, quelle est la nature de la justice, etl'origine qu'on lui donne.

» Platon, La République, livre 2, 358d/359b.

Traduction Chambry. Vaut-il mieux subir l'injustice que la commettre ? Pour Socrate, la justice est une valeur absolue.

Elle est pour lui lebien et la vertu par excellence.

Glaucon propose ici de définir la justice non comme une fin, mais comme un moyen.Elle n'a donc qu'une valeur relative.

Il oppose la nature et la loi.

Par nature, l'injustice est préférable.

Par la loi, lajustice est préférable.

Ce changement s'explique par le fait que les hommes ont fait un calcul.

Avant l'établissementde toute loi, le risque de subir l'injustice étant supérieur à l'occasion de pouvoir la commettre dans la majorité descas, les hommes s'entendent entre eux et établissent une convention par laquelle ils se protègent de l'injusticesubie et renoncent à l'injustice commise.La justice n'est donc pas naturelle.

Elle résulte d'une institution, d'un contrat.

C'est sur la loi qu'il faut s'appuyerpour la faire exister, et non sur la nature.

c) Ne serait-il donc pas plus sage de fonder la société sur ce vers quoi elle semble de toute façon se tourner ? Si laconstitution de l'homme et l'état de nature sont faits de telle manière que l'homme ressente le besoin de poser desconventions pour garantir son intérêt, ne serait-ce pas aller à l'encontre de la nature que de chercher ailleurs unsubstitut pour ce qui s'impose déjà avec évidence ? Transition : Pourtant, n'a-t-on pas l'impression que cette solution n'est pas satisfaisante, qu'elle ne ressemble à rien de plus qu'à un pis-aller ? 3.

La société existe pour que puisse éclore la justice véritable, laquelle n'est découverte que par la raison.

a) Faire de l'intérêt un fondement de la société, c'est essayer de bâtir une communauté d'individus sur le désir.

Or ledésir souffre de deux graves défauts : il est infini et il repose sur la présence simultanée d'états contraires.

Platonexplique ces défauts dans le Gorgias. D'abord il exprime l'idée que le désir inféode l'homme à une prospection toujours reconduite et qu'il rend les hommes comme ces habitants de l'Hadès qui « portent de l'eau dans destonneaux percés » ( Gorgias , 493b).

Ensuite, Platon va démontrer que le plaisir – qui répond au désir – ne peut nous permettre de devenir heureux car il a besoin de contraires.

On prend en effet du plaisir à boire, mais ce plaisir neprovient que du fait qu'il met fin à la souffrance qu'était la soif.

Aussi, désirer le plaisir de boire, ce serait désirer lasouffrance d'avoir soif.

A l'inverse, le bonheur et le malheur ne peuvent être présents simultanément, aussi lebonheur ne peut-il reposer sur le seul critère du plaisir.

Il découle de ces deux arguments qu'il paraît difficile defonder la société sur l'intérêt car ce serait une société fondée sur quelque chose de trop instable.b) Il faut donc fonder la société sur quelque chose qui permette aux hommes de vivre ensemble et qui permette lastabilité.

Pour cela, il est nécessaire de permettre la cohésion en dépit des disparités d'intérêts et des sentimentsdivergents des individus qui la composent.

Cela reviendrait à créer un ordre véritable, or, il semble que ce soit cetteharmonie que Platon cherche à atteindre lorsqu'il expose sa conception de la justice, justice qui ne peut s'appuyerque sur des principes rationnels.

Il explique notamment dans la République au livre IV (443c-e) que la justice est le lien qui permet d'unifier une multiplicité.

Elle est ce qui permet de dépasser l'intérêtindividuel pour le bien plus grand que constitue le bien de la société.c) La vraie justice requiert un savoir véritable qu'on pourrait appeler une technique politique.

Mais comme toutetechnique, celle-ci présuppose une connaissance rationnelle de son objet, une connaissance qui passe par l'intellect. »

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