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Quel rapport la politique entretient-elle avec la morale ?

Publié le 11/01/2004

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morale
Sur cette impuissance, nous dit-il, les hommes tirent des conclusions sur la nature de la justice, contre lesquelles il s'oppose. Les philosophes, en effet, au lieu de remettre en cause la relativité des conceptions du juste et de l'injuste, ne trouvent rien de mieux que d'essayer de la légitimer, ajoutant encore plus à la confusion.L'un, confondant la justice de Dieu et le pouvoir du souverain, affirmera que « l'essence de la justice est l'autorité du législateur » et que c'est lui, qui du haut de l'arbitraire de son bon-vouloir, décide de ce qui doit être considéré comme juste ou injuste. Tel autre affirmera que cette autorité repose sur « la commodité du souverain », sur ce qui lui agrée et constitue son intérêt propre. D'autres enfin soutiennent que la seule autorité de la justice provient de la force de la coutume, le temps et l'usage ayant ainsi force de loi. Cette forme de scepticisme moral repose sur l'idée que la raison ne nous découvre aucune justice absolue.Or, ici, les philosophes établissent, selon Pascal, un faux lien causal et concluent abusivement, de l'impuissance de la raison à déterminer les critères de la justice universelle à sa relativité fondamentale. C'est surtout la coutume qui pousse les hommes à croire de telles choses : « la coutume fait toute l'équité », croit-on, et pour cette seule raison qu'elle a été reçue par les Anciens. Justification de fait et non de droit, et c'est là tout le fondement de son autorité, à savoir l'usage, que Pascal appelle ironiquement « mystique » car il ne se laisse pas argumenter par des discours.De même que le mystique religieux ne peut discourir sur les expériences du divin qu'il éprouve, ceux qui font de la coutume le principe de la justice ne peuvent discourir sur le fondement de cette conception car, en réalité, elle n'en possède pas.
morale

« "Sur quoi [le souverain] la fondera-t-il, l'économie du monde qu'il veutgouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelle confusion !Sera-ce sur la justice ? Il l'ignore.Certainement, s'il la connaissait, il n'aurait pas établi cette maxime, la plusgénérale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun suive lesmoeurs de son pays ; l'éclat de la véritable équité qui aurait assujetti tous lespeuples, et les législateurs n'auraient pas pris pour modèle, au lieu de cettejustice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et Allemands.

On laverrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps, au lieuqu'on ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeantde climat [...].Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreurau-delà.De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice est l'autoritédu législateur, l'autre la commodité du souverain, l'autre la coutume présente ;et c'est le plus sûr : rien, suivant la seule raison, n'est juste de soi ; toutbranle avec le temps.

La coutume fait toute l'équité, par cette seule raisonqu'elle est reçue ; c'est le fondement mystique de son autorité.

Qui la ramèneà son principe, l'anéantit." Blaise Pascal, Pensées (1670). Ce que défend ce texte: Ce texte de Pascal s'ouvre sur une question qui s'adresse à tout gouvernant d'un État : sur quel principe celui-cidoit-il fonder l'organisation (« l'économie ») de la société qu'il veut gouverner ?S'agit-il de fonder le droit sur « le caprice de chaque particulier» ? Pascal rejette cette solution qui ne peut aboutirqu'à une confusion, celle qui résulte des désirs changeants et contradictoires de chacun, où nul gouvernement nepeut trouver sa cohérence.S'agit-il de le fonder sur l'idée de la justice et de régler les lois sur ses exigences ? Or, pour Pascal, les princesignorent ce qu'est la justice universelle, et c'est cette thèse qu'il va tenter de démontrer dans ce texte.S'ils connaissaient une telle justice, en effet, ils n'auraient pas établi cette règle, « la plus générale de toutes cellesqui sont parmi les hommes », qui consiste à affirmer que « chacun suive les moeurs de son pays » et la conceptionde la justice que les traditions développent chacune en particulier.

Descartes lui-même, dans le Discours de laméthode, reprendra à son compte une telle règle, lorsqu'il adoptera une « morale provisoire » pour accompagnerl'épreuve du doute : suivre les moeurs de son pays et les valeurs qu'elles établissent.Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle qui se seraitimposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité.

Si une telle vérité existait, elle aurait soumis tous lespeuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de la reconnaissance « de la véritableéquité ».

Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée ») dans le coeur des hommes et dans leursÉtats, en tout lieu et en tout temps.Or, l'histoire nous montre une « relativité » des conceptions du juste et de l'injuste qui parle d'elle-même.

Ce qui estjuste ici est considéré comme blâmable là et réciproquement.

Ce qui est le bien en France (au-deçà des Pyrénées)est une erreur ou un vice en Espagne (au-delà des Pyrénées).

Nous ne pouvons que nous moquer alors d'une justicequi « change de qualité en changeant de climat », justice qui doit être davantage objet de plaisanterie (« plaisantejustice ») que de respect.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Pascal ne se contente pas ici de dénoncer l'incapacité de la raison à déterminer les principes de la justiceauthentique et universelle.

Sur cette impuissance, nous dit-il, les hommes tirent des conclusions sur la nature de lajustice, contre lesquelles il s'oppose.

Les philosophes, en effet, au lieu de remettre en cause la relativité desconceptions du juste et de l'injuste, ne trouvent rien de mieux que d'essayer de la légitimer, ajoutant encore plus àla confusion.L'un, confondant la justice de Dieu et le pouvoir du souverain, affirmera que « l'essence de la justice est l'autoritédu législateur » et que c'est lui, qui du haut de l'arbitraire de son bon-vouloir, décide de ce qui doit être considérécomme juste ou injuste.

Tel autre affirmera que cette autorité repose sur « la commodité du souverain », sur ce quilui agrée et constitue son intérêt propre.

D'autres enfin soutiennent que la seule autorité de la justice provient de laforce de la coutume, le temps et l'usage ayant ainsi force de loi.

Cette forme de scepticisme moral repose sur l'idéeque la raison ne nous découvre aucune justice absolue.Or, ici, les philosophes établissent, selon Pascal, un faux lien causal et concluent abusivement, de l'impuissance dela raison à déterminer les critères de la justice universelle à sa relativité fondamentale.

C'est surtout la coutume quipousse les hommes à croire de telles choses : « la coutume fait toute l'équité », croit-on, et pour cette seule raisonqu'elle a été reçue par les Anciens.

Justification de fait et non de droit, et c'est là tout le fondement de sonautorité, à savoir l'usage, que Pascal appelle ironiquement « mystique » car il ne se laisse pas argumenter par desdiscours.De même que le mystique religieux ne peut discourir sur les expériences du divin qu'il éprouve, ceux qui font de lacoutume le principe de la justice ne peuvent discourir sur le fondement de cette conception car, en réalité, elle n'enpossède pas.

Le véritable fondement mystique de la justice est, pour Pascal, celui que nous révèlent les Saintes. »

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